La Partie de cartes (1917) de Fernand Léger

Publié le par Professeur L

Fernand Léger, La Partie de cartes (1917), huile sur toile, 129x193, Musée Kröller-Müller, Otterlo, Pays-Bas.

Fernand Léger, La Partie de cartes (1917), huile sur toile, 129x193, Musée Kröller-Müller, Otterlo, Pays-Bas.

Année scolaire 2018-2019 – Lycée Cassini (Clermont-de-l'Oise)

Objet d'étude : écriture poétique et quête du sens, du Moyen-Age à nos jours

Séquence 1 : La Grande Guerre des poètes (projet ONAC-Rethondes-Blérancourt, Mission centenaire, Les Jeunes de l'Oise se souviennent)

 

EN PROLONGEMENT DE LA SÉQUENCE SUR LA GRANDE GUERRE DES POÈTES

LA PARTIE DE CARTES (1917) DE FERNAND LÉGER (1881-1955)

 

On a vu qu'en destructurant les vers, en atomisant les lettres et les mots, Guillaume Apollinaire s'était inspiré du futurisme (éloge de la modernité, célébration de la technique et de la vitesse, introduction de la courbe dans le vers) et du cubisme. Certains artistes cubistes ont aussi utilisé leurs techniques pour dénoncer les horreurs de la guerre. C'est le cas de Fernand Léger qui a connu la monstruosité de la Première Guerre mondiale, comme le prouve ce témoignage :

 

« C'est à la guerre que j'ai mis les pieds dans le sol. En l'espace de deux mois j'ai appris plus que dans toute ma vie...Ah ! Ces gros gars. J'étais costaud moi aussi et je n'ai pas eu peur. […] Pendant que les gars jouaient aux cartes, je restais à côté d'eux, je les regardais, je faisais des dessins, des croquis, je voulais les saisir. J'étais très impressionné par les gars et le désir de les dessiner m'est venu spontanément. C'est de là que plus tard est sortie La Partie de Cartes. […] le premier tableau où j'ai délibérément pris mon sujet dans l'époque. »

(Fernand Léger, cité dans le catalogue Fernand Léger 1881-1955, Musée des arts décoratifs, Palais du Louvre, Pavillon de Marsan, 1956).

Fernand Léger a réalisé cette peinture à partir d'un dessin qu'il avait esquissé sur un papier d'emballage à Verdun en 1916. Cette peinture se caractérise avant tout par la fragmentation des corps, des volumes et de l'espace. Ce procédé cubiste colle parfaitement à la réalité de la guerre qui explose les corps.

La géométrisation de l'espace, l'utilisation de formes géométriques cylindriques, permettent de découvrir la réalité des tranchées dans toutes leurs dimensions. Cette géométrisation et cette fragmentation permettent de montrer une image robotisée des soldats. C'est une manière pour le peintre de montrer que la guerre déshumanise les soldats. Cette déshumanisation est accentuée par l'utilisation de couleurs froides. On a également l'impression que les soldats sont manipulés de l'intérieur par un rouage dont la couleur rouge rappelle le sang versé à la guerre.

De même, ce n'est pas un hasard si le peintre a décidé de représenter les soldats en train de jouer aux cartes. Entre les combats, pendant les longs moments d'attente, les soldats pouvaient se reposer, nettoyer leurs armes, lire (journaux et lettres), écrire (lettres et journaux intimes), discuter, jouer de la musique, chanter, manger, dormir, tuer les rats et les puces. Mais le peintre se focalise sur le jeu de cartes afin de faire un parallélisme avec la guerre. En effet, à la guerre comme au jeu de cartes, c'est le hasard qui domine. Ceux qui survivent à la guerre ne sont pas forcément les plus courageux. Mais ce sont les plus chanceux car la mort frappe comme à la loterie. Aussi la partie de cartes est ici une métonymie de la guerre (la partie pour le tout).

Enfin, quelques indices prouvent que ces soldats ne sont pas définitivement déshumanisés : les médailles qu'ils arborent prouvent qu'ils ont fait preuve d'héroïsme, de courage et d'abnégation. Ils fument la pipe ensemble et sont rassemblés, ce qui crée un effet chaleureux renforcé par la couleur jaune. Fernand Léger éprouve à la fois de l'admiration et de la sympathie pour ces soldats.

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