Lettre de Poilu commentée par les 3eC
Reconstitution d'un hôpital de fortune dans une tranchée britannique dans la Somme pendant la Première Guerre mondiale. Musée Somme 1916 à Albert.
Année scolaire 2015-2016 – Collège Jules Vallès de Saint Leu d'Esserent
Niveau troisième – séquence 1 : écrire la guerre
Séance 2
Support : Lettre de René Jacob à sa femme. Extrait de Paroles de Poilus, Lettres et carnets du front 1914-1918 rassemblés par Jean-Pierre Guéno et Yves Laplume
Objectifs : comment décrire l'indicible ? Savoir analyser les outils pour donner de l'intensité : structures emphatiques, présentatif, anaphore, énumération, phrase non verbale.
Commentaire élaboré à partir des synthèses de Manon, Elisa, Joséphine, Florian, Fanny, Alizée, Raphaël, Mattéo, Clara, Olivia, Julien, Aurélien.
Ce texte est une lettre de Poilu, qui a été mise sous forme de BD. L'écrivain essaie dans cette lettre de trouver les mots qui correspondent le plus aux horreurs auxquelles il fait face. Une guerre aussi traumatisante n'a jamais été vécue. Pour la décrire telle qu'elle est réellement, il faudrait inventer un langage, des mots, des verbes. Il faudrait trouver des adjectifs plus forts et plus horribles encore, car la guerre ici est identifiée à l'horreur. L'auteur veut mettre en lumière l'atrocité et la violence de la guerre.
L'auteur veut en écrivant cette lettre donner un sens. Il veut mettre des mots sur le traumatisme que la guerre lui a fait subir. Ce traumatisme est ancré en lui. Il a l'impression de le vivre encore et encore. C'est pour cela qu'il emploie le présent d'énonciation. Il donne au lecteur un sens à la guerre, mais pour lui la guerre n'est ni plus ni moins que la chose qui lui a ôté les sens, sa dignité et son humanité. Il semble nous demander « comment décrire ? Quels mots prendre ? ». Mais en réalité ces questions sont rhétoriques, car dans la description qu'il nous fait à travers sa lettre, il y répond. Il veut attirer notre attention. Il répond à cette question que tous ces soldats qui sont maintenant morts ont dû se poser. L'auteur nous fait ressentir qu'il y a un fossé entre ses paroles et la réalité de la guerre. On perçoit que la guerre est tellement atroce que l'auteur a du mal à s'exprimer, qu'il en perd tous ses moyens. Le fossé entre les paroles de l'auteur et la réalité est dû à cette nouvelle guerre, car les atrocités commises sont horribles, comme le carnage des animaux, plus précisément des chevaux. C'est une boucherie. Or les animaux n'ont rien demandé. Ils étaient sans défense et innocents. Le fait de les voir tués, de voir que les ennemis se sont acharnés sur eux, horrifie fortement l'auteur, comme le prouve la phrase suivante : « des cadavres de chevaux, plus douloureux encore que des cadavres d'hommes. »
Il décrit les soldats morts à travers ces quelques lignes : « des cadavres noirâtres, verdâtres, décomposés, autour desquels […] bourdonnent des essaims de mouches, des cadavres d'hommes qui ont gardé des poses étranges. » Il utilise des énumérations et des anaphores pour insister sur le fait que la mort est présente partout autour de lui. Il décrit ce qu'il sent et ce qu'il voit. Il se sert de la vue, de l'odorat et de l'ouïe pour faire sa description, comme l'indiquent les phrases suivantes : « des cadavres d'hommes qui ont gardé des pauses étranges, les genoux pliés en l'air, le bras appuyé au talus de la tranchée », « une odeur effroyable, une odeur de charnier », « encore figé dans l'immobilité et le silence ».
