Les Hellfighters de Harlem : pièce de théâtre écrite par les 3eE
Vue du front de Léon Broquet (1869-1935). Peintre et graveur français, élève de Claude Monet. Ami de Lucien Jonas. Engagé volontaire et peintre aux armées pendant la Première Guerre mondiale. Musée franco-américain du château de Blérancourt, Aisne, France.
PIÈCE DE THÉÂTRE DES 3eE
1917-2017 : L'ENGAGEMENT DES ÉTATS-UNIS DANS LA GUERRE
LAFAYETTE HERE WE ARE !
LES HELLFIGHTERS
Chanson 1.
Soldat 1 : Ma chérie,
Soldat 2 : Par quoi commencer ?
Soldat 3 : Mes yeux ont vu des scènes qui marqueront à jamais ma conscience
Soldat 4 : voilà plus de deux mois que je suis parti en guerre,
Soldat 5 : déjà deux mois de souffrance sans te parler,
Soldat 6 : sans entendre ta voix mélodieuse,
Soldat 7 : sans sentir ton doux parfum,
Soldat 8 : sans pouvoir dévorer tes somptueuses formes du regard.
Soldat 9 : Dans les pires moments je pense à nous ;
Soldat 10 : je pense à tous ces moments banals, mais qui maintenant me manquent profondément.
Soldat 11 : Je me remémore au milieu de cet effroi notre ancienne vie,
Soldat 12 : quand je te réveillais avec le doux son de mon saxo.
Soldat 13 : Le soir nous allions danser, chanter et jouer de la musique jusqu'au bout de la nuit.
Paul Colin (1892-1985), affichiste, peintre, dessinateur, costumier, scénographe français. Chef de l'école moderne de l'affiche lithographiée. Paul Colin a été blessé à Verdun en 1916. Cette affiche pour La Revue Nègre a contribué à lancer la carrière de Joséphine Baker. Musée franco-américain du château de Blérancourt, Aisne, France.
Soldat 14 : Maintenant les seules choses qui me réveillent sont les rats,
Soldat 15 : les tirs,
Soldat 16 : les cris,
Soldat 17 : les commandants fous qui réveillent les morts
Soldat 18 : et les sons des obus qui éclatent.
Soldat 19 : Les obus explosent comme des orages déchaînés
Soldat 20 : Le bruit des balles et des obus gronde sans cesse
Soldat 21 : Le bruit sourd des obus amplifie la peur et le désespoir
Soldat 22 : la réalité sur le champ de bataille est bien dure à supporter…
Soldat 23 : Si tu voyais ce paysage
Soldat 24 : Le paysage est morbide
Soldat 1 : les arbres calcinés,
Soldat 2 : l'odeur du sang
Soldat 3 : et l'odeur de la mort me rendent triste et malade
Soldat 4 : La vie ici, n’est pas une vie : c’est une survie au quotidien.
Soldat 5 : Depuis que nous nous sommes déployés avec notre infanterie, je me sens sale, dépourvu d'humanité.
Soldat 6 : Il ne se passe pas un jour sans qu'un frère d'arme ne meure
Soldat 7 : un père ou un fils qui laisse derrière lui une famille
Soldat 8 : Partout des cadavres noirâtres et verdâtres
Soldat 9 : Au combat, nous marchons sur des cadavres blancs, et sur nos frères noirs américains morts durant les batailles contres les Allemands.
Soldat 10 : Ces envahisseurs sans foi ni loi veulent envahir nos lignes, supprimer les forces alliés pour avancer jusqu'à Paris.
Soldat 11 : Tous autant que nous sommes, nous luttons contre ce monstre qu’est la guerre,
Soldat 12 : pour pouvoir rester en vie
Soldat 13 : pour pouvoir rester humain
Soldat 14 : car il ne suffit que d’une seule seconde d’inattention pour se retrouver étaler à terre comme une simple feuille morte, tombant d’un arbre.
Soldat 15 : Dans les tranchées,
Soldat 16 : une odeur infecte,
Soldat 17 : un mélange de corps en décomposition est omniprésent
Soldat 18 : Entre le ciel grisâtre,
Soldat 19 : les arbres calcinés par le feu des enfers et ce champ de bataille
Soldat 20 : couvert de barbelés rouillés et de boue,
Soldat 21 : se cachent des tireurs d’élites boches postés aux quatre coins de cette partie d’échecs qui paraît sans fin.
Vue du front de Léon Broquet (1869-1935). Peintre et graveur français, élève de Claude Monet. Ami de Lucien Jonas. Engagé volontaire et peintre aux armées pendant la Première Guerre mondiale. Musée franco-américain du château de Blérancourt, Aisne, France.
Chanson 2
Soldat 22 : Tout me semble fade,
Soldat 23 : la seule couleur vive est le rouge sang des cadavres gisant au milieu de cet abattoir.
Soldat 24 : Je suis moi-même malade,
Soldat 1 : je suis rongé par cette haine,
Soldat 2 : cette haine qui me maintient en vie,
Soldat 3 : cette haine qui me donne une rage de vaincre contre ces barbares, ces « Huns »,
Soldat 4 : cette haine qui me rend fou et qui me fait presque oublier qui je suis vraiment.
