Lecture-plaisir : La Vague par Lucie
" J'ai tout d'abord choisi d'aller dans le cours sur l'autocratie car je n'avais nulle envie d'aller sur le cours sur l'anarchie. Rainer nous a tout de suite mis en confiance, mais il a installé des règles dès le début : se lever pour prendre la parole et essayer de formuler ses idées en quelques mots. J'ai trouvé ça un peu idiot, au début, surtout qu'à son habitude Monsieur Wenger nous laisse beaucoup de liberté, mais je m'y suis habituée rapidement et le reste du groupe aussi. En quelques instants, le groupe est devenu une communauté. Je ne sais plus qui en a eu l'idée mais nous avions appelé le groupe la Vague. Monsieur Wenger est rapidement devenu comme un mentor pour nous. Nous l'admirions. Il nous laissa libre cours à notre imagination pour améliorer l'idée de solidarité dans la communauté. Tout le portait alors des chemises blanches, nous avions des badges, un emblème et même un salut. Tout avait un rapport avec la vague. Rapidement j'ai oublié quel était le but pédagogique du projet. Mais je crois que tout le monde l'avait oublié. J'appartenais à un groupe, je me sentais vraiment bien parmi mes semblables. Nous faisions des fêtes le soir et parsemions notre emblème un peu partout dans la ville. Le projet ne se passait pas seulement au lycée. Tout le monde était fier d'appartenir à la vague.
Quelques personnes par contre prirent ce projet en grippe. Je me rendis compte plus tard qu'ils avaient raison. Durant cette semaine, je ne pensais qu'à la vague. Mais je n'en parlais pas à mes parents, sans doute parce que je me rendais compte inconsciemment que cela devenait malsain.
La dernière réunion du groupe fut terrifiante. Marco allait à l'encontre des idées de Monsieur Wenger qui l'insulta de traître et le fit amener de force sur la scène par des élèves. Il proposa de le torturer et même de le tuer. Il était dans une rage folle. Toute la salle s'était refroidie. Je me rendis compte que oui, une dictature comme sous la dernière guerre pouvait se reproduire.
Wenger s'excusa auprès de Marco et tira une morale de notre crédulité. Nous avions été aveuglé par cette soi-disant solidarité. Seulement un des élèves, trop attaché à cette idée du groupe, tira à bout portant sur un autre élève avant de se suicider. J'ai vraiment eu très peur, puis surtout très honte de moi. J'ai du mal à croire que j'ai pu, sans m'en rendre compte, soutenir des idées fascistes. Et je n'étais pas la seule. Beaucoup était comme moi. Les êtres humains sont en fait très influençables."
Lucie