La ville d'Emile Verhaeren commenté par la Seconde 12

Publié le par Professeur L

Tokyo.

Tokyo.

Année scolaire 2018-2019 – Lycée Cassini (Clermont-de-l'Oise)

Niveau seconde – seconde 12

Objet d'étude : le roman et la nouvelle au XIXe siècle : du réalisme au naturalisme

Séquence 2 : étude d'une œuvre intégrale : Germinal (1885) d'Emile Zola

Séance 2

Support : Émile VERHAEREN, (1855-1916), Les Campagnes hallucinées, 1893, « La ville », poème liminaire.

Objectifs :

  • s'initier au commentaire de texte

  • reconnaître une évocation à la fois épique et fantastique de la ville

  • comprendre la portée critique du poème

 

Les deux phrases en italique (partie I, B) sont rajoutées par le professeur pour faciliter la transition entre les deux mouvements de l'analyse.

 

  1. Une ville fascinante

 

A. L'immensité et l'infinité de la ville (commentaires d'Alex, Brice, Elise, Lara, Mathéo, Lynda, Chloé, Carla et Alana)

Tout d'abord la ville apparaît comme immense. L'auteur met en évidence l'immensité et l'infinité de la ville. L'auteur apporte un éclairage décisif sur les chemins qui mènent à la ville dès le premier vers : « Tous les chemins vont vers la ville ». En insistant sur le choix multiple des chemins, il montre que la ville est incontournable. Il donne une impression de vérité : on appelle cela le présent de vérité générale. Il utilise une métaphore dans le vers 14 : « c'est la ville tentaculaire ». L'auteur va d'ailleurs utiliser cette métaphore plusieurs fois dans le texte, comme un refrain, qui nous rappelle les grandes tentacules de la pieuvre qui s'étendent. Le poète belge utilise plusieurs mots pour indiquer l'immense hauteur de la ville au vers 4, avec une forme de redondance. Elle s'étend à l'infini, horizontalement et verticalement. Effectivement, l'horizon est large et flou. On n'a peu de visibilité sur l'immensité. L'auteur met en valeur cet effet au vers 2 : « Du fond des brumes ». C'est donc une ville infinie et sans frontière, et le vers 6 : « Là-bas » renforce l'effet de profondeur. Et ce vers nous donne l'impression que l'auteur nous montre quelque chose. C'est justifié avec le vers 12 : « Ce sont des millions de toits », qui insiste sur l'étalement de la ville, grâce à un parallélisme anaphorique, avec la répétition de « ce sont des ». A l'aide de ces présentatifs anaphoriques, l'auteur met en lumière la fascination qu'il éprouve envers la ville et souligne ce qu'elle possède. La ville est tellement large qu'elle empiète sur le territoire maritime : « parfois jusqu'à la mer recule et se retrousse ». De surcroît, elle « s'étale et domine la plaine ». Cette personnification renforce l'impression d'omniprésence de la ville sur la Terre : elle s'étend sur toutes les plaines et les mers. L'auteur accentue l'expansion de la ville, dans le vers 30 : « vers l'océan et les espaces », en utilisant une hyperbole, car la ville s'étend dans l'espace, ce qui insiste sur la grandeur de la ville. L'auteur utilise une accumulation de lieux au vers 39 : « Les toits, les corniches et les murailles », qui correspond à beaucoup de bâtiments. Et le vers 38 : « immensément, par à travers », insiste sur la notion d'immensité de la ville. L'hyperbole « et les chemins d'ici s'en vont à l'infini » permet d'insister sur l'ubiquité de la ville afin de la mettre en valeur. L'auteur montre la présence de la ville en tous lieux. Les adverbes de lieu « là-bas », « au loin » et les prépositions « vers » et « jusques » mettent en valeur l'infinité de la ville.

