L'Enrôlement des volontaires de Thomas Couture par Chloé M.

Publié le par Professeur L

Thomas Couture, L'Enrôlement des volontaires de 1792, 1848, MUDO, Beauvais, France.

Thomas Couture, L'Enrôlement des volontaires de 1792, 1848, MUDO, Beauvais, France.

Les remarques en italique sont ajoutées par le professeur.

Pour glorifier le peuple et les valeurs de la République, Thomas Couture a réalisé un tableau intitulé L'Enrôlement des volontaires de 1792. Il est exposé à Beauvais, au MUDO. Il représente un moment fort de la Révolution française, où toutes les classes sociales sont mélangées. Les hommes et les femmes combattent ensemble pour la République. On retrouve une exaltation, une glorification du peuple et un double registre : épique pour le combat, lyrique pour la joie et la colère du peuple. En haut, les députés encouragent le peuple à se battre. Les couleurs du drapeau français sont mises en évidence. Un personnage féminin rappelle Marianne, l'allégorie de la République. Pour réaliser ce tableau, Thomas Couture s'est inspiré de plusieurs œuvres et a utilisé des procédés bien particuliers.

Une Amazone, incarnation de la République en danger. Détail de L'Enrôlement des volontaires de 1792 de Thomas Couture, MUDO, Beauvais, Oise, France.

Une Amazone, incarnation de la République en danger. Détail de L'Enrôlement des volontaires de 1792 de Thomas Couture, MUDO, Beauvais, Oise, France.

Tout d'abord, le peintre s'est inspiré de références grecques et romaines. Effectivement, les femmes sont représentées sous un aspect qui n'est pas sans rappeler Wonderwoman, l'héroïne de comics créée par William Moulton Marston (sous le pseudonyme de Charles Moulton), qui apparaît pour la première fois en décembre 1941 dans All Star Comics #8.  Les femmes représentées sont directement inspirées des représentations grecques et romaines des Amazones. Or, les Amazones désignent à la Révolution française des associations féminines et féministes. La première a été créée en 1790 à Vic-en-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées. Ces femmes se sentaient impliquées dans la Révolution, tout autant que les hommes. Elles voulaient, à travers leur association, aider au combat, aider les personnes en difficultés et éduquer le peuple. Deux Amazones se sont fait connaître à l'époque de la Révolution française : Théroigne de Méricourt (1767-1817) et Etta Palm Dalder (née en 1743 et probablement décédée en 1799). Théroigne de Méricourt est une Belge issue d'un milieu pauvre, mais elle a été élevée et éduquée par une aristocrate anglaise : Madame Colbert. Elle voyage partout en Europe avant de s'installer à Paris. C'est en assistant aux débats de l'Assemblée constituante qu'elle entend parler pour la première fois des Amazones de Vic-en-Bigorre. Elle décide d'aller plus loin en militant pour armer les femmes. Cette idée est loin de plaire aux hommes, y compris les révolutionnaires les plus enthousiastes, qui vont manipuler leurs épouses afin d'infliger une leçon à Théroigne de Méricourt. Ainsi, le 13 mai 1793, Théroigne de Méricourt se fait agresser et humilier en plein Paris par une meute de femmes enragées. Elle est fessée en public. Cet événement particulièrement humiliant va la traumatiser, ce qui va provoquer son aliénation. Grâce à l'intervention de son frère qui plaide la démence, elle échappe de peu à la guillotine et est conduite dans un asile d'aliénés où elle terminera sa vie. Particulièrement populaire avant sa disgrâce et son humiliation, Théroigne de Méricourt apparaissait comme une héroïne de la Révolution française, d'où de nombreux portraits qui circulent de la Révolution jusque dans les années 1830, et dont s'inspireront aussi bien Eugène Delacroix pour représenter La Liberté guidant le peuple que Thomas Couture pour concevoir l'allégorie de la République dans l'Enrôlement des volontaires de 1792.

L'Amazone de la Révolution française Théroigne de Méricourt, gravure d'après une peinture d'Auguste Raffet, 1817.

L'Amazone de la Révolution française Théroigne de Méricourt, gravure d'après une peinture d'Auguste Raffet, 1817.

Etta Palm Dalder, quant à elle, est une femme hollandaise qui, installée à Paris et enthousiasmée par la Révolution française, avait reçu l'appui des milieux révolutionnaires et du maire de Creil pour créer les "Amazones de Creil". Cependant, débordée par l'ardeur de Théroigne de Méricourt à armer les femmes et par Olympe de Gouges revendiquant l'égalité entre les femmes et les hommes, elle perdit toute crédibilité et cette association ne vit finalement jamais le jour.

