La Fortune des Rougon : dossier de lecture de Thomas en seconde 16 première partie
Cette œuvre d’Ernest Meissonier est un tableau intitulé « La barricade, rue de la Mortellerie, juin 1848 » ou « Souvenir de guerre civile ». Il a été réalisé en 1848. Il montre des insurgés, morts, tués par les troupes du général Cavaignac. J’ai choisi cette œuvre