Autoportrait d'Henri Aimé Gauthé par les 3eA

Publié le par Professeur L

Otto Dix, Corps dans les fils barbelés, Flandres. La Guerre (1924). Moma, New York, USA.

Otto Dix, Corps dans les fils barbelés, Flandres. La Guerre (1924). Moma, New York, USA.

Année scolaire 2016-2017 – Collège Jules Vallès de Saint Leu d'Esserent

Niveau troisième – séquence 1 : écrire la guerre, témoigner pour résister

Séance 1

Support : Lettre d'Henri Aimé Gauthé à Marie-Alice Jeannot, sa correspondante de guerre. Extrait de Paroles de Poilus, Lettres et carnets du front 1914-1918 rassemblés par Jean-Pierre Guéno et Yves Laplume

Objectifs : découvrir un autoportrait moral et physique, comprendre que l'écriture est un moyen de résister contre la déshumanisation et de conserver sa dignité

Synthèse élaborée à partir des commentaires de Lydie, Clara, Alexy, Maxime, Eugénie, Martin, Baptiste, Mathieu, Gabin, Jodie, Trystan, Océane.

Ce texte est un poème et un autoportrait. L'auteur est un soldat français comme le montre l'exemple suivant : « J'ai la moustache en crue du Kaiser allemand ». Il se dénigre. Plus exactement, il décrit un homme noirci par la guerre. Il établit ainsi une ressemblance entre lui et son pire ennemi, l'Empereur Guillaume qui a déclaré la guerre à la France. En se comparant à l'ennemi de la France, le poète nous fait comprendre qu'il est à lui-même son propre ennemi, à cause de la guerre. Par conséquent, l'autoportrait physique et moral a pour but de dévaloriser l'auteur en le décrivant comme une personne monstrueuse et effroyable.

Le soldat dans ce poème se dénigre, se dévalorise et fait peur, inspire la terreur. La guerre lui a fait subir un dédoublement de la personnalité, comme dans L'Etrange Cas du Docteur Jekill et Mister Hyde de Robert Louis Stevenson, roman fantastique qui met en scène un personnage médecin le jour et criminel la nuit. Dès lors, on comprend que la guerre a déshumanisé le soldat qui écrit ce poème.

En effet, les alexandrins sont construits selon une série d'antithèses qui permettent de comprendre ce dédoublement de personnalité. La guerre transforme le soldat en monstre. L'auteur multiplie les antithèses entre chaque hémistiche : « je suis doux et timide » s'oppose à « avec des airs pervers ». De même, on voit une opposition entre « je le chevalier » et « à la piètre figure ». Parfois, les antithèses sont à l'intérieur de chaque hémistiche : « mon sourire » s'oppose à « amer », et « mon rire » s'oppose à « décevant ». Ces antithèses permettent d'opposer le côté pervers et le côté lumineux du personnage. Les antithèses sont renforcées par le parallélisme qui détermine la construction de chaque alexandrin : « j'ai la moustache... », « j'ai les cheveux bruns... »

De même, pour montrer son enlaidissement par la guerre et sa métamorphose monstrueuse, le poète emploie une comparaison : « ma lèvre est rouge comme une fraîche blessure ». Cette comparaison souligne l'impression d'être meurtri à jamais par ce qu'il a vécu et traversé à la guerre. La personnification « au fond de mes yeux danse une froide lueur » permet d'insister sur la lente déshumanisation que le personnage subit après chaque combat. On peut d'ailleurs considérer grâce à ce vers que le poème est lyrique, car l'auteur nous dévoile ce qu'il y a au fond de lui, dans l'intimité de son être. Enfin, la périphrase dans le vers « je suis le chevalier de la piètre figure » est une référence à Don Quichotte, le personnage romanesque inventé par Cervantès, qui était un chevalier auto-proclamé combattant des moulins à vent à dos d'âne. En s'assimilant à Don Quichotte, le poète insiste sur la dimension ridicule et grotesque de sa personnalité. Il ne se prend donc pas pour un héros. Il se considère comme un anti-héros.

Pour conclure, on peut dire que cet autoportrait démontre que le soldat est déshumanisé : il a l'impression d'avoir perdu sa dignité. La dignité est ce qui fait qu'on a une valeur infinie, qu'on ne peut nous acheter. On comprend dans le poème qu'Henri Aimé Gauthé, un soldat à cette époque, perd à cause de la guerre qui lui fait faire des choses atroces ce qui le définit comme Homme et qui lui donne sa valeur infinie : sa dignité. La déshumanisation est causée par cette guerre qui a provoqué les actes meurtriers qu'il a pu commettre (« je fais pour m'amuser des piqûres atroces »), les conditions de vie inhumaines où il a dû vivre et survivre. Il pense qu'il n'a plus la valeur d'un homme car il est obligé de tuer sans arrêt. Seule l'écriture permet de continuer à vivre. En communiquant par écrit avec une femme, l'auteur exprime le besoin de pouvoir exprimer ce qu'il ressent, pour se libérer de sa souffrance, comme pour une thérapie psychiatrique. L'auteur écrit pour converser sa dignité, pour rester civilisé. L'écriture lui sert de catharsis, de libération. Il écrit à une femme pour exprimer ses sentiments, garder le peu qu'il lui reste d'humain et se libérer de sa souffrance et de la terreur de la guerre. L'auteur nous décrit un soldat qui, pendant la guerre, aurait subit ou vu des choses atroces, traumatisantes. L'écrivain nous transmet ce qu'il a vécu à travers cette lettre. Il veut nous décourager, pour ne pas recommencer les mêmes horreurs, car il a été traumatisé par cette guerre. Ce texte est un témoignage. Il veut dire à tous les gens qui pensent que la guerre est quelque chose de bien que c'est tout le contraire. La guerre déshumanise. Elle fait ressortir chez les gens leur côté obscur. Ce texte est donc intéressant car il est le contraire d'une glorification de la guerre. Ce n'est pas un texte épique. C'est un texte engagé. Sa vision de la guerre est terrible, effroyable. Il aimerait dire à tout le monde que la guerre est un épisode terrible de la vie. Pour lui, la guerre est comme les enfers, sombre, ténébreuse, obscure.

Au terme de cette analyse, on peut voir que le texte est intéressant, car il s'inscrit à rebours des poèmes épiques traditionnels qui glorifient la guerre et le soldat. Dans les épopées antiques comme l'Iliade d'Homère, dans les chansons de geste du Moyen-Age comme La Chanson de Roland, ou dans les romans de chevalerie comme Yvain ou le chevalier au lion de Chrétien de Troyes, la guerre est vue comme l'occasion privilégiée pour le personnage principal de devenir un héros valeureux. La guerre a longtemps été considérée comme le meilleur moyen de devenir un homme, en faisant preuve de courage. Dans le poème d'Henri Aimé Gauthé, c'est l'inverse qui apparaît : on comprend que la guerre n'est pas une voie d'accès à l'héroïsme, mais une barbarie qui engendre des monstres. Et ce qui permet de résister à cette barbarie et à cette déshumanisation, c'est l'écriture, qui possède une fonction cathartique.

Otto Dix, La Guerre, 1924. Moma, New York, USA.

Otto Dix, La Guerre, 1924. Moma, New York, USA.

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