Lettre de René Jacob commentée par les 3eB

Publié le par Professeur L

Reconstitution d'une tranchée. Musée Somme 1916 à Albert.

Reconstitution d'une tranchée. Musée Somme 1916 à Albert.

Année scolaire 2015-2016 – Collège Jules Vallès de Saint Leu d'Esserent

Niveau troisième – séquence 1 : écrire la guerre

Séance 2

Support : Lettre de René Jacob à sa femme. Extrait de Paroles de Poilus, Lettres et carnets du front 1914-1918 rassemblés par Jean-Pierre Guéno et Yves Laplume

Objectifs : comment décrire l'indicible ? Savoir analyser les outils pour donner de l'intensité : structures emphatiques, présentatif, anaphore, énumération, phrase non verbale.

 

Commentaire élaboré à partir des synthèses d'Alexandre, Elliot, Justine, Tristan, Manon, Chloé, Doriane, Florie, Océane, Aline, Tristan, Mégane, Sébastien, Travis.

 

Ce texte est une lettre de René Jacob, poilu de la Première Guerre mondiale. La lettre écrite par René Jacob est une description tragique d'un champ de bataille ou « champ de carnage » (ligne 17) comme l'écrit le soldat. Il a écrit cette lettre pendant la Première Guerre mondiale pour sa femme, pour qu'elle sache ce qui se passe en temps de guerre, sur le front. Cette lettre n'est jamais parvenue à la femme du Poilu, car trop de détails de la guerre ont été dévoilés, ce qui aurait pu causer une révolte des habitants à l'arrière du front, comme l'ont fait les Russes en 1917. Cette lettre dissimulée par l'armée a été retrouvée bien des années plus tard.

Dans cette lettre, le soldat ne trouve pas les mots pour parler de toute l'horreur qu'il voit : « Comment décrire ? Quels mots prendre ? » (ligne 1). L'auteur est choqué, il ne trouve pas les mots. Ce sont des questions rhétoriques utilisées pour essayer de donner un sens à la réalité détruite par la guerre. L'auteur n'attend pas de réponse. L'auteur est choqué, traumatisé, perdu, il ne trouve pas les mots, il faut s'efforcer d'inventer un nouveau langage pour parler d'une guerre totalement différente des précédentes. Elle est indescriptible. Je pense que pour lui, c'est un nouveau type de guerre : « le pillage des maisons » (ligne 20), « le saccage abominable des chaumières » (lignes 19-20), ou encore le meurtre de tous ces hommes et de ces chevaux qui n'ont rien demandé. En effet, cette guerre est d'un nouveau genre. Désormais, des civils en masse sont tués, et leurs maisons, dévastées. Ce n'est plus une guerre, mais un massacre. On peut remarquer dans la lettre qu'il y a des énumérations : « des cadavres noirâtres, verdâtres, décomposés » (lignes 6-7) (le suffixe en -âtre est péjoratif, et indique ici des couleurs sales), et une phrase non verbale pour dénoncer l'horreur de la situation : « non, pas champ de bataille, mais champ de carnage ». (ligne 17) Le paysage est un désastre. Cette phrase non verbale permet à l'auteur d'insister sur un fait important de cette guerre : le massacre. En effet, il est indiqué que cette guerre, contrairement aux autres, est une guerre sans règle : vaincra celui qui détruira et anéantira le plus, car au-delà des cadavres de soldats, dont il fait une énumération dans le texte, c'est une population, des villes, un pays tout entier qui est touché par la monstruosité de cette guerre. L'écrivain utilise aussi une anaphore, en répétant le mot « cadavres » à chaque début de proposition, pour décrire la multitude de cadavres gisant sur le sol. Après un spectacle si traumatisant, l'auteur reste choqué, d'où le présent d'énonciation. L'auteur gardera les images de cette destruction jusqu'à sa mort, en 1916.

Le soldat met aussi en avant le dégoût : « une odeur effroyable, une odeur de charnier » (ligne 12). Tout se passe comme si la mort le poursuivait, le traquait sans relâche et avait elle-même une odeur. Quand il est arrivé sur le champ de bataille, il fait une comparaison en évoquant un rideau de théâtre qui se lève : « comme si un rideau de théâtre s'était levé devant nous, le champ de bataille nous est apparu dans toute son horreur. » (lignes 4 et 5). L'image du rideau de théâtre permet de se rendre compte du drame qu'il vit. Je rajouterais que cette comparaison indique que cette scène apocalyptique est visible par tout un chacun, que nous sommes tous spectateurs de cet affreux spectacle. Les mitraillettes, les obus, les gaz asphyxiants ont fait des ravages dans le paysage dont il est le spectateur. Il identifie le champ de bataille à un spectacle apocalyptique. Le soldat est subjugué par l'horreur des choses. Il reste même choqué après être parti. Il est traumatisé par cet affreux spectacle qui se tient devant lui, comme le montre la phrase suivante : « le champ de bataille nous est apparu dans toute son horreur. » (lignes 4 et 5). Il tente d'expliquer ce qu'il perçoit, mais non sans difficulté, la scène lui étant tellement traumatisante. Pour moi, j'ai l'impression que je suis sur le champ de bataille, face aux cadavres calcinés.

