Je t'écris cette lettre depuis la France par Emmy et Juliette

Publié le par Professeur L

Soldats australiens en France, Première Guerre mondiale.

Soldats australiens en France, Première Guerre mondiale.

Maman,

Je t'écris cette lettre depuis la France, mais je n'ose pas avouer ce que je suis en train d'endurer. Je suis actuellement dans une tranchée, là où la pluie rythme mes journées. Je ne me suis pas lavé depuis plusieurs jours, ni rasé, ni pris de temps pour moi. Ici, l'odeur des cadavres en décomposition croît de jour en jour. Ici, nous dormons sur des lits durs comme de la roche. Ici, les obus nous assourdissent peu à peu.

Moi qui, en partant pour la guerre, ressentais de la fierté ! Aujourd'hui, je ne ressens que de la peur et du dégoût face à mon propre reflet. Je ne distingue plus les couleurs autres que le rouge-sang, le marron et le noir. Je vis dans un monde sombre et sordide, où la peur, l'effroi et la terreur nous transpercent chaque jour. Le froid, la pluie, sont mon quotidien. Je n'arrive plus à percevoir le soleil caché par le vrai visage de la guerre.

Le Texas me manque. Ma grande ferme rouge, mes champs qui s'étendent à perte de vue, mon fils qui joue dans la paille : plus je reste sur le champ de bataille, plus ces souvenirs me reviennent en tête. Moi qui, autrefois, étais un homme respectable et bon ! Mais aujourd'hui, je ne suis plus qu'une machine à tuer, qui ne réfléchit plus. Avant, je t'aurais demandé de me remonter le moral, grâce à la chanson que tu me fredonnais souvent. Malheureusement, je me retrouve seul avec les rats qui me rongent la nuit. Chaque pas que je fais sur le front me rapproche lentement de la mort.

Malgré tout, je ne compte pas abandonner, je compte bien me battre aux côtés des Français pour repousser les casques à pointe. Mais il y a des jours où j'aimerais que tout s'arrête pour oublier les visages calcinés de mes frères d'armes. J'espère qu'une fois rentré chez moi, tout s'effacera : les tanks qui écrasent les morts, le bruit des mitrailleuses, l'odeur de la poudre à canon. En m'engageant, je savais que la guerre n'était pas joyeuse, mais je ne m'attendais pas à ce massacre.

La France est telle qu'on l'imagine. Ses valeurs et ses principes sont respectés et appliqués. Nous combattons tous ensemble, malgré le fait que nous ne venons pas du même pays. Nous ne nous mélangeons pas, mais nous sommes voisins. Nous chantons tous en cœur pour apporter de la joie dans la tranchée.

Et toi, comment vas-tu ? Ma sœur a-t-elle accouché ? Donne-moi des nouvelles de ma femme et de mon fils qui me manque horriblement. Comment va la ferme ? Est-ce que les affaires fonctionnent ? J'ai hâte d'avoir de vos nouvelles. Vous me manquez tellement. Réponds-moi vite, ma tendre mère, car la solitude rythme ma vie.

Je vous aime fort, et dis à Bobby, mon fils chéri, que son père rentrera bientôt.

Johnny

87ème régiment d'infanterie de l'armée française à Verdun en 1916.

87ème régiment d'infanterie de l'armée française à Verdun en 1916.

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