Le Départ des volontaires de François Rude (1832), Arc de Triomphe.

Le Départ des volontaires de François Rude (1832), Arc de Triomphe.

Par ailleurs, Thomas Couture s'est inspiré de nombreux tableaux. Tout d'abord, il défend la pureté des valeurs de la Révolution, contre la barbarie de la guerre. Il montre dans son tableau que la guerre a un impact non seulement sur le présent, mais encore sur le futur. On le voit grâce aux femmes qui brandissent des enfants.

Femme brandissant un enfant, détail de L'Enrôlement des volontaires de 1792 de Thomas Couture, 1848, MUDO, Beauvais, Oise, France.

Femme brandissant un enfant, détail de L'Enrôlement des volontaires de 1792 de Thomas Couture, 1848, MUDO, Beauvais, Oise, France.

Ces femmes brandissant des enfants en signe d'avenir sont un écho à L'Intervention des Sabines de Jacques-Louis David, tableau exposé au Musée du Louvre à Paris.

Les Sabines (titres alternatifs L'Intervention des Sabines, Les Sabines arrêtant le combat entre les Romains et les Sabins) est un tableau peint par Jacques-Louis David entre 1796 et 1799. Peinture d'histoire appartenant au courant néoclassique, elle marque une évolution dans le style de David après la Révolution, qualifié par lui-même de « grec pur ».

Les Sabines (titres alternatifs L'Intervention des Sabines, Les Sabines arrêtant le combat entre les Romains et les Sabins) est un tableau peint par Jacques-Louis David entre 1796 et 1799. Peinture d'histoire appartenant au courant néoclassique, elle marque une évolution dans le style de David après la Révolution, qualifié par lui-même de « grec pur ».

De plus, dans l'histoire, les Sabines font preuve de courage, lorsque Romulus commence à créer les fondations de son royaume et qu'il a capturé les femmes des Sabins. On retrouve ce courage féminin dans le tableau de Thomas Couture. Mais la toile de Couture, à travers ses personnages féminins et masculins, renvoie également au Radeau de la Méduse de Théodore Géricault.

Le Radeau de La Méduse est une peinture à l'huile sur toile, réalisée entre 1818 et 1819 par le peintre et lithographe romantique français Théodore Géricault (1791-1824). Son titre initial, donné par Géricault lors de sa première présentation, est Scène d'un naufrage. Ce tableau, de très grande dimension (491 cm de hauteur et 716 cm de largeur), représente un épisode tragique de l'histoire de la marine coloniale française : le naufrage de la frégate Méduse. Celle-ci est chargée d'acheminer le matériel administratif, les fonctionnaires et les militaires affectés à ce qui deviendra la colonie du Sénégal. Elle s'est échouée le 2 juillet 1816 sur un banc de sable, un obstacle bien connu des navigateurs situé à une soixantaine de kilomètres des côtes de l'actuelle Mauritanie2. Au moins 147 personnes se maintiennent à la surface de l'eau sur un radeau de fortune et seuls quinze embarquent le 17 juillet à bord de L’Argus, un bateau venu les secourir. Cinq personnes meurent peu après leur arrivée à Saint-Louis du Sénégal, après avoir enduré la faim, la déshydratation, la folie et même l'anthropophagie. L’événement devient un scandale d'ampleur internationale, en partie parce qu'un capitaine français servant la monarchie restaurée depuis peu est jugé responsable du désastre, en raison de son incompétence.

Le Radeau de La Méduse est une peinture à l'huile sur toile, réalisée entre 1818 et 1819 par le peintre et lithographe romantique français Théodore Géricault (1791-1824). Son titre initial, donné par Géricault lors de sa première présentation, est Scène d'un naufrage. Ce tableau, de très grande dimension (491 cm de hauteur et 716 cm de largeur), représente un épisode tragique de l'histoire de la marine coloniale française : le naufrage de la frégate Méduse. Celle-ci est chargée d'acheminer le matériel administratif, les fonctionnaires et les militaires affectés à ce qui deviendra la colonie du Sénégal. Elle s'est échouée le 2 juillet 1816 sur un banc de sable, un obstacle bien connu des navigateurs situé à une soixantaine de kilomètres des côtes de l'actuelle Mauritanie2. Au moins 147 personnes se maintiennent à la surface de l'eau sur un radeau de fortune et seuls quinze embarquent le 17 juillet à bord de L’Argus, un bateau venu les secourir. Cinq personnes meurent peu après leur arrivée à Saint-Louis du Sénégal, après avoir enduré la faim, la déshydratation, la folie et même l'anthropophagie. L’événement devient un scandale d'ampleur internationale, en partie parce qu'un capitaine français servant la monarchie restaurée depuis peu est jugé responsable du désastre, en raison de son incompétence.

