Peut-on vivre seul ?
Séance 2 - Vendredi 09 octobre 2009
Elèves présents : Ariges, Amaryne, Amélie, Isaline, Kévin L., Thomas, Kévin, Ludovic (1ère heure) Nicolas, Damien, Jean-Baptiste, Dylan, Christelle, Lucie, Armande, Aurélie (2e heure)
Elèves présents : Ariges, Amaryne, Amélie, Isaline, Kévin L., Thomas, Kévin, Ludovic (1ère heure) Nicolas, Damien, Jean-Baptiste, Dylan, Christelle, Lucie, Armande, Aurélie (2e heure)
Peut-on vivre seul ?
Dans Seul au monde, le personnage incarné par Tom Hanks se retrouve seul, abandonné sur une île déserte après le
crash de son avion.Dans l'extrait visionné, on le voit dans une caverne de son île, en train de souffrir le martyre en raison d'un mal de dents. Totalement isolé et loin de tout, il ne
peut bénéficier des soins dentaires adéquats. En outre, pour tromper sa solitude, il s'est inventé un ami à l'aide d'un ballon qu'il a baptisé Wilson et à qui il parle quotidiennement, lui
confiant ses pensées les plus intimes.
Ce passage est intéressant car le héros souffre à la fois d'un manque matériel - il ne dispose pas des instruments et des spécialistes pour guérir convenablement de sa dent - et moral - il n'a personne à qui se confier. La souffrance qu'il endure permet ainsi d'aborder la question du jour et d'apporter une première tentative de réponse. Car si l'on s'en tient à l'exemple du film, à la question : peut-on vivre seul ? On est tenté de répondre : oui, peut-être, mais alors très difficilement, et au prix de souffrances insupportables.
Certes, on peut rétorquer que Tom Hanks finit par vivre plusieurs années sur son île dans la solitude la plus absolue. Et c'est vrai : tel un nouveau Robinson Crusoe, Tom Hanks parvient à s'adapter à son nouvel environnement hostile et à subvenir à ses besoins grâce au feu et aux produits de la pêche. De toute évidence, cet exemple extrême prouve que l'on peut vivre seul.
D'ailleurs, dans nos sociétés contemporaines, la question apparemment ne mérite même pas d'être posée, puisque de plus en plus de personnes vivent seules. On peut très bien vivre en étant célibataire. Et la plupart des célibataires endurcis vous diront qu'il vaut mieux être seul que mal accompagné.
Pour autant, les célibataires vivent-ils vraiment seuls ? Cette question mérite d'être posée, car il a bien fallu, par exemple, que des ouvriers construisent l'appartement ou la maison dans laquelle le célibataire vit. De même, pour subvenir à ses besoins, pour se nourrir, le célibataire a besoin d'acheter des aliments, vendus par d'autres personnes, et fabriqués par d'autres personnes encore. L'eau que le célibataire utilise pour faire la vaisselle, se laver ou boire est elle-même acheminée grâce à un système ingénieux que d'autres personnes ont élaboré et continuent de faire fonctionner. Il en est de même de l'électricité. Si, pour se divertir, le célibataire décide de regarder la télévision, de regarder un film, ou d'écouter de la musique, il ne peut pas nier le fait que ces divertissements seraient impossibles s'il n'y avait personne pour faire des émissions, des films ou de la musique. Par conséquent, le célibataire n'est pas si seul qu'il en a l'air, car il vit grâce à la société, grâce aux autres. Son travail, ses divertissements, ses déplacements, sa vie, sont déterminés et rendus possibles uniquement par la présence des autres. Ainsi, il est très difficile de vivre seul, que l'on habite en zone rurale ou en zone urbaine, car nos vêtements, notre nourriture, nos outils, notre eau, notre électricité, nos livres, nos disques, tous nos objets, ont été fabriqués par d'autres personnes, par les autres. Sans les autres, je n'ai rien.
Allons plus loin : il est fort possible également que sans les autres, je ne suis rien. En effet, j'ai eu besoin des autres pour vivre : pour naître, pour être mis au monde, il a bien fallu que deux personnes au moins me créent : mon père et ma mère.
