Phèdre de Racine

Publié le par Professeur L

Baron Pierre-Narcisse Guérin, Phèdre et Hippolyte, 1802, Musée du Louvre, Paris, France.

Baron Pierre-Narcisse Guérin, Phèdre et Hippolyte, 1802, Musée du Louvre, Paris, France.

Année scolaire 2018-2019 – Lycée Cassini (Clermont-de-l’Oise)

Niveau première – Première S4

Le texte théâtral et sa représentation, du XVIIe siècle à nos jours

Séquence 4 : tragédies et comédies du désir, désirs tragiques et comiques

 

Lecture analytique 12

Racine, Phèdre (1677), scène de l’aveu de Phèdre à Oenone (acte I scène 3)

 

Introduction

Je présente l’auteur

  • Né en 1639 et mort en 1699
  • Considéré comme un des plus grands auteurs français de tragédie
  • Orphelin dès le plus jeune âge
  • Racine reçoit auprès des « Solitaires » de Port-Royal une éducation littéraire et religieuse
  • entreprend, jeune, de faire une carrière des lettres
  • soutenu par Louis XIV
  • est apprécié pour la profondeur de ses analyses psychologiques dans ses œuvres
  • privilégie l’intrigue épurée et l’intensité psychologique
  • chez Racine la passion est toute-puissante
  • la passion est le fondement de la tragédie pour Racine
  • à travers la mise en scène de la passion Racine nous fait éprouver à la fois de la crainte et de la pitié pour ses personnages

Je présente l’œuvre

  • Phèdre, l’héroïne de la pièce, est habitée par une passion furieuse qui la consume à la manière d’une maladie
  • Elle aime malgré elle Hippolyte, le fils de son époux Thésée
  • Cette passion dévorante va provoquer la mort d’Hippolyte, de la reine et de sa confidente

Je présente l’extrait

  • La reine croit que son époux est mort
  • Sa vigilance faiblit alors et elle finit par avouer sa passion interdite à sa confidente Oenone
  • C’est cet aveu qui va impulser l’engrenage tragique

J’annonce la problématique : comment la tragédie se noue-t-elle à travers l’aveu de la reine ?

J’annonce le plan :

  1. Les manifestations de la passion amoureuse
  2. La puissance du destin
Alexandre Cabanel, Phèdre, 1880, Musée Fabre.

Alexandre Cabanel, Phèdre, 1880, Musée Fabre.

  1. Les manifestations de la passion amoureuse

 

  1. Les manifestations physiques
  • Registre lyrique et élégiaque : Oenone se lamente au début de l’extrait : « au nom des pleurs que pour vous j’ai versés »
  • Phèdre décrit les symptômes de la passion amoureuse
  • D’abord des tremblements et des frissons : « je tremble, je frissonne »
  •  : « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue »
  • Rythme ternaire, assonance en i, souligne la puissance obsessionnelle du sentiment amoureux
  • Le sentiment amoureux provoque des symptômes opposés : antithèse entre « je rougis » et « je pâlis »
  • L’antithèse permet d’exprimer ou de souligner la souffrance de la reine soumise à une passion amoureuse qu’elle ne peut contrôler
  • Elle ne parvient à contrôler ni ses sentiments, ni les manifestations physiques de ces sentiments
  • La répétition du verbe « voir » au début et à la fin du vers montre le trouble obsessionnel de Phèdre
  • Le trouble amoureux s’accompagne d’un trouble des sensations : « Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler/Je sentis tout mon corps, et transir et brûler »
  • Tout se passe comme si Phèdre souffrait d’aveuglement et d’aphasie
  • La négation insiste sur les troubles de la vue et de la parole
  • Le verbe « pouvoir » associé à la négation montre l’incapacité de Phèdre à surmonter ses troubles
  • La reine est impuissante face à la force de la passion amoureuse qui la dévore de l’intérieur
  • La reine décrit une amplification de son malaise avec l’énumération et la gradation : « Je sentis tout mon corps et transir et brûler »
  • Antithèse entre « transir » et « brûler » qui montre la souffrance, les tiraillements de l’âme et la force des sensations provoquées par la passion amoureuse
  • L’allitération en « r » permet d’insister sur la souffrance de Phèdre
  • Ces manifestations physiques sont d’autant plus importantes et incontrôlables qu’elles expriment une passion forte dans sa durée
Vénus dite "Vénus d'Anzio", 1er-2ème siècle AP J.-C. d'après un original grec, Italie  Exposition La collection du Marquis Campana - Un rêve d’Italie au Musée du Louvre à Paris

Vénus dite "Vénus d'Anzio", 1er-2ème siècle AP J.-C. d'après un original grec, Italie Exposition La collection du Marquis Campana - Un rêve d’Italie au Musée du Louvre à Paris