Mais elle est aussi très grande verticalement, comme au vers 3 : « Dressant aux ciels leurs angles droits ». Donc la ville s'étend aussi en hauteur. Et cette ville est tellement grande verticalement, que le soleil ne se voit pas, comme le prouve le vers 22 : « le haut soleil ne se voit pas ». C'est une hyperbole. Aussi, dans le vers 88 : « sa clarté se projette en lueurs jusqu'aux cieux », l'auteur met en valeur la lumière en jouant sur les contrastes. Le vers 4 permet aussi d'insister sur l'effet de grandeur : « jusques au ciel, vers de plus hauts étages ». Une assonance en [a] et une allitération en [g] sont employées pour accentuer le côté imposant de la ville. On retrouve le champ lexical du ciel. L'auteur renforce aussi l'immensité verticale de la ville avec l'assonance en « o » qui rappelle la hauteur. Avec la comparaison « comme d'un rêve, elle s'exhume », l'auteur met en valeur la hauteur de la ville. On se rend compte au fil du poème qu'Emile Verhaeren utilise à chaque vers le pluriel. Cela lui permet d'apporter un éclairage décisif sur la notion d'immensité et de multiplicité des infrastructures. Par exemple : « des ponts », « milliers de toits », « toits, corniches, murailles ». La ville s'étend même dans le sol, dans les souterrains : « des rails ramifiés y descendent sous terre », « comme en des puits et des cratères ». Le vers 48 évoque notamment la profondeur de la ville « dans le vacarme et la poussière ».

Cela montre que la « ville tentaculaire » s'étend à la fois horizontalement et verticalement. On en déduit que la ville décrite est gigantesque. Nonobstant le côté imposant et effrayant de la ville, celle-ci dévoile un aspect fascinant, que l'on admire : « désir », « splendeur », « hantise ». Cette énumération met donc l'accent sur les nombreux charmes de la ville.

New York.

New York.

B. Une ville féérique (commentaires de Jean-Daniel, Raphaëlle, Quentin et Lucie)

Ainsi la ville a aussi une dimension féérique. On peut vérifier cette idée notamment grâce à l'évocation des infrastructures de la ville. Grâce aux ponts qui sont personnifiés dans ce texte : « ce sont des ponts musclés de fer, lancés, par bonds, à travers l'air », le poète met en valeur le progrès industriel et donne l'impression que la ville est vivante et qu'elle s'étend toute seule. Les trains sont également source de féérie : « filent les trains, vole l'effort/Jusqu'aux gares, dressent, telles des proues, / Immobiles, de mille en mille, un fronton d'or/Des rails ramifiés y descendent sous terre. » L'allitération en [r], la comparaison à un navire, l'hyperbole et l'évocation de la couleur dorée permettent de glorifier le train et la gare. Celle-ci est en or. De plus l'allitération en [r] appuie sur l'impression de rapidité et de grandeur. La ville est glorifiée, mise en avant, grâce aux touches de couleurs et de lumière. Les mots « espoir », « splendeur », créent le désir et le rêve dans le poème. Enfin, la ville s'étend jusqu'au ciel grâce aux lumières, comme le souligne le mot « sa clarté ». La ville apparaît comme une lumière magique s'étendant à l'infini.

Le poète évoque le « rêve » comme dans les contes de fées. Le poète a l'air fasciné par la ville. Il décrit un paysage lumineux : « sa clarté se projette en lueur ». La ville est féérique, comme le prouve l'expression : « œufs de pourpre ». Elle apparaît donc comme un lieu magique. L'évocation du gaz : « son gaz myriadaire en buissons d'or s'attise », avec l'allitération en [s] rappelle aussi l'aspect féérique de cette ville enchantée et mystérieusement vivante en dehors de toute présence humaine.

Singapour.

Singapour.

      1. Une ville source de peur

 

A. Un monde fantastique (commentaires de Lyna, Yasmine, Miranda, Lysa, Alexian et Martin)

Ainsi l'auteur apporte un éclairage décisif sur une ville qu'il nous décrit comme fantastique. Pour commencer, il insiste sur le côté animal de la ville. Il la compare à une pieuvre : « c'est la ville tentaculaire » (vers 49). Cette métaphore renforce la férocité de la ville et de la société urbaine, comme le souligne le vers 97 : « la pieuvre ardente et l'ossuaire », qui met en valeur une ville dangereuse, qui se nourrit des humains, de leurs bonheurs. C'est ce que nous prouve aussi la métonymie et l'énumération des vers 54-56 : « Les mains folles, les pas fiévreux/ La haine aux yeux/Happent des dents le temps qui les devance ». En effet, le peuple est en pleine révolution industrielle. Leur train de vie est le même. Ils marchent à la chaîne : « les pas fiévreux ». Ils sont épuisés.

