Par quoi commencer ? Par Aloïs et Mathis

Publié le par Professeur L

Allemands positionnés dans l'Aisne, sur le Chemin des Dames, 1917.

Allemands positionnés dans l'Aisne, sur le Chemin des Dames, 1917.

Ma chère femme,

Par quoi commencer ? Que dire ? De l'endroit d'où je t'écris, c'est un massacre. Sur le champ de bataille, j'ai allumé des centaines de Boches, pour la reconquête de l'Alsace et de la Lorraine, pour nos frères, pour nos amis, pour la fierté de notre pays. Quand nous sommes arrivés sur le terrain, plus aucun soldat français n'avait le courage de vaincre. Ils étaient épuisés. Ils combattaient depuis trois ans et demi, alors qu'on leur avait dit que cela allait être une guerre courte, fraîche et joyeuse, ne devant durer que deux semaines. Cela fait trois mois que je suis arrivé. Je dors au milieu des rats dans la terre, sans matelas, sans drap. Nous vivons avec la menace de se prendre une balle perdue, comme si la mort nous traquait. Ces casques à pointe sont vraiment coriaces, barbares et atroces.

Je me souviens de tous ces combats sur le ring que j'ai pu faire. Chaque boxeur que j'ai pu affronter me donnait du courage, la rage de vaincre, mais face à ce terrible massacre qui chaque jour nous frappe le moral, je n'ai plus aucune force, je me sens impuissant dans cette guerre. Je me souviens de ma vie d'avant, dans notre maison à Boston. Je me souviens de toi, de ma peau contre la tienne, de tes formes qui continuent de me faire rêver. Je me souviens de nos balades dominicales. Là, aujourd'hui, je me balade seul, au milieu des cadavres, une arme à la main, à l'affût des Huns, qui sont prêts à tout pour garder l'Alsace et la Lorraine.

La guerre nous a tous transformés. Nous pensions que pour combattre, il fallait avoir du courage. Au contraire, je me sens lâche de tuer, tuer et tuer, de briser des familles entières. Tout cela, personne ne le mérite. Nous avons l'envie que cela se termine, car nous voulons tous retrouver nos familles et nos amours. En particulier, il faut que je te raconte une bataille qui s'est passé il y a trois semaines. Nous étions partis en régiment, prêts à exterminer tous ces Boches. Nous avions de la détermination, du courage, la rage de vaincre, l'envie de tous les tuer. J'étais aux côtés de mon meilleur ami, Peter, qui fut exterminé à mes côtés. Les Allemands nous tendirent une embuscade accompagnée d'une pluie d'obus. Peter fut décomposé par un obus. Je me retrouvai alors avec tous ses organes sur mon corps. Après cet acte, je me sens comme un monstre, comme un lâche, je suis déshumanisé.

Mais je n'oublie pas la raison pour laquelle je suis parti en France faire la guerre. Les Français ont aidé notre pays à obtenir son indépendance. On va les aider à gagner la guerre.

J'espère te revoir ma chérie,

A bientôt,

Je t'aime.

Johnny

Soldats australiens à Paschendaele, 1917.

Soldats australiens à Paschendaele, 1917.

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