Comment puis-je raconter par Cyril et Kemys

Publié le par Professeur L

Portrait d'un soldat afro-américain par Lucien Jonas (1880-1947). Fils d'industriels du Nord de la France, Lucien Jonas est un peintre français. Grand prix de Rome en 1905. En février 1915, il est agréé peintre militaire attaché au Musée de l'Armée. Il parcourt le front de Belgique aux Vosges. Musée franco-américain du château de Blérancourt, Aisne, France.

Portrait d'un soldat afro-américain par Lucien Jonas (1880-1947). Fils d'industriels du Nord de la France, Lucien Jonas est un peintre français. Grand prix de Rome en 1905. En février 1915, il est agréé peintre militaire attaché au Musée de l'Armée. Il parcourt le front de Belgique aux Vosges. Musée franco-américain du château de Blérancourt, Aisne, France.

Ma chère famille, comment puis-je vous raconter l'affreuse expérience que je vis en ce moment ? La guerre contre les Boches devait être courte, fraîche et joyeuse, mais voilà trois mois que je me lève avec l'angoisse de me faire tuer par les Huns.

Depuis que je suis arrivé, je n'ai même pas eu le temps de me raser. Je vis dans la boue, au milieu de l'odeur des cadavres en décomposition. Ici, une ambiance macabre, sinistre, sombre et post-apocalyptique résonne. Chaque jour, sur le champ de bataille, les soldats français, anglais, américains comme les boches tombent par milliers, comme une pluie acharnée, et les orages explosent comme un orage déchaîné.

Nous mangeons très peu, car l'odeur des cadavres nous coupe l'appétit. Et puis rien ne vaut les  bons plats que tu nous préparais, ma femme, et que nous mangions en famille, avec les enfants. Je ferais tout pour être à tes côtés et passer de bons moments, en paix. En attendant, mon métier de musicien me sert énormément, pour me réconforter et apaiser mes frères d'armes. Chaque soir, je leur joue un petit air de blues avec l'harmonica que tu m'avais offert un soir de Noël. Notre jazz et notre blues plaisent beaucoup aux Français par ailleurs. Ils songent même à le diffuser dans leur pays !

Tu dois sûrement te demander pourquoi je me bas, pourquoi je risque ma vie pour la France, si loin de l'Amérique. C'est tout simplement que je veux montrer ma vraie valeur, et défendre un pays qui a aussi de vraies valeurs. Au moins, en montrant ce que nous valons vraiment, nous les Afro-Américains, peut-être que nous ne subirons plus les discriminations liées à la ségrégation. Peut-être que les Blancs n'oseront plus lyncher des Noirs qui se sont battus en France. Retiens bien ces trois mots : Liberté, Égalité, Fraternité. Ce sont les trois valeurs qui ont fondé la République française. Ce sont les trois valeurs qui peuvent mettre un terme à la ségrégation.

Au revoir ma belle petite famille, je vous aime.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :