Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar 3eC
SÉQUENCE 3 : ÉTUDE D'UNE ŒUVRE INTÉGRALE
ÉCRIRE SUR SOI
MÉMOIRES D'HADRIEN DE MARGUERITE YOURCENAR (1951)
Séance 1 : jeudi 07 janvier 201PJ6
Support : Mémoires d'Hadrien (pp.12-14)
Objectifs :
- maîtriser la méthode du DNB
- découvrir le style togé
- caractériser le narrateur
- découvrir le registre
Question 1 : L'auteur emploie le vocabulaire militaire pour expliquer que pour l'empereur la vie est une « défaite acceptée ». L'écrivain souligne à l'aide des phrases suivantes : « ma marge d'hésitation ne s'étend plus sur des années mais sur des mois » et « serai-je emporté par la dixième crise ou par la centième » que le narrateur sait à peu près où et comment il va mourir. Ces procédés servent à insister sur le courage et la clairvoyance de l'empereur. Il n'a pas peur de la mort. Marguerite Yourcenar souhaite en tout cas faire passer cette idée. Il nous confie l'état de sa maladie et de sa mort qui approche. L'auteur souhaite mettre en valeur la dignité de l'empereur face à sa mort prochaine. Hadrien fait aussi preuve de courage en cachant la maladie à son peuple. Il fait aussi cela dans le but de ne pas montrer à son royaume que l'empereur considéré comme un dieu peut aussi avoir mal ou même mourir.
2. L'image qui prouve que le narrateur a conscience de mourir bientôt est la figure de style suivante : « Comme le voyageur qui navigue […] le profil de ma mort. » Cette phrase est une comparaison entre la vie et un voyage. L'empereur serait le voyageur et sa vie le périple. En arrivant au bout de son épopée, il explique que sa mort est proche. Le fait de mourir serait juste pour lui la fin de son aventure. En se comparant à un voyageur, il fait surtout référence à Ulysse, le héros mythologique. Celui-ci, à la fin de son odyssée, rentre chez lui, ce qui prouve qu'Hadrien considère la mort comme une fin heureuse après avoir accompli une aventure digne de ce nom.
3. L'écrivain met en relief par une comparaison la vie d'Hadrien rongée par la mort. Cet extrait : « Déjà certaines portions de ma vie ressemblent aux salles dégarnies d'un palais trop vaste, qu'un propriétaire appauvri renonce à occuper tout entier. » permet de révéler un aspect dramatique du texte. L'auteur prend l'image d'un palais en ruine pour montrer l'aspect de la maladie qui le rend comme abandonné par la vie. Ce palais dégarni, reflet de sa maladie, montre le prestige d'antan qu'avait Hadrien tout aussi bien que l'aspect sinistre que la mort peut avoir.
4. Le narrateur considère la chasse comme un loisir d'apprentissage : « Adolescent, la chasse au sanglier m'a offert mes premières chances de rencontre avec le commandement et le danger. » Comme nous le montre cet extrait, Hadrien a appris beaucoup de choses avec ce loisir, telles que le risque et le courage, et le rapport de l'homme à l'animal lui semble très important : « Ce juste combat entre l'intelligence humaine et la sagacité des bêtes fauves semblait étrangement propre comparé aux embûches des hommes. » Pour l'auteur, les animaux sont plus dignes que les hommes et font preuve de plus d'intelligence. Pour lui, le jeu entre l'homme et la bête est primordial.
5. Le narrateur démontre que la chasse est un sport qui représente un moyen de choisir ses conseillers et ministres : « J'y ai éliminé ou choisi plus d'un homme d’État ». L'auteur met en lumière que la chasse donne des fonctions de commandement qui sont très utiles pour un empereur, et permet de rencontrer le danger, ainsi que des valeurs comme le courage et la pitié. Le narrateur montre qu'il considère les animaux comme un défi. La chasse lui a appris à affronter la mort avec courage. Il a aussi appris à avoir pitié en tuant les animaux. Les enseignements que le narrateur a tirés de la chasse sont donc nombreux.