Ce carnage le dégoûte de la guerre et de lui-même. La phrase « comme si un rideau de théâtre s'était levé, le champ de bataille nous est apparu dans toute son horreur » donne un aspect dramatique, car comme avant la représentation d'une pièce de théâtre, le silence règne. Ici c'est le silence de la mort. Mais là on ne joue pas : les cadavres sont bien réels. Le spectacle apocalyptique n'est pas une mise en scène. L'image du rideau crée du suspens. En voyant le champ de bataille, l'auteur se sent en enfer, dans le royaume des morts. L'auteur fait des accumulations pour mettre en valeur ce « champ de carnage » qu'il désigne dans une phrase non verbale : « Non pas champ de bataille, mais champ de carnage. » La phrase non verbale a valeur de slogan et permet de résumer et de condenser sa pensée. Ce n'est plus une guerre, mais un massacre, qui s'en prend également aux animaux, qui eux n'ont rien demandé, et qui n'ont pas les moyens de se défendre. C'est une catastrophe générale. Il compare donc cette guerre à un spectacle apocalyptique.
Il veut ainsi nous faire comprendre que nous sommes tous égaux dans la mort, car les soldats ne meurent pas en héros, ils sont ridiculisés par les positions dans lesquelles ils meurent : « les genoux en l'air ». René Jacob utilise plutôt un registre grotesque pour décrire les positions des soldats. Il met aussi du suspense au début pour garder un effet choquant à sa lettre. Il utilise enfin une structure emphatique quand il écrit : « mais ce que je n'oublierai jamais, c'est la ruine des choses, c'est le saccage abominable des chaumières, c'est le pillage des maisons ». La structure emphatique est faite pour mettre en avant que le guerre s'en prend également aux civils sans arme. Je remarque aussi qu'il met des points de suspension à la fin pour mettre en lumière l'horreur et montrer que ce n'est pas fini.
Les illustrations de la BD révèlent la déshumanisation à travers le portrait du narrateur qui se décompose, comme pour montrer que la mort s'empare de lui peu à peu. Les dessins sont en quelque sorte la preuve en image de la dépersonnalisation que subit l'auteur. Au début c'est un soldat, et à la fin c'est un cadavre. A force de voir les horreurs de la guerre, l'auteur se détruit lui-même. Il se tue de l'intérieur, d'où la décomposition des images. Il passe d'homme à cadavre. Il a conscience des choses mais il demeure impuissant. Au fur et à mesure de l'avancée du texte, les images deviennent plus sombres et le corps se décompose. Il se sent perdre son humanité et se voit mourir. L'auteur nous montre dans tout ce texte ce qu'engendre la guerre chez chaque être humain. La déshumanisation de tous, la bestialisation, quand une personne perd sa part d'humanité, quand on se voit comme un bête ou un monstre. Grâce aux dessins, l'auteur nous donne une image de la déshumanisation intérieure et extérieure que ressent et subit le soldat.
Au terme de cette analyse, lorsque nous lisons ce texte, nous ressentons toute l'horreur et la peur du soldat, mais ce n'est sûrement rien comparé à ce qu'il ressent. Les mots utilisés ne sont pas assez puissants, pas assez forts, comparés au spectacle de chair et de sang présent sous ses yeux. Pour finir, ce texte me fait penser à celui que nous avons étudié précédemment, car il dénonce cette horreur pour rester humain, et il fait selon moi une catharsis, en exprimant ses sentiments les plus douloureux. Ce que je trouve intéressant dans ce texte est le point de vue de l'auteur, et je m'imagine à sa place en train de pleurer. En tant que lecteur/lectrice, je ressens de la tristesse pour tous ces gens morts pour notre pays et pour tous ceux qui ont vu leurs amis mourir. Cette lettre est intéressante car l'écrivain raconte de façon réelle cette guerre. Il décrit les scènes tellement dans le détail que le lecteur pourrait se croire au milieu des cadavres et de leur odeur. L'auteur veut nous faire comprendre que la Première Guerre mondiale a été un désastre. Il y a eu des millions de morts (vingt millions d'humains et onze millions d'animaux), et il ne faut pas oublier tous ces gens qui ont donné leur vie pour nous protéger.