  1. La souffrance
  • « Mon mal vient de plus loin »
  • La passion est profondément enracinée dans l’âme de Phèdre : le temps n’a fait que renforcer sa souffrance amoureuse
  • Cette passion apparaît d’abord sous la forme indéfinie : « un trouble »
  • Phèdre souligne la force que prend cette passion au cours du temps à travers l’image d’une élévation : « s’éleva dans mon âme éperdue »
  • On n’est plus seulement dans le sentiment : l’expression « âme éperdue » suggère que Phèdre se sent condamnée, maudite, par une force passionnelle qui s’accroît avec le temps
  • Cette souffrance est une torture à la fois morale et physique
  • Phèdre a l’impression d’être une âme en perdition
  • Elle ressent au plus profond d’elle-même une « blessure »
  • Le sentiment amoureux est vécu comme une déchirure de son être
  • La douleur est soulignée par l’expression « trop vive »
  • L’image de la blessure permet de mettre en lumière la violence de cette passion amoureuse qui la dévore de l’intérieur

 

  1. L’expression des sentiments
  • Elle désigne son amant par l’expression « ennemi » : « mon superbe ennemi », « pour bannir l’ennemi »
  • La cause de son amour est vécue comme la cause de sa souffrance et bientôt comme la cause de sa mort
  • L’identification d’Hippolyte à un « ennemi » permet de souligner la force et le danger de cet amour
  • Sentiments ambivalents face à un amour interdit
  • Plus loin dans sa tirade « Ennemi » prend une majuscule, afin de mettre en évidence l’échec de toutes ses tentatives d’éloignement, qui n’ont fait que renforcer sa passion interdite
  • La majuscule éclaire la force et la présence de l’objet aimé
  • Champ lexical du feu : métaphore de l’amour
  • Le sentiment amoureux est un mal brûlant qui la consume de l’intérieur
  • Champ lexical de la violence qui montre le déchirement et la souffrance, la cruauté et la force de la passion amoureuse
  • « C’est Vénus tout entière à sa proie attachée » : Phèdre abdique et s’abandonne à cette passion contre laquelle elle ne peut rien
  • « De l’amour j’ai toutes les fureurs » : le terme précis de « fureurs » permet de désigner cette passion amoureuse comme une folie, et le terme indique déjà l’issue tragique de cette passion
  • Hippolyte devient son idole : elle le divinise, preuve que cet amour est tout-puissant : « J’adorais Hippolyte »
  • Cet amour est tellement puissant qu’elle ne parvient pas à le nommer au début, d’où l’utilisation de périphrases pour le désigner : « ce fils de l’Amazone », « ce prince si longtemps par moi-même opprimé »

 

  • Conclusion partielle et transition : Les tourments de l’amour s’expriment donc physiquement et moralement : le corps et l’âme de Phèdre souffrent comme le prouve la violence des mots utilisés. Cette souffrance est provoquée par une puissance contre laquelle Phèdre ne peut rien, ce qui révèle la force tragique du destin.

 

Flandrin, Jeune femme en buste, dite la Florentine, 1880.

Flandrin, Jeune femme en buste, dite la Florentine, 1880.

 

  1. La puissance du destin

 

  1. La persécution de Vénus

-Phèdre se sent tellement impuissante qu’elle se met en scène comme une victime persécutée par Vénus

- elle se présente comme la victime de la cruauté de Vénus : « Je reconnus Vénus et ses feux redoutables »

- les vœux, les tentatives de conciliation, les actions pieuses n’ont fait que redoubler la haine de Vénus à son encontre

- champ lexical de la divinité et du rituel religieux

- les rituels religieux n’ont fait qu’exacerber la passion amoureuse

 

  1. Le destin
  • Il est dès lors impossible à Phèdre d’échapper à son destin
  • Elle ne peut rien faire pour éteindre sa passion amoureuse
  • Elle entrevoit déjà l’issue de cette passion amoureuse : champ lexical du destin et de la mort
  • Tout ce qu’elle a tenté a échoué
  • Elle a espéré, fait preuve de courage, de détermination
  • Mais son acharnement à vouloir échapper au destin est vain
  • La force de la passion va l’empêcher d’échapper à son destin
  • Cette fureur amoureuse la dépossède de sa raison, de ses sentiments, de son avenir et de sa vie
  • Tout ce qu’elle a entrepris pour échapper à son destin n’a fait que renforcer la violence de la passion amoureuse et précipiter l’issue fatale
  • C’est en voulant échapper à son destin qu’elle va finir par le réaliser

 

Conclusion

Je réponds à la problématique

L’aveu de la reine va nouer la tragédie à travers le déploiement et le dévoilement de ses sentiments et de la force de la passion amoureuse. L’aveu ici précipite l’action en mettant à nu les forces en présence, la toute-puissance d’une passion amoureuse qui dépossède l’héroïne de ses sentiments, de sa raison, de sa conscience morale, de son corps, de son avenir et de sa vie. L’aveu permet de donner la pleine mesure de la souffrance amoureuse qui détruit Phèdre ainsi que des dangers mortels vers lesquels elle se précipite à son corps défendant.

Ouverture

Prise dans un étau, entre la toute-puissance d’un destin implacable, et l’horreur d’un tabou (celui de l’inceste avec le beau-fils), Phèdre suscite chez le spectateur à la fois de la terreur et de la pitié. On a d’autant plus d’empathie pour ce personnage que l’expression de la passion amoureuse est particulièrement juste et précise dans cet extrait. Les tourments de l’héroïne sont avant tout des tourments humains, rien qu’humains, auxquels peuvent s’identifier les spectateurs.

 

Phèdre de Racine
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