Et si sans les autres, je ne suis rien, alors on commence à comprendre pourquoi Tom Hanks s'invente un ami avec un ballon qu'il baptise Wilson dans le film Seul au monde. Ce passage du film est assez connu, et prête souvent à rire. En effet, quoi de plus saugrenu, de plus bizarre, et donc de plus amusant qu'un homme qui s'adresse à un misérable ballon, comme s'il s'agissait d'un autre être humain ? Pourquoi Tom Hanks éprouve-t-il le besoin viscéral de parler à un ballon ?
A cette question, nous avons apporté plusieurs réponses au cours du débat, et notamment celle-ci :
- il a besoin de parler.
Mais pourquoi a-t-il besoin de parler ? A quoi sert-il de parler ?
Le langage sert à s'exprimer, à partager des sentiments, mais aussi à partager des idées, des connaissances.
Or, d'où nous viennent nos connaissances, nos idées ? D'où nous vient même la maîtrise du langage ?
Des autres, bien sûr ! De nos parents d'abord, de la société, de notre environnement humain, des professeurs, des amis, etc...
Et non seulement nos idées et nos connaissances viennent des autres, non seulement nos pensées et notre langage ne sont possibles que grâce aux autres, et n'ont de sens qu'avec les autres et pour les autres, mais encore, il est fort probable que la plupart de nos sentiments viennent des autres également.
On a souvent tendance à croire que nos sentiments sont ce qu'il y a de plus personnel et de plus intime en nous. Mais en réalité, là encore, l'expérience montre que la présence des autres est déterminante dans l'acquisition et l'expression des sentiments, même les plus personnels.
En effet, par exemple, comment sait-on qu'on est heureux ? C'est le regard des autres, et l'éducation reçue, qui sculptent en quelque sorte nos sentiments, en particulier les sentiments que l'on qualifie généralement d'humains : l'amour, l'amitié, la compassion. Autant de sentiments qui sans les autres sont impossibles et n'ont pas de sens, puisqu'ils expriment une relation privilégiée envers l'autre : on aime toujours quelqu'un, on a de l'amitié ou de la compassion pour quelqu'un. Et c'est bien souvent en recevant soi-même de l'amour ou de l'amitié que l'on est capable par la suite de donner de l'amour. C'est pourquoi ceux qui ont été éduqués sans amour ont beaucoup de difficulté par la suite à éprouver de réels sentiments amoureux. Nous en reparlerons quand nous traiterons la question : pourquoi a-t-on besoin d'amour ?
Ainsi, au terme de cette réflexion collective que j'ai essayé de synthétiser ici ( il y a beaucoup de choses dont nous avons parlé que je n'ai pas mentionnées ici : le travail, la différence entre les hommes et les animaux, la fonction de l'argent dans la société), nous avons découvert au moins 3 éléments très importants :
1. On peut vivre seul dans des cas extrêmes comme Robinson Crusoe ou Tom Hanks dans Seul au monde, mais cette vie solitaire se rapproche plus de la survie animale, puisqu'elle consiste surtout à subvenir à ses besoins élémentaires : boire, manger, dormir.
2. Mais on ne peut pas exister seul : exister, cela suppose vivre bien sûr, mais à un degré supérieur : il ne s'agit plus seulement de subvenir à ses besoins. Exister, c'est vivre en société, c'est exprimer et développer grâce au langage ses idées, ses pensées, ses connaissances, ses sentiments. Exister, c'est aimer et connaître. Par conséquent j'ai besoin des autres pour exister. On comprend dès lors pourquoi Tom Hanks s'est inventé un ami à l'aide d'un ballon : sans ce ballon, sans cet ami imaginaire, notre héros aurait régressé de l'existence à la vie. Il aurait risqué de ne plus savoir parler, de ne plus savoir s'exprimer, et de ne plus savoir aimer. Parler, connaître, aimer, sont des activités que nous pratiquons et que nous maîtrisons plus ou moins grâce aux autres. Nous avons assimilé en nous les autres pour pouvoir parler, connaître et aimer. Les autres sont en chacun de nous. C'est ce qu'un philosophe français du XXe siècle, Gilles Deleuze, appelle " la structure autre". En chacun de nous, il y a l'autre : cet autre qui nous a instruits, nous a inculqué des règles de vie, des conduites, des normes, ainsi que le langage, les sentiments et les connaissances que nous avons.
