Autoportrait

Publié le par Professeur L

Paul Gauguin, Autoportrait au Christ jaune, 1889, Musée d'Orsay, Paris, France.

Paul Gauguin, Autoportrait au Christ jaune, 1889, Musée d'Orsay, Paris, France.

Année scolaire 2017-2018 – Collège Jules Vallès de Saint Leu d'Esserent

Niveau troisième – séquence 1 : écrire la guerre : comment dire l'indicible ?

Séance 1

Support : « Autoportrait » d'Henri Aimé Gauthé

Objectifs :

  • découvrir un autoportrait en alexandrins

  • comprendre que l'écriture est une catharsis qui permet de résister à la déshumanisation et de conserver sa dignité

  • comprendre que la guerre est une machine à fabriquer des monstres

 

Synthèse collective élaborée à partir des commentaires d'Emmy, de Lucie et Dylan, de Clarisse et Valentino, de Juliette et Lucas, d'Aloïs et Manon, de Matthias et Juliette, de Faustine et Enzo, d'Estelle et Cameron, d'Estelle et Tom, de Gaëlle et Clément, de Charlotte et Quentin, de Naomie et Mathis.

 

Ce texte a été écrit en 1918 lors de la Première Guerre mondiale par un soldat de la seconde classe, Henri Aimé Gauthé. C'est une lettre destinée à sa correspondante de guerre, Marie-Alice Jeannot. Plus qu'une lettre, on peut également dire que c'est un poème en alexandrins. Des rimes sont présentes à la fin des vers telles que : « argent » avec « allemand », « rosses » avec « atroces », « caricature » avec « blessure », « lueur » avec « laideur ». Il écrit cette lettre pour montrer le vrai visage de la Première Guerre mondiale (1914-1918).

Gustave Courbet, Autoportrait, dit le Désespéré (1843-1845), collection particulière.

Gustave Courbet, Autoportrait, dit le Désespéré (1843-1845), collection particulière.

Dans ce poème, il se décrit comme une personne laide au plan moral et physique. Il évoque sa « laideur », son « nez gros et gras », « ses airs pervers », sa « froide lueur » au fond de ses yeux. C'est son autoportrait. Les vers sont coupés en deux parties appelées des hémistiches. Entre chaque hémistiche, il y a des antithèses qui évoquent d'une part ses bons côtés et d'autre part son mauvais côté : « petit » et « grand », « doux » et « pervers », « amuser » et « atroces ». Chaque vers est construit de la même façon : le parallélisme renforce la tension entre la part humaine et la part diabolique. On a l'impression que le côté diabolique l'emporte sur le côté angélique, à la manière de L'Etrange Cas du Docteur Jekyll et Mister Hyde de Robert Louis Stevenson. On peut constater qu'il se compare à une bête sauvage. Henri Aimé Gauthé se voit comme un monstre. Il se trouve laid (vers 14), pervers (vers 3), sans cœur (vers 7) et froid (vers 11). C'est donc un autoportrait péjoratif. Pour lui, la guerre est à l'origine de son mal être : « inélégant », « ma lèvre est rouge comme une fraîche blessure ». L'auteur compare sa bouche à une plaie. Cette comparaison signifie le traumatisme du soldat marqué par le sang et la guerre. Ce vers montre qu'il est obsédé par le sang et qu'il se sent meurtri par la guerre. Il a honte de ce qu'il fait et de ce qu'il est devenu. Il se compare même à un personnage ridicule, Don Quichotte, le héros de Cervantès, dans la périphrase : « Je suis le chevalier de la piètre figure. » Il se sent minable. On dirait qu'une partie de lui déteste ce qu'il est devenu car il perd sa dignité dans les tranchées. Dans ce poème, il exprime son plaisir à tuer les Allemands mais également la honte qu'il ressent en le faisant : « je fais pour m'amuser des piqûres atroces ». A force de tuer, Henri Aimé Gauthé ne ressent plus rien d'humain. L'auteur montre son mal-être face à la guerre et son plaisir de tuer qui le hante. Il veut retrouver ce côté humain qu'il a perdu pendant la guerre, cependant il prend du plaisir à assouvir la vengeance de la mort de son frère. La guerre tue son humanité.

Henri Aimé Gauthé a écrit ce poème pour témoigner du traumatisme que fait la guerre sur une personne. Il nous explique alors ce que la guerre a tué en lui : son bonté, son cœur, son humanité. C'est la déshumanisation. Dans le poème, on remarque qu'il perd peu à peu sa vie : « Mon sourire est amer ; mon rire décevant », « au fond de mes yeux danse une froide lueur ». Mais cette lettre représente beaucoup plus pour ce soldat car il a écrit pour conserver sa dignité qui est la valeur infinie que l'on a tous en nous en tant qu'être humain, mais aussi pour se rappeler qu'il reste un humain, malgré les atrocités qu'il a commises. Il fait donc une catharsis car il se libère de son traumatisme, de sa honte et de ses actions monstrueuses. Ecrire lui permet de se libérer du traumatisme de la guerre : « Mais une que je sais ne voit pas ma laideur. » L'auteur écrit ce poème pour se sentir mieux et extérioriser sa douleur. Pour garder un minimum de dignité et d'humanité, il continue d'écrire à Marie-Alice.

Le soldat a écrit cette lettre pour témoigner de l'horreur de la guerre. Il raconte que sur le champ de bataille, on ne devient pas un héros, mais un monstre. La déshumanisation est mise en avant. La bonté, le cœur, la sympathie et l'humanité disparaissent. A cette époque, les gens pensaient que la guerre fabriquait des héros, de vrais hommes, mais en réalité elle déshumanise le soldat. La guerre est une machine à fabriquer des monstres.

Félix Vallotton, Verdun (1917), Musée de l'Armée, Paris, France.

Félix Vallotton, Verdun (1917), Musée de l'Armée, Paris, France.

Pour moi, ce poème représente la vérité sur la guerre et les sentiments d'un soldat honteux de lui-même. Ce texte est choquant car il nous fait remarquer que la guerre est inhumaine. A travers ce poème, l'auteur témoigne du vrai visage de la guerre : celle-ci enlève la dignité de chaque soldat. Il nous montre les dégâts psychologiques causés par la guerre. Il veut montrer aux lecteurs que la guerre n'est pas que signe de courage et de bravoure. Ce texte est très révélateur et émouvant. On ressent sa tristesse. Au début du texte on voit qu'il est triste, et à la fin du texte, on comprend pourquoi : la guerre l'a détruit. Ce texte nous a plu car il explique la détresse, le mal-être et la déshumanisation d'un homme pendant la Première Guerre mondiale.

Je trouve que le texte est comme une redécouverte de lui-même. Il découvre un homme qu'il ne connaît pas. Il met les choses au point avec lui-même. C'est comme le témoignage de sa délivrance. Il garde espoir grâce à Marie-Alice Jeannot. Sa correspondance est le fil d'Ariane qui le maintient encore du côté humain. J'aime ce poème pour sa sincérité et sa signification.

J'aime cette lettre car elle fait passer beaucoup de messages en très peu de lignes. Mais en même temps, je ne pourrais pas l'adorer, car la guerre est un sujet très sombre, très triste. Je préfère les thèmes plus joyeux. Malgré tout, mon passage préféré est le vers 10 : « Ma lèvre est rouge comme une fraîche blessure. » Je trouve la comparaison très bien trouvée et même si cela représente quelque chose d'horrible, je trouve quand même ce vers beau.

 

Otto Dix, Cadavre dans les barbelés (Flandres) (1924),

Otto Dix, Cadavre dans les barbelés (Flandres) (1924),

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