C'est tellement horrible ce qui se passe ici par Léa-Sarah et Lou-Anne
Emblème des Rattlers, le 369e régiment d'infanterie au sein duquel ont combattu les Hellfighters de Harlem pendant la Première Guerre mondiale.
Ma chérie,
Par quoi commencer ? C'est tellement horrible ce qui se passe ici. Tu ne peux pas t'imaginer. Mes yeux ont vu des scènes qui marqueront ma conscience à vie. J'ai vu des corps exploser, se déchiqueter après une pluie d'obus. J'ai vu mes camarades se faire cribler de balles venant des Allemands. Le paysage est morbide. Partout des corps baignent dans le sol boueux du champ de bataille. Il y a tellement de corps que je dois marcher dessus pour aller affronter les Boches. Je dors dans des trous creusés dans la terre boueuse des tranchées, entouré les rats. Je ne me lave presque plus, je ne me rase plus, et ce mélange d'odeur de transpiration, de sang et de mort en décomposition me donne la nausée. Chaque jour mon teint devient de plus en plus livide, terne et verdâtre. Je commence à être fatigué de la guerre. La peur de mourir est présente chaque seconde en moi. Serai-je encore en vie quand tu liras cette lettre ? Tu te rappelles, l'année dernière, à la même période, où nous étions enlacés dans les draps en soie du lit ? Tous ces moments passés avec toi me manquent. Je suis tellement pressé de te revoir.
Mon travail de menuisier me manque également. Mais il ne faut pas que je perde mon objectif de gagner cette guerre. Je me rends compte que la guerre change les hommes, les rend sans cœur et les déshumanise. J'en ai pris conscience au combat.
Malgré tout, je ne perds pas la foi. Je suis venu ici pour gagner cette guerre et prouver aux Blancs américains que je vaux autant qu'eux. J'espère recevoir une certaine reconnaissance de leur part. J'espère aussi qu'un jour ils changeront. Regarde cette France et ses belles valeurs. Je me bats pour ces valeurs-là. Les Français nous donnent l'impression que nous sommes leurs égaux. Je me bats pour ça, et je continuerai de me battre pour cette cause jusqu'à la victoire finale. Malgré la fatigue et la folie que j'endure, j'essaie de rester fort en pensant à ces soldats français qui, eux, se battent depuis trois ans déjà. On leur avait dit qu'en deux semaines tout serait terminé. A leur place, j'aurais sûrement perdu espoir.
J'espère que de ton côté tout se passe bien. N'oublie pas que je t'aime. J'espère te revoir bientôt.
Henry