L'auteur appuie également sur le côté obscur, diabolique, de la ville : « clarté rouge » (vers 17), et « brûlent encore » (vers 20), ce qui renforce le côté péjoratif de la description. Nonobstant la ville renferme un côté mythologique : « Sphinx » et « Gorgones » (vers 10) semblent l'habiter, ce qui renforce le la dimension ténébreuse, monstrueuse et fantastique de cette ville. Le poète met en lumière un paysage fantastique. Il y a d'étranges créatures qui désignent en réalité les sculptures décorant les ponts de cette ville. La ville décrite nous fait ainsi penser aux Enfers. La ville est sombre et ténébreuse et on pourrait croire que les chemins qui mènent à la ville sont en fait les chemins qui mènent aux Enfers, comme le suggère notamment l'évocation du mot « brumes » au vers 2, et le mot « tombereaux » au vers 32. Des éléments dans cette ville sont personnifiés : les navires « hurlent de peur » (vers 28), « ponts musclés de fer » (vers 7), « filent les trains » (vers 42). La ville elle-même est personnifiée.

C'est donc le registre fantastique qui est utilisé dans ce poème car le poète est à la fois fasciné par la ville qui « domine » (vers 85) et terrifié par la ville qui représente les Enfers. A travers ce poème, l'auteur cherche à retranscrire l'atmosphère inquiétante de la ville. La comparaison avec les Enfers : « sous-sols de feu » (vers 34) et la personnification au vers 28 : « hurlent de peur dans le brouillard », insistent sur le côté effrayant et terrifiant de la ville. Le poète ajoute des touches morbides : « ossuaire », « carcasse solennelle » pour impressionner le lecteur. La ville est sombre et macabre. Dans ce paysage fantastique, l'humanité n'est plus qu'un détail. Elle n'est que l'engrenage de la machine. Une révolution est peut-être en marche. La « démence » devient omniprésente chez les humains faisant ainsi penser à des démons.

 

La ville d'Emile Verhaeren commenté par la Seconde 12

B. Une ville provoquant la déshumanisation (commentaires d'Alexis, Matthieu, Camille, Kacper, Hugo, Tissylia, Chloé, Sarah D et Sarah E)

De surcroît, Emile Verhaeren évoque la déshumanisation des habitants par la ville. Les humains deviennent inhumains. La ville déshumanise les habitants, car ils apparaissent déchaînés, comme le prouve l'exemple suivant : « démence » (vers 64). L'écrivain met l'accent sur la rage et le déchaînement des humains dans le texte. On dirait que le poète évoque une révolution comme le suggère l'extrait suivant : « la haine aux yeux » (vers 55). Il décrit la foule comme agitée, comme nous le montre levers 54 : « les mains folles, les pas fiévreux ». A cause de l'architecture, on ne voit plus les humains. C'est ce que suggère l'auteur quand il décrit « Et les bureaux louches et faux, et les banques battent des portes » aux vers 62-63. On dirait un lieu hanté. Les humains disparaissent au profit des lieux qui deviennent vivants. Les humains sont comme inexistants, comme si la ville ôtait la vie à ses habitants.

Aussi les humains font comme partie de l'arrière-plan. L'architecture est plus présente que les humains. L'auteur met en valeur une ville qui déshumanise grâce à l'utilisation d'adjectifs qualificatifs péjoratifs : « mornes et noirs », « sombres ». L'écrivain insiste donc sur l'obscurité et les ténèbres de cette ville. Le poète les associe au décor. Il nous le montre au vers 53 : « Et ses foules inextricables ». Le poète montre que les humains ont adopté un comportement grégaire. L'auteur s'appuie sur la folie des humains à cause de la fatigue et du monde : « folles » (vers 53) et aussi à cause du bruit : « vacarme » (vers 48). Le poète évoque les humains en les démembrant grâce aux métonymies : « mains » (vers 54), « yeux » (vers 55) et « dent » (vers 56). Les humains sont comme fragmentés, pour montrer la dépersonnalisation qu'ils subissent en évoluant dans cette ville. Ils n'ont plus de visage ni d'identité. L'homme n'est plus du tout décrit en tant que personne normale.

Au terme de cette analyse, le processus de déshumanisation est mis en place. Cela nous fait penser à la société actuelle avec les mutations industrielles et techniques. On a un sentiment d'enfermement. La ville est oppressante : « la rue et ses remous comme des câbles noués autour des monuments ». La comparaison nous fait ressentir de l'étouffement. Le poète évoque les comptoirs, les bureaux ou encore les banques comme des lieux abandonnés, vides. La ville est déserte et sombre, mais pleine à la fois. Pour conclure, l'auteur insiste sur l'inhumanité de l'homme dans cette ville.

La ville d'Emile Verhaeren commenté par la Seconde 12
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