J'en ai assez de toute cette guerre par Joséphine

Publié le par Professeur L

La Dernière tranchée d'Adrian Powers, 2013.

Ma très chère Elise,

 

J'en ai assez de toute cette guerre, de ces massacres, de ces combats monstrueux, de ces batailles sans fin.

Et tous ces morts, je ne t'en parle pas. Des centaines de soldats, morts dans d'atroces souffrances. Suffoquant sans pouvoir être secourus. Obligés de mourir. Obligés de souffrir, sans avoir aucun espoir de survie. L'atrocité du champ de bataille nous laisse sans voix.

On ne peut décrire l'indescriptible.

Des centaines de cadavres. Des corps fraîchement morts avec des bêtes autour et de la chair apparente sur le sol et des cadavres plus anciens. Enfin cadavres, je dirais plutôt squelettes : tout ce spectacle sanglant est notre vision de tous les jours. Ce n'est pas magnifique, je te l'assure. Et à chaque bataille, les morts augmentent. Et à chaque bataille, je perds des amis, des dizaines d'amis, de frères avec qui je partageais ma peine et avec qui je tentais d'oublier cette monstrueuse guerre. Des amis qui sont maintenant des cadavres gisant sur le champ de bataille. Je serai sûrement le prochain.

Tout à l'heure, un assaut est survenu tôt dans la nuit. Je courais droit vers l'ennemi, en tirant à l'aveugle. Avec qu'une seule idée en tête : survivre. Survivre à l'ennemi. Survivre à la guerre. J'étais terrorisé par la peur de mourir. Durant cet assaut, je n'ai pas été touché. Mes anciennes blessures n'étaient que superficielles, comparées à celles de mes camarades, et elles ont eu le temps de cicatriser. La chance me protège et je prie pour qu'elle ne me quitte pas.

Rien qu'aujourd'hui, une grenade a explosé à mes côtés, ôtant la vie à mes camarades, ne laissant qu'une traînée de chairs et d'entrailles sur son passage. Mais celle-ci m'a épargné une mort atroce.

L'assaut d'aujourd'hui n'a duré que quelques heures. Quelques heures de peur, quelques heures de massacre. Quelques heures de souffrance. Quelques heures de terreur. Mais surtout quelques heures semblant durer une éternité.

Durant ce temps, des obus éclatent, des balles volent, des gaz asphyxiants sont lâchés.

Peux-tu comprendre ? Non, sûrement pas ! Mais crois-moi, il vaut mieux être mort, que de poursuivre cette guerre sans but ni fin. Enfin, un but que tout le monde a oublié. Ils veulent la paix en faisant la guerre. Pourtant nous pensions qu'elle serait belle, courte, fraîche et joyeuse. Elle est tout le contraire.

En ce moment, je suis dans les tranchées et je t'écris. Car lorsque je mourrai, je veux que tu saches la dure vérité. Car oui je mourrai. Tout le monde mourra. Les tranchées où je suis sont gelées par le froid qui nous mord la peau. Nous ne sommes qu'en octobre pourtant. La boue omniprésente nous colle et ne sèche pas. Et l'odeur est pire encore, l'odeur des cadavres morts sur le champ de bataille. Odeur de pourriture et de décomposition. Et le sang est partout. Dans notre bouche, sur notre corps, dans les tranchées.

Ma douce, je suis contre toute cette guerre et tous ces morts. Ils sont tous innocents, comme moi. Ma colère et ma haine ne sont pas contre les Boches, mais contre le commandement, qui nous oblige à faire de nous des monstres. Mais que veux-tu que je fasse ? Je ne suis qu'un homme parmi tant d'autres. Un cadavre parmi tant d'autres.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :