La colombe poignardée et le jet d'eau par la Première S4

Publié le par Professeur L

"La colombe poignardée et le jet d'eau" de Guillaume Apollinaire (Calligrammes, deuxième section)

"La colombe poignardée et le jet d'eau" de Guillaume Apollinaire (Calligrammes, deuxième section)

INTRODUCTION

Présentation de l’auteur :

  • Guillaume Apollinaire est né à Rome le 26 août 1880

  • Mère polonaise et père inconnu (probablement italien)

  • Passe son enfance à Monaco, Cannes, Nice

  • A voulu s’engager une première fois dans l’armée française mais a été refusé parce qu’il n’avait pas la nationalité française

  • Apollinaire n’est pas son vrai nom

  • Il choisit ce nom en référence à son grand-père maternel mais également à Apollon, le dieu de l’art et de la beauté

  • Le 9 mars 1916 il obtient la nationalité française

  • Le 17 mars 1916 il est blessé par un éclat d’obus à la tempe droite

  • Il subit une trépanation

  • Le 9 novembre 1918 il meurt de la grippe espagnole

  • Il a connu de nombreuses femmes : Marie Dubois, Annie Pleyden, Marie Laurencin, Louise de Coligny-Chatillon (Lou), Madeleine Pagès, et Jacqueline Kolb

  • S’est inspiré du cubisme, et du futurisme

Présentation de l’œuvre

Calligrammes : œuvre posthume qui est en fait un journal de guerre poétique

Apollinaire a décrit dans cette œuvre son expérience de la guerre

Présentation du texte :

  • Extrait de la deuxième section du recueil : « Étendards »

  • Calligramme : fusion du dessin et du poème

  • Le vers est déstructuré et atomisé (double influence du futurisme et du cubisme)

  • Poème mélancolique, lyrique, élégiaque

  • Exprime la nostalgie et dénonce la guerre

Problématique : comment l’auteur réalise-t-il un poème à la fois moderne et traditionnel tout en critiquant la guerre ?

Annonce du plan : le texte se déploie en deux mouvements : tout d’abord l’innovation et la modernité poétiques permettent d’exprimer la nostalgie et la mélancolie ; ensuite, on retrouve un lyrisme élégiaque hérité de la tradition.

Guillaume Apollinaire, printemps 1916.

Guillaume Apollinaire, printemps 1916.

Première partie : l’innovation et la modernité au service de la poésie pour exprimer la morosité et la mélancolie

  • la forme du texte est frappante : forme de fontaine, une colombe, un œil

  • un dessin étagé en trois parties : l’œil, la fontaine, la colombe

  • le deuxième étage peut aussi faire penser aux larmes d'un œil

  • on a une interpénétration réciproque du dessin et du texte

  • le texte est un dessin et le dessin est un texte

  • c'est ce que Guillaume Apollinaire appelle un « calligramme » (kalos : beau, gramma : écriture, lettre) : belle écriture, « poème donnant à voir la beauté »

  • le calligramme permet au poète d’atteindre ses objectifs qui sont de sublimer la vie, créer quelque chose de nouveau, de créer la beauté

  • l’œil peut aussi faire penser à un bassin

  • le C peut faire penser à une lune ou à la tête de la colombe

  • les ailes de la colombe sont composées des noms des femmes qu’il a aimées : répétition du son –i (assonance) et du –m (allitération) : permettent d’insister sur leur douceur

  • la colombe est le symbole de la paix

  • or la colombe est « poignardée » : on a assassiné la liberté, la paix : la colombe poignardée peut symboliser la guerre

  • le point d’interrogation exprime les questions qu’il se pose sur sa vie

  • le point d’interrogation représente le point ultime du jet d’eau mais également sa chute

  • « jaillissent » exprime l’ascension du jet d’eau

  • « le jet d’eau pleure » exprime la chute du jet d’eau (personnification qui donne l’impression que non seulement le poète mais encore le monde pleure)

  • Le poète projette ses sentiments sur les objets et l’univers

  • Un mot dans le bassin ou l’œil exprime la chute du jet d’eau : « tombe »

  • Le O peut symboliser le tuyau du jet d’eau

  • Le O peut également symboliser la pupille de l’œil

  • Avec la lettre O et le verbe « tombe », on entend le mot « tombeau »

  • La mort est au centre de ce poème : la mort des soldats, la mort des amis, la disparition des femmes qu’il a aimées

  • Le poète parvient à faire une synthèse ou une fusion entre le dessin et la poésie

  • Le dessin a une signification en dehors des mots

  • On comprend avec le dessin que les thèmes sont la mélancolie, la disparition, le deuil

  • Poème-dessin dominé par les registres lyrique, pathétique et élégiaque

  • Apollinaire appelle l’art de composer les calligrammes un « lyrisme visuel »

  • « Chacun de mes poèmes est une commémoration d’un événement de ma vie » (Apollinaire dans une lettre à un ami)

  • Apollinaire a composé ce calligramme pour honorer ses proches : un poème composé pour honorer la mémoire de ses proches s’appelle un « tombeau »

  • La nostalgie est au cœur du calligramme

  • Il écrit ce poème pour se livrer au plaisir de la réminiscence

  • Le récit du souvenir, l’invocation des noms des êtres que l’on a aimés permet de les faire revivre

  • Dire, pour le poète, c’est être (cela fait exister ce dont on parle)

  • Le poète est convaincu que le langage est magique et permet de faire vivre et revivre

  • C’est l’introduction de la courbe qui permet au poète de renouveler la forme et de créer un calligramme

  • La courbe occupe toute la page et libère le poème qui jusqu’à présent était enfermé dans une forme orthogonale, prisonnière de la ligne droite

  • Grâce à la courbe, le poème semble vivant

  • Le poète introduit le mouvement dans le poème

  • Apollinaire veut créer dans la poésie grâce au calligramme ce que le cinéma est parvenu à faire : la synthèse de tous les arts

  • La poésie doit accompagner la célébration des valeurs de la modernité : la technique, la vitesse

  • Le jet d’eau ou la fontaine symbolise le temps qui passe, la fuite du temps

  • Le calligramme ne reproduit pas la réalité visible : l’œil et la colombe sont disproportionnés par rapport au jet d’eau

  • Il veut représenter la réalité intérieure, ses sentiments les plus forts

  • L’importance de la colombe prouve qu’il est attaché au souvenir des femmes qu’il a aimées

  • Cela prouve aussi qu’il est attaché à son passé : il est porté par la nostalgie

  • Cela montre aussi qu’il est attaché à la liberté et à la paix

  • L’importance de l’œil et des larmes montre que le poète est dominé par la mélancolie, la peine, la lamentation

 

Poème du 9 février 1915, Calligrammes de Guillaume Apollinaire.

Poème du 9 février 1915, Calligrammes de Guillaume Apollinaire.