3. Et, enfin, si l'autre est en nous, alors nous comprenons pourquoi respecter les autres, c'est d'abord se respecter soi. Car sans les autres, on a rien, on est rien, on n'existe pas. L'autre est une partie de moi. Respecter les autres, c'est respecter ce qui me permet d'exister, ce qui m'a rendu humain, ce qui me permet de me connaître et de m'épanouir dans le langage, la connaissance et l'amour.
Ce passage est intéressant car le héros souffre à la fois d'un manque matériel - il ne dispose pas des instruments et des spécialistes pour guérir convenablement de sa dent - et moral - il n'a personne à qui se confier. La souffrance qu'il endure permet ainsi d'aborder la question du jour et d'apporter une première tentative de réponse. Car si l'on s'en tient à l'exemple du film, à la question : peut-on vivre seul ? On est tenté de répondre : oui, peut-être, mais alors très difficilement, et au prix de souffrances insupportables.
Certes, on peut rétorquer que Tom Hanks finit par vivre plusieurs années sur son île dans la solitude la plus absolue. Et c'est vrai : tel un nouveau Robinson Crusoe, Tom Hanks parvient à s'adapter à son nouvel environnement hostile et à subvenir à ses besoins grâce au feu et aux produits de la pêche. De toute évidence, cet exemple extrême prouve que l'on peut vivre seul.
D'ailleurs, dans nos sociétés contemporaines, la question apparemment ne mérite même pas d'être posée, puisque de plus en plus de personnes vivent seules. On peut très bien vivre en étant célibataire. Et la plupart des célibataires endurcis vous diront qu'il vaut mieux être seul que mal accompagné.
Pour autant, les célibataires vivent-ils vraiment seuls ? Cette question mérite d'être posée, car il a bien fallu, par exemple, que des ouvriers construisent l'appartement ou la maison dans laquelle le célibataire vit. De même, pour subvenir à ses besoins, pour se nourrir, le célibataire a besoin d'acheter des aliments, vendus par d'autres personnes, et fabriqués par d'autres personnes encore. L'eau que le célibataire utilise pour faire la vaisselle, se laver ou boire est elle-même acheminée grâce à un système ingénieux que d'autres personnes ont élaboré et continuent de faire fonctionner. Il en est de même de l'électricité. Si, pour se divertir, le célibataire décide de regarder la télévision, de regarder un film, ou d'écouter de la musique, il ne peut pas nier le fait que ces divertissements seraient impossibles s'il n'y avait personne pour faire des émissions, des films ou de la musique. Par conséquent, le célibataire n'est pas si seul qu'il en a l'air, car il vit grâce à la société, grâce aux autres. Son travail, ses divertissements, ses déplacements, sa vie, sont déterminés et rendus possibles uniquement par la présence des autres. Ainsi, il est très difficile de vivre seul, que l'on habite en zone rurale ou en zone urbaine, car nos vêtements, notre nourriture, nos outils, notre eau, notre électricité, nos livres, nos disques, tous nos objets, ont été fabriqués par d'autres personnes, par les autres. Sans les autres, je n'ai rien.
Allons plus loin : il est fort possible également que sans les autres, je ne suis rien. En effet, j'ai eu besoin des autres pour vivre : pour naître, pour être mis au monde, il a bien fallu que deux personnes au moins me créent : mon père et ma mère.
Et si sans les autres, je ne suis rien, alors on commence à comprendre pourquoi Tom Hanks s'invente un ami avec un ballon qu'il baptise Wilson dans le film Seul au monde. Ce passage du film est assez connu, et prête souvent à rire. En effet, quoi de plus saugrenu, de plus bizarre, et donc de plus amusant qu'un homme qui s'adresse à un misérable ballon, comme s'il s'agissait d'un autre être humain ? Pourquoi Tom Hanks éprouve-t-il le besoin viscéral de parler à un ballon ?
A cette question, nous avons apporté plusieurs réponses au cours du débat, et notamment celle-ci :
- il a besoin de parler.
