Comment décrire ce que je vois, ce que je vis, par Naomie et Tom
Ma chère épouse,
Par quoi commencer ? Comment décrire ce que je vois, ce que je vis ? Depuis mon départ précoce pour la guerre, ma vie a changé. Mon hygiène de vie est horrible. Les conditions de vie se dégradent de plus en plus. La tranchée où je vis est infestée de rats et de mouches. Il nous est impossible de nous raser et de nous laver pendant plusieurs jours. Certains de mes camarades dorment dans des trous creusés dans la boue, contre les parois de la tranchée. La guerre a un rythme monotone et répétitif : ciel gris, des cadavres verdâtres et noirâtres au sol, la perte de mes camarades. Plus le temps passe, moins j'arrive à reconnaître les couleurs. Je ne vis plus que dans le son des obus, au milieu des cadavres, dans le sang et la peur. L'odeur de la mort m'empêche de dormir chaque nuit.
Chaque battement de cœur que je ressens me rappelle les nuits d'été que l'on a passé ensemble, l'un contre l'autre, dans des draps de satin. Cet endroit m'horripile. Je ne peux plus rester ici. De plus, chaque moment loin de toi tue le peu d'humain qu'il reste en moi. Je me souviens d'avant, de nos balades colorées, de toutes ces douces odeurs. Malheureusement, ce temps est révolu. Les jolies couleurs ont laissé place à la grisaille et les douces odeurs ont laissé place à l'odeur de la mort.
La guerre me transforme. Ma soif de vengeance envers les Boches augmente, car ce sont eux qui nous empêchent de rentrer et qui tuent mes frères d'armes. Chaque fois que je prends l'arme en main, je deviens un soldat sans âme, et quand je rentre vivant par la grâce de Dieu, alors là, je prie et le remercie. Je deviens moins humain pour me transformer en machine de guerre.
Néanmoins je garde la tête haute et je me dis que je suis là pour défendre la France chaque jour un peu plus, pour défendre ses valeurs : la liberté, l'égalité, la fraternité.
J'espère que ma lettre arrivera entre tes mains et que tu comprendras que la guerre n'est pas aussi glorieuse ou aussi joyeuse qu'on le pense. Au fil du temps, on perd plus de courage que l'on en gagne. Et même la guerre chante la mort.
Johnny