L’œuvre de Théodore Géricault, comme celle de Thomas Couture, est une allégorie de la France. Les naufragés qui ont survécu sont ceux qui ont fait preuve de fraternité, en résistant à la déshumanisation provoqué par la faim et la déshydratation. Le radeau de la Méduse est pour le peintre l'allégorie de la France. A travers sa mise en scène pyramidale, l'artiste transmet un message politique : l'avenir réside, comme le prouve le métis au sommet de la pyramide humaine sur le radeau, dans le métissage. La France sera fraternelle ou ne sera pas. En effet, nous retrouvons une scène de fraternité dans ce tableau comme dans celui de Couture. Dans l’œuvre de Couture, la fraternité du peuple est également mise en avant, notamment à travers la mise en scène du bourgeois et de l'ouvrier qui vont au combat ensemble, dans un seul et même mouvement.

Le bourgeois et l'ouvrier ensemble, détail de L'Enrôlement des volontaires de 1792 de Thomas Couture, MUDO, Beauvais, Oise, France.

Le bourgeois et l'ouvrier ensemble, détail de L'Enrôlement des volontaires de 1792 de Thomas Couture, MUDO, Beauvais, Oise, France.

En effet, le tableau de Thomas Couture représente un événement fondateur de la République française, en 1792, aussi important selon Jules Michelet que les combats de Jeanne d'Arc. Lorsque l'Autriche déclare la guerre à la République française, les députés français déclarent "la patrie en danger". Entre 200 000 et 300 000 hommes issus de toutes les classes sociales se sont portés volontaires pour soutenir l'armée française et se battre contre les monarchies européennes. Ces volontaires avaient des objectifs militaires (défendre la frontière, empêcher l'occupation du territoire par les armées étrangères, faire triompher la France sur ses ennemis), mais également politiques, puisque ces volontaires, désignant eux-mêmes parmi leurs rangs leurs officiers par un système d'élection, revendiquaient le droit au travail, le droit à la justice, la solidarité et le droit à l'instruction. Le peuple apparaît alors, pour Thomas Couture lecteur assidu de l'historien Jules Michelet, le véritable moteur de l'Histoire. Le peuple est héroïsé, mis en scène dans un vaste mouvement d'unité et d'élan patriotique. Cette héroïsation lyrique et épique du peuple se retrouve dans un autre tableau dont Couture s'est inspiré, La Liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix, qui célèbre en 1830 les Trois Glorieuses menant à la destitution de Charles X et à l'instauration de la Monarchie de Juillet.

La Liberté guidant le peuple est une huile sur toile d'Eugène Delacroix réalisée en 1830, inspirée de la révolution des Trois Glorieuses. Présenté au public au Salon de Paris de 1831 sous le titre Scènes de barricadesnote 1, le tableau est ensuite exposé au musée du Luxembourg à partir de 1863 puis transféré au musée du Louvre en 1874 où il fut l'un des plus fréquentés1. En 2013, il est la pièce majeure de l'exposition La Galerie du temps au Louvre-Lens.  Par son aspect allégorique et sa portée politique, l'œuvre a été fréquemment choisie comme symbole de la République française ou de la démocratie.

La Liberté guidant le peuple est une huile sur toile d'Eugène Delacroix réalisée en 1830, inspirée de la révolution des Trois Glorieuses. Présenté au public au Salon de Paris de 1831 sous le titre Scènes de barricadesnote 1, le tableau est ensuite exposé au musée du Luxembourg à partir de 1863 puis transféré au musée du Louvre en 1874 où il fut l'un des plus fréquentés1. En 2013, il est la pièce majeure de l'exposition La Galerie du temps au Louvre-Lens. Par son aspect allégorique et sa portée politique, l'œuvre a été fréquemment choisie comme symbole de la République française ou de la démocratie.

On retrouve notamment dans le tableau de Delacroix la fraternité entre le bourgeois et l'ouvrier. Ainsi, non seulement les femmes sont glorifiées, en amazones ou en mère-courage, mais également les hommes. Ceux-ci apparaissent aussi comme des héros. Ce sont des personnages herculéens, représentés comme possédant la force d'Hercule. Pour les mettre en valeur, le peintre les a représentés en plein effort.

Détail de L'Enrôlement des volontaires de 1792 de Thomas Couture (1848), MUDO, Beauvais, Oise, France.

Détail de L'Enrôlement des volontaires de 1792 de Thomas Couture (1848), MUDO, Beauvais, Oise, France.