Mais pourquoi a-t-il besoin de parler ? A quoi sert-il de parler ?
Le langage sert à s'exprimer, à partager des sentiments, mais aussi à partager des idées, des connaissances.
Or, d'où nous viennent nos connaissances, nos idées ? D'où nous vient même la maîtrise du langage ?
Des autres, bien sûr ! De nos parents d'abord, de la société, de notre environnement humain, des professeurs, des amis, etc...
Et non seulement nos idées et nos connaissances viennent des autres, non seulement nos pensées et notre langage ne sont possibles que grâce aux autres, et n'ont de sens qu'avec les autres et pour les autres, mais encore, il est fort probable que la plupart de nos sentiments viennent des autres également.
On a souvent tendance à croire que nos sentiments sont ce qu'il y a de plus personnel et de plus intime en nous. Mais en réalité, là encore, l'expérience montre que la présence des autres est déterminante dans l'acquisition et l'expression des sentiments, même les plus personnels.
En effet, par exemple, comment sait-on qu'on est heureux ? C'est le regard des autres, et l'éducation reçue, qui sculptent en quelque sorte nos sentiments, en particulier les sentiments que l'on qualifie généralement d'humains : l'amour, l'amitié, la compassion. Autant de sentiments qui sans les autres sont impossibles et n'ont pas de sens, puisqu'ils expriment une relation privilégiée envers l'autre : on aime toujours quelqu'un, on a de l'amitié ou de la compassion pour quelqu'un. Et c'est bien souvent en recevant soi-même de l'amour ou de l'amitié que l'on est capable par la suite de donner de l'amour. C'est pourquoi ceux qui ont été éduqués sans amour ont beaucoup de difficulté par la suite à éprouver de réels sentiments amoureux. Nous en reparlerons quand nous traiterons la question : pourquoi a-t-on besoin d'amour ?
Ainsi, au terme de cette réflexion collective que j'ai essayé de synthétiser ici ( il y a beaucoup de choses dont nous avons parlé que je n'ai pas mentionnées ici : le travail, la différence entre les hommes et les animaux, la fonction de l'argent dans la société), nous avons découvert au moins 3 éléments très importants :
1. On peut vivre seul dans des cas extrêmes comme Robinson Crusoe ou Tom Hanks dans Seul au monde, mais cette vie solitaire se rapproche plus de la survie animale, puisqu'elle consiste surtout à subvenir à ses besoins élémentaires : boire, manger, dormir.
2. Mais on ne peut pas exister seul : exister, cela suppose vivre bien sûr, mais à un degré supérieur : il ne s'agit plus seulement de subvenir à ses besoins. Exister, c'est vivre en société, c'est exprimer et développer grâce au langage ses idées, ses pensées, ses connaissances, ses sentiments. Exister, c'est aimer et connaître. Par conséquent j'ai besoin des autres pour exister. On comprend dès lors pourquoi Tom Hanks s'est inventé un ami à l'aide d'un ballon : sans ce ballon, sans cet ami imaginaire, notre héros aurait régressé de l'existence à la vie. Il aurait risqué de ne plus savoir parler, de ne plus savoir s'exprimer, et de ne plus savoir aimer. Parler, connaître, aimer, sont des activités que nous pratiquons et que nous maîtrisons plus ou moins grâce aux autres. Nous avons assimilé en nous les autres pour pouvoir parler, connaître et aimer. Les autres sont en chacun de nous. C'est ce qu'un philosophe français du XXe siècle, Gilles Deleuze, appelle " la structure autre". En chacun de nous, il y a l'autre : cet autre qui nous a instruits, nous a inculqué des règles de vie, des conduites, des normes, ainsi que le langage, les sentiments et les connaissances que nous avons.
3. Et, enfin, si l'autre est en nous, alors nous comprenons pourquoi respecter les autres, c'est d'abord se respecter soi. Car sans les autres, on a rien, on est rien, on n'existe pas. L'autre est une partie de moi. Respecter les autres, c'est respecter ce qui me permet d'exister, ce qui m'a rendu humain, ce qui me permet de me connaître et de m'épanouir dans le langage, la connaissance et l'amour.