La description est fondée sur deux de nos cinq sens : l'odorat et la vue. Seuls ces deux sens sont employés, mais malgré ça, il arrive parfaitement à nous faire visualiser cette atrocité. L'auteur décrit ce qu'il voi comme un paysage meurtri, dévasté par les ravages de la guerre. C'est une description de la ville de Meaux, au nord de Paris, et de la route vers Soissons, dans l'Aisne.

Je pense que pour lui, la guerre est un carnage, que les dégâts matériels n'étaient pas utiles, que la guerre ne transforme pas les hommes en héros, mais en cadavres désarticulés. Il insiste aussi sur la mort de onze millions d'animaux qui n'ont pas demandé la guerre. Cette guerre est en effet d'autant plus cruelle qu'elle a tué près de onze millions d'animaux qui, eux, n'ont jamais désiré faire la guerre. L'auteur décrit les cadavres dans des positions grotesques, comme le montre l'expression suivante : « des cadavres d'hommes qui ont gardé des poses étranges ».(ligne 8) Il insiste sur ce point pour montrer combien cette guerre est à la fois sinistre et comique, lugubre et ridicule. Nous noterons un extrait de la ligne 9 : « les genoux pliés en l'air », démontrant la position des cadavres semblables à celle des animaux morts. Il compare ses ennemis à des animaux, des bêtes.

La fin de ce texte est construite sur une structure emphatique, qui met l'accent sur la destruction des choses : « Mais ce que je n'oublierai jamais, c'est la ruine des choses, c'est le saccage abominable des chaumières, c'est le pillage des maisons. » Le présentatif permet d'insister sur la destruction matérielle.

Au terme de cette analyse, je pense que ce texte est intéressant car malgré le traumatisme, il parvient à nous décrire les moindres détails, les couleurs et les odeurs. Il s'agit du point de vue d'un véritable soldat qui a été sur le champ de bataille, et qui y est mort un an après. Ce texte démontre de surcroît une idée différente mais toute aussi tragique que « L'autoportrait » d'Henri Aimé Gauthé. En effet, ce dernier dénonce la transformation horrifiante que la guerre engendre chez un homme, tandis que ce texte dénonce les dégâts, les ravages que la guerre laisse sur son passage. Je terminerais en mettant en lumière la violence et l'atrocité de la guerre sur les dix millions de civils innocents qui sont morts pendant cette guerre mondiale. De plus, je ne pense pas que la guerre serve à quelque chose d'autre qu'à faire mourir beaucoup de personnes et d'animaux. Ce texte est aussi intéressant car il motre que la guerre n'est pas aussi simple, fraîche et joyeuse que le prétendent les journaux de l'époque. Là encore, comme dans le poème en alexandrins d'Henri Aimé Gauthé, il évoque l'horreur de la guerre et les impacts moraux que cela a pu engendrer sur la vie d'un seul et même soldat : la déshumanisation qui fait perdre à tout humain son humanité, sa dignité, qui fait de lui ce qu'il a toujours été : une personne que l'on ne peut pas acheter. Ici, on parlera d'une catharsis, mais à condition de nuancer, car l'écriture ici est moins libératrice que dans le poème. Nous retenons donc de ce texte que la guerre est, et restera, quelque chose de destructeur, d'inhumain et de terrifiant pour tous. Je pense que la guerre est une chose tellement affreuse qu'il n'y a pas de mots assez forts pour la décrire. Enfin, les deux lettres de Poilus que nous avons étudiées évoquent l'anti-héroïsme, mais de deux manières différentes. Le premier l'évoque dans la mort, et le second l'exprime par son moral qui change (ce n'est plus un homme mais un monstre).

En tant que lectrice/lecteur, je ressens de la peur et de la pitié pour les pauvres gens qui ont combattu et qui ne sont jamais revenus, aux femmes et aux enfants, qui ont espéré un jour revoir leurs maris et leurs pères, mais qui ont fini par pleurer sur leurs tombes. On ressent toute cette atrocité.

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