La musculature des hommes est particulièrement mise en valeur, à travers le relief des muscles et des veines des corps en mouvement. Ce réalisme des corps fait penser au travail de Théodore Géricault. En dehors de la structure pyramidale et des corps masculins, on retrouve également une référence, un écho au travail de Géricault dans l’œuvre de Couture quand on observe le cheval sur la droite et son cavalier.

Détail de l'Enrôlement des volontaires de 1792 de Thomas Couture, MUDO, Beauvais, Oise, France.

Détail de l'Enrôlement des volontaires de 1792 de Thomas Couture, MUDO, Beauvais, Oise, France.

En effet, ce cavalier n'est pas sans faire penser au travail de Géricault sur la représentation des chevaux, comme dans l' Officier de chasseurs à cheval de la garde impériale chargeant. 

Officier de chasseurs à cheval de la garde impériale chargeant est un portrait équestre peint par Théodore Géricault en 1812. Initialement intitulé lors de son envoi au Salon Portrait du lieutenant M.D., le tableau fait remarquer le peintre lors de son exposition au Salon de peinture de 1812.  Le tableau représente un officier du régiment de chasseurs à cheval de la Garde impériale sur un cheval cabré, motif similaire au portrait de Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard. Le tableau a été fait en cinq semaines. L'œuvre est exposée au musée du Louvre à Paris.

Officier de chasseurs à cheval de la garde impériale chargeant est un portrait équestre peint par Théodore Géricault en 1812. Initialement intitulé lors de son envoi au Salon Portrait du lieutenant M.D., le tableau fait remarquer le peintre lors de son exposition au Salon de peinture de 1812. Le tableau représente un officier du régiment de chasseurs à cheval de la Garde impériale sur un cheval cabré, motif similaire au portrait de Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard. Le tableau a été fait en cinq semaines. L'œuvre est exposée au musée du Louvre à Paris.

Les hommes sont en triomphe dans ce tableau, tout comme les femmes. Ainsi le porte-enseigne est mis en valeur à travers le réalisme de sa musculature, et de nombreux personnages politiques, comme Georges Washington ou le maire de Paris, apparaissent, comme autant de porte-parole de la Révolution triomphante.

Détail de l'oeuvre de Thomas Couture.

Détail de l'oeuvre de Thomas Couture.

Détail de l'oeuvre de Thomas Couture.

Détail de l'oeuvre de Thomas Couture.

L’œuvre de Thomas Couture met donc en scène un peuple fraternel, héroïque, uni dans un même mouvement pour la liberté, l'égalité et la fraternité.

Cependant, Thomas Couture s'est toujours énormément méfié de la haute bourgeoisie, qu'il tient pour responsable de toutes les trahisons politiques, depuis Napoléon Ier jusqu'à Napoléon III. En ce sens, le peintre rejoint Jules Michelet. Tous deux partageaient deux idées : le héros de l'Histoire n'est pas un homme exceptionnel, le héros de l'Histoire est le peuple, c'est lui et lui seul qui écrit l'Histoire ; quant aux membres de la haute bourgeoisie, ils sont toujours cupides et intéressés, d'où leur trahison permanente des idéaux de la Révolution. Ainsi, dans L'Enrôlement des volontaires, nous retrouvons bien le peuple héroïsé, comme dans les écrits de Jules Michelet. Mais dans une autre œuvre de Thomas Couture, intitulée La soif de l'or, nous retrouvons bien les bourgeois prêts à tout pour de l'argent.

Thomas Couture, La Soif de l'or, 1844, Musée des Augustins, Toulouse, France.

Thomas Couture, La Soif de l'or, 1844, Musée des Augustins, Toulouse, France.

Dans ce tableau de Thomas Couture, les bourgeois sont prêts à prostituer leur corps et leur âme pour de l'or. La haute bourgeoisie est également rabaissée dans un autre tableau célèbre de Thomas Couture, qui s'intitule Les Romains de la décadence.

Thomas Couture, Les Romains de la décadence, 1847, Musée d'Orsay, Paris, France.

Thomas Couture, Les Romains de la décadence, 1847, Musée d'Orsay, Paris, France.