6. La phrase : « Ce juste combat entre l'intelligence humaine et la sagacité des bêtes...embûches des hommes » est la preuve que pour Hadrien, les animaux possèdent plus de dignité que certains hommes, comme par exemple les hommes politiques qui attaquent, mentent ou cachent certaines choses et tendent des pièges. L'empereur préfère se battre avec un être vivant, noble et vaillant, qu'avec un lâche, un menteur ou un traître. Par conséquent, le narrateur préfère dans ce passage les animaux aux hommes car ces derniers peuvent commettre des actes indignes, comme voler, mentir ou trahir.
7. Le narrateur ne chasse plus pour deux raisons : la perte d'un être cher et la maladie liée à la vieillesse. En effet, c'est le décès d'un proche qui a provoqué chez l'empereur la perte du désir de chasser, alors que cette activité était pour lui une passion qu'il compare à l'amour : « J'ai toujours entretenu avec la Diane des forêts les rapports changeants et passionnés d'un homme avec l'objet aimé ». La périphrase poétique « Diane des forêts » désigne la chasse. En identifiant cette activité à une déesse romaine, le narrateur met en évidence sa passion et son attachement pour la poursuite et l'affrontement avec les animaux. Il montre que pour lui cette activité le ramène d'une certaine manière à ce qu'il y a de divin ou de sacré dans la nature. Il suggère enfin que pratiquer la chasse, c'est rendre honneur aux dieux. C'est même, d'une certaine manière, imiter les dieux, et donc se conduire comme un dieu. Mais cette ode à la chasse est hantée par la silhouette d'un être aimé qui est parti trop tôt : « Mais le compagnon de mes dernières chasses est mort jeune. » Le deuil a éteint en lui l'amour de la chasse. Enfin, son âge (« j'ai soixante ans ») et sa maladie (« un homme qui s'apprête à mourir d'une hydropisie du cœur ») sont un obstacle à l'accomplissement d'une activité aussi physique et dangereuse que la chasse.
8. Le registre utilisé dans ce texte est à la fois pathétique et lyrique. Pathétique, car on sent que le narrateur éprouve de la morosité liée à la maladie et à la perspective de la mort. On a vu que l'empereur Hadrien se décrivait comme un vieil homme souffrant d'une maladie mortelle, incapable de s'adonner aux passions de sa jeunesse comme la chasse. Mais ce texte est aussi lyrique, car l'auteur développe un sentiment de nostalgie lié à la fuite du temps et à la disparition de sa jeunesse. Il réutilise ainsi une image d'origine homérique et platonicienne, en rappelant que la vie est un voyage et que, comme tout périple, elle a un terme. Mais ce lyrisme ( cette expression personnelle et intime des sentiments) n'est pas larmoyant. L'auteur ne cherche pas à susciter la pitié. Il ne se plaint pas de son sort : « je ne suis pas encore assez faible pour céder aux imaginations de la peur ». Au contraire, il essaie de conserver sa dignité et évoque sa mort prochaine avec sang-froid. Il semble accepter son sort tragique avec une fermeté stoïcienne : « Dire que mes jours ne signifie rien : il en fut toujours ainsi, il en est ainsi pour nous tous. » Hadrien a en effet conscience que le sort qui l'attend concerne la condition humaine. Il passe de la première personne du singulier (mes jours) à la première personne du pluriel (nous tous), ce qui prouve qu'il établit une distance par rapport à lui, et entre lui et la mort, en rappelant son universalité : tout le monde mourra, y compris les hommes qui exercent la fonction d'empereur. Le registre lyrique est ici empreint de solennité, de noblesse, d'honnêteté, de courage, de lucidité et de dignité. On parle de lyrisme togé (en référence à la toge de l'Empereur, et notamment à celle que Jules César a utilisé pour cacher son visage lorsqu'il a été assassiné par les sénateurs romains).