Soldat 5 : Jusqu’à ce moment où tout bruit devient sourd,
Soldat 6 : et je te vois, face à moi dans ce lit, dans lequel nous avons passé de merveilleux moments.
Soldat 7 : Et puis, je me rappelle de mon travail et de mes amis dans notre menuiserie.
Soldat 8 : Mais il y a toujours une balle qui siffle et qui me fait revenir à la raison, et me fait replonger dans cet enfer.
Soldat 9 : Dormir est aussi très difficile car il y a toujours cette odeur horrible que je t’ai décrite,
il y a la pluie froide qui nous glace le sang, et ces rats qui nous rongent les membres,
Soldat 10 : Dans les tranchées, aucune douche, très peu de toilettes, se laver est une mission impossible, alors nous devons vivre dans la crasse.
Soldat 11 : Au front, dominent la peur et l’inquiétude de se faire toucher par un obus ou une balle
Soldat 12 : mais certains, des fous, n’ont aucun recul sur ce qui se passe et sont là en croyant que la guerre est un jeu
Soldat 13 : jusqu’au moment où un de leurs camarades se fait descendre devant eux.
Soldat 14 : Heureusement je ne suis pas seul dans cet enfer
Léon Broquet, Guetteurs et barbelés (1917).
Soldat 15 : Les Français sont fiers de se battre avec nous
Soldat 16 : Les Français nous traitent comme des frères d'armes
Soldat 17 : Ils sont blancs, mais ils sont beaucoup plus accueillants qu'en Amérique
Soldat 18 : Pour la première fois de ma vie, je me sens l'égal des Blancs
Soldat 19 : Et moi je suis fier de me battre pour un pays dont les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité nous font rêver
Soldat 20 : Tu dois sûrement te demander pourquoi je me bats
Soldat 21 : pourquoi je risque ma vie pour la France
Soldat 22 : alors que suis noir et américain
Soldat 23 : c'est une guerre de Blancs, me disais-tu avant mon départ
Soldat 24 : mais je veux montrer ma vraie valeur
Soldat 1 : j'espère recevoir une certaine reconnaissance de la part des Blancs
Soldat 2 : j'espère un jour qu'ils arrêteront de nous mépriser
Soldat 3 : je veux défendre un pays qui porte haut et fort les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité
Soldat 4 : Retiens bien ces trois mots :
Soldats 1-8 : Liberté
Soldats 9-16 : Égalité
Soldats 17-24 : Fraternité
Soldat 5 : Ces valeurs sont si belles
Soldat 6 : si grandes
Soldat 7 : si importantes
Soldat 8 : Ce sont ces trois mots qui vont nous permettre de combattre la ségrégation et le racisme dans notre pays
Soldat 9 : Regarde cette France et ses belles valeurs
Soldat 10 : Je me bats pour ces valeurs
Soldat 11 : C'est pour cela que je suis parti les aider
Soldat 12 : ça doit te paraître complètement fou de vouloir traverser l'océan pour aller à la guerre
Soldat 13 : mais c'est aussi pour nous que je le fais
Soldat 14 : Tu sais bien qu'aux États-Unis nous ne sommes pas acceptés
Soldat 15 : Je veux prouver aux Blancs américains que ce n'est pas parce qu'on a une couleur différente qu'on ne vaut rien
Soldat 16 : Je veux prouver que je suis un homme comme les autres
Soldat 17 : et que je suis capable de battre comme eux
Soldat 18 : J'aurai ainsi la fierté d'avoir combattu pour mon pays et pour la France
Soldat 19 : et j'espère que grâce à nous, les Hellfighters de Harlem, la ségrégation disparaîtra en Amérique
Soldat 20 : La guerre nous le prouve
Soldat 21 : Face à l'ennemi
Soldat 22 : Face à la peur
TOUS : Face à la mort
Soldat 23 : Nous sommes tous égaux, quelle que soit notre couleur de peau !
Hippolyte Sebron (1801-1879), Rue de Broadway, 1855, huile sur toile. Musée franco-américain du château de Blérancourt, Aisne, France.
Soldat 1 : Il faut gagner la guerre avec gloire, courage et vaillance.
Soldat 2 : Souviens-toi de ces mots « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Soldat 3 : Ces mots peuvent nous défendre. Il faut donc défendre ce qui nous protège.
Soldat 24 : Pour finir, je dirais que la guerre ici n’est pas faite pour s’affirmer en tant qu’homme,
Soldat 25 : même le plus brave des hommes aurait peur de la guerre, cette monstruosité qui traumatise quiconque la côtoie.
Soldat 1 : Il y a bien quelque chose que j'ai appris
Soldat 2 : la guerre n'est pas une machine à créer des héros
Soldat 3 : la guerre ne fabrique que des morts
Soldat 4 : Je n'en peux plus de cette guerre qui nous déshumanise
TOUS : Chaque jour
Soldat 5 : Chaque heure
Soldat 6 : Chaque seconde
Soldat 7 : Je risque de mourir
Soldat 8 : Mais j'essaie de garder mon courage et mon sang-froid
Soldat 9 : en pensant à toi et aux enfants
Soldat 10 : Tous les soirs je prie Dieu pour qu'il me protège
Soldat 11 : Sache que je pense à toi à chaque instant,
Soldat 12 : tu es mon unique raison de vivre.
Chanson 3.