Thomas Couture, dont les idées politiques se rattachent au libéralisme politique et au patriotisme, a donc saisi l'esprit de son temps : ami de George Sand et de Béranger, il commence son œuvre en 1847, à un moment où le peuple commence à s'exaspérer des scandales retentissants de la haute société. On peut d’ailleurs voir dans un autre tableau de Couture, Les Romains de la décadence, exposé au Musée d'Orsay à Paris, la dénonciation de ces scandales, à travers la mise en scène d’une haute société décadente, repue, qui se vautre dans les plaisirs charnels. Cette toile a le même format que le Radeau de la Méduse de Géricault au Musée du Louvre et qu'Antoine et Cléopâtre après Actium essayant des poisons de Gigoux au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Ce n'est pas un hasard : tous ces tableaux montrent la décadence d'une bourgeoisie corrompue. Couture préfère même l'aristocrate au bourgeois, car ce dernier se caractérise toujours par la passion de l'argent qui enlaidit tout, comme le prouve son Allégorie de la Noblesse héréditaire, exposée au Musée d'art et d'archéologie de Senlis. Dans ce tableau, la noblesse a les traits d'une femme fière et orgueilleuse, indifférente à la cupidité des bourgeois. Couture est un républicain authentique mais il ne peut s'empêcher d'être fasciné par la figure de l'aristocrate, dans la mesure où il se considère lui-même comme faisant partie de la véritable aristocratie, qui est celle de l'esprit.


 

 

Thomas Couture, La Noblesse héréditaire, entre 1867 et 1876, Musée d'art et d'archéologie de Senlis, Oise, France.

Thomas Couture, La Noblesse héréditaire, entre 1867 et 1876, Musée d'art et d'archéologie de Senlis, Oise, France.

Le bourgeois au contraire n'est jamais admirable car il ne vit que pour satisfaire sa soif d'argent et de pouvoir, et préfère vivre riche et soumis que pauvre et libre. Le Roi de l'époque, huile sur toile encore à l'état d'ébauche, exposée au Musée National du Palais impérial de Compiègne, est le pendant de l'Allégorie de la Noblesse héréditaire. Caractérisé par un réalisme jugé agressif par la critique de l'époque, cette ébauche est une satire féroce de la bourgeoisie enrichie par la spéculation, avilie par la corruption financière. Le Roi de l'époque apparaît comme un personnage ridicule, grossier, bouffi et bête comme le dindon qui fait la roue à ses côtés. Il s'agit d'un anti-Roi, brutal et vulgaire, inspiré du Bacchus de Vélasquez exposé au Musée du Prado à Madrid, et de Rubens, dont le Bacchus est visible au Musée de l'Ermitage à Saint-Petersbourg. Il présente toutes les caractéristiques physiques et morales de la bourgeoisie parvenue, corrompue et vaniteuse. Il semble singer, à la manière des caricatures de Daumier, la véritable noblesse qui demeure indifférente à la puissance de l'argent.  La Monarchie de Juillet est au yeux du peintre le triomphe des appétits bourgeois qui rabaissent la France – comme le sera le Second Empire.  D’où l’appel à un renouveau, aussi bien politique qu’esthétique, que célèbrent L’Enrôlement des volontaires et la Révolution de 1848. 

Thomas Couture, Le Roi de l'époque, Palais Impérial de Compiègne, Oise, France.

Thomas Couture, Le Roi de l'époque, Palais Impérial de Compiègne, Oise, France.

Rubens, Bacchus, entre 1638 et 1640, Musée de l'Ermitage, Saint-Petersbourg, Russie.

Rubens, Bacchus, entre 1638 et 1640, Musée de l'Ermitage, Saint-Petersbourg, Russie.

En s'inspirant de Rubens, Thomas Couture affirme que la haute bourgeoisie est aussi ridicule qu'un dindon.

Pour conclure, nous constatons que pour mettre en lumière le peuple et la République, le peintre a employé le registre épique et lyrique. Il a également représenté les hommes possédant la force d'Hercule dans le but de démontrer que la France est forte et puissante.

Thomas Couture, détail de L'Enrôlement des volontaires de 1792, 1848, MUDO, Beauvais, Oise, France.

Thomas Couture, détail de L'Enrôlement des volontaires de 1792, 1848, MUDO, Beauvais, Oise, France.

Thomas Couture a foi en la République qui, en mettant le peuple au pouvoir, est le seul régime politique susceptible de changer les choses vers plus de liberté, d'égalité et de fraternité. Thomas Couture, pour illustrer ses idées politiques, s'est par ailleurs réapproprié un motif dans l'histoire de l'art : le départ des volontaires est une image récurrente dans la peinture et la sculpture, comme le prouvent La Garde de Paris part pour l'armée en septembre 92 de Léon Cogniet, exposé à Versailles, l'ensemble sculptural de François Rude intitulé Le Départ des volontaires qui orne depuis 1833 l'Arc de Triomphe à Paris. A toutes les périodes de France, de 1792 à 1870, chaque régime politique s'est appuyé sur les représentations  du départ des volontaires de 1792 pour légitimer son pouvoir.

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