Lorsque j'ai été appelé pour servir mon pays par Lucie et Manon
Uncle Sam Wants You, affiche représentant l'Oncle Sam, allégorie des Etats-Unis, par James Montgomery Flagg, en 1917.
Chère mère, cher père,
J'espère que vous allez bien. De mon côté, en Argonne, la guerre n'est pas comme on l'imagine. L'hygiène est déplorable, et la vie est difficile. Lorsque j'ai été appelé pour servir mon pays, je ne m'imaginais pas autant d'horreur. Le paysage est sombre, tout est détruit, il y a des milliers de morts sur le no man's land. Le temps est maussade et le vent froid de l'hiver gémit dans la plaine.
Sur le champ de bataille, les gens hurlent à la mort. Ici, nous combattons autour de corps noirâtres, verdâtres, pourris avec le temps. L'odeur des morts est abjecte et répugnante. Ici, nous sommes comme des lions en cage. Au moindre bruit nous devenons fous. Mes journées sont remplies de peur. Plus les jours passent et plus ma haine envers les Boches grandit. Ici, nous avons soif de sang et de gloire.
Quand je repense à mon ancienne vie, je suis nostalgique. Maman, tes plats me manquent, ainsi que l'arôme du café qui m' effleurait les narines et qui me réveillait sous le chaud soleil d'Amérique. C'est néanmoins grâce à ces souvenirs que je reste humain.
Car la guerre déshumanise les soldats. Ici, l'homme est un animal. On ne pense qu'à tuer. Je ne me reconnais même plus, je ne sais plus qui je suis, je suis perdu, je suis sans âme. J'ai peur d'être devenu ce que je n'ai jamais voulu être. Je ne veux pas devenir comme ces Allemands aux visages éteints, qui pour certains prennent plaisir à tuer. Mes camarades et moi, nous sommes dévastés de tristesse, mais nous sommes obligés de défendre la terre de nos frères.
La France, ce beau pays libre, en ce moment meurtri par la guerre, se doit d'être soutenue et aidée par ses alliés. Même si la guerre est dure et affreusement difficile, parce que les Huns sont coriaces, ce serait indigne de nos valeurs de laisser ce pays mourir. La France nous a apporté la liberté ; à nous de les aider à récupérer la leur. Lorsque nous allons combattre, c'est avec force, car nous chantons The Star-Splangled Banner et la Marseillaise, qui est l'hymne national des Français, avec cette phrase, certes violente, mais puissante en temps de guerre : "'qu'un sang impur abreuve nos sillons".
Chaque soldat allemand tué est un pas vers mon retour. Nous allons gagner et je vais revenir.
Je vous aime. A bientôt.
Johnny