Deuxième partie : le réinvestissement du lyrisme élégiaque traditionnel

  •  La colombe est composée de vers libres qui montre la modernité du poète
  •  Le jet d’eau et l’œil sont composés d’octosyllabes et de rimes plates
  •  Apollinaire retrouve la forme médiévale de la complainte, de la lamentation, de la poésie élégiaque et lyrique : la ballade
  •  « un jet d’eau qui pleure » : personnification qui caractérise la relation entre le poète et le monde
  •  Relation intime entre le poète et le monde
  • Relation symphonique, harmonieuse, entre le poète et le monde
  •  Résonance entre le poète et le monde : le monde est le reflet des sentiments du poète
  •  Il projette ses sentiments dans le monde
  •  « meurent mélancoliquement » : allitération en m qui exprime la tristesse  
  • « se mélancolisent » : le poète crée un néologisme (il invente un mot nouveau) pour décrire sa tristesse
  •  « l’église » fait penser à un enterrement (comparaison)
  • Au souvenir des amis est attachée l’idée de mort
  •  « tous les souvenirs de naguère » exprime la nostalgie
  • « naguère » rime avec « guerre » : la guerre précipite et accélère la séparation et la perte des amis
  • La guerre introduit une rupture brutale dans l’existence entre un passé heureux et un présent malheureux
  •  Il accumule les noms des femmes qu’il a aimées (énumération) pour exprimer le regret des amours passés
  •  Il les appelle, il les invoque : le poème est une invocation
  •  Répétition de la même question pour appeler ses amis et ses amantes : l’anaphore insiste sur la lamentation et la nostalgie
  •  « De souvenirs mon âme est pleine » : l’adj qual « pleine » exprime le manque
  •  « de souvenirs » est placé au début du vers, ce qui montre son importance pour le poète
  •  « mon âme » est placé au cœur, au centre du vers et l’adj possessif « mon » permet de renforcer le lyrisme (l’expression personnelle et intime des sentiments de nostalgie et de mélancolie)
  •  « le jet d’eau pleure sur ma peine » : les larmes (pleure) sont au centre
  •  Allitération du « p » qui insiste sur la douleur
  •  « pleure » et « peine » : champ lexical de la morosité
  • Champ lexical de la guerre : « partis en guerre », « qui s’engagea », «guerre », « le laurier….guerrière », « se battent », « tombe sanglante », « saignent abondamment »
  •  Champ lexical de la guerre est riche et abondant
  • Ce champ lexical donne une image meurtrière de la guerre
  •  Représentation péjorative de la guerre
  • Le poète utilise le lyrisme pour dénoncer la guerre
  •  Il reproche à la guerre d’assassiner la paix et ses amis
  •  « jardins où saigne abondamment le laurier rose fleur guerrière » : mélange, confrontation, télescopage entre le laurier, fleur qui symbolise la victoire militaire, et la rose, fleur qui symbolise l’amour
  •  Mais ici il n’y a pas de victoire militaire
  •  La guerre est une défaite amoureuse, détruit l’amour, puisque le sang envahit les fleurs
  •  Un texte, c’est toujours un palimpseste (un parchemin sur lequel on a superposé plusieurs textes)
  •  Derrière ce texte d’Apollinaire, il y a deux autres textes : des ballades du Moyen-Age : la Complainte de Ruteboeuf, la ballade des dames du temps jadis de François Villon
  •  On retrouve le même questionnement : que sont mes amis devenus
  • (Ruteboeuf)
  •  De même Apollinaire reprend le refrain de Villon : mais où sont (les neiges d’antan)
  • Énumération des amantes chez Villon comme chez Apollinaire
Verdun 1917, huile sur toile de Félix Vallotton (1865-1925), Musée de l'Armée, Paris, France.

Verdun 1917, huile sur toile de Félix Vallotton (1865-1925), Musée de l'Armée, Paris, France.

CONCLUSION

Au terme de ce parcours, ce calligramme est à la fois moderne et traditionnel. Pour Apollinaire, le poète est un créateur, qui doit inventer, innover, proposer de nouvelles formes, comme il l’explique dans sa conférence du 26 novembre 1917 sur « l’Esprit nouveau ». Le poète doit créer de nouvelles images de la beauté. Mais la nouveauté s’inscrit dans la continuité, dans le prolongement de la tradition. Le poète doit trouver un équilibre entre « l’ordre » (la tradition) et « l’aventure » (l’innovation). Enfin, ce poème lyrique nous dévoile une image négative de la guerre qui fait perdre les amis et les amantes. On retrouve cette dénonciation de la Première Guerre mondiale dans un tableau de Fernand Léger qui s’intitule La partie de cartes, peint en 1917. Le tableau montre que les soldats sont déshumanisés (grâce à la technique cubiste) mais qu’ils essaient de rester humains malgré tout.

Musée franco-américain du château de Blérancourt que la Première S4 va visiter le vendredi 09 novembre 2018, jour anniversaire de la mort d'Apollinaire.

Musée franco-américain du château de Blérancourt que la Première S4 va visiter le vendredi 09 novembre 2018, jour anniversaire de la mort d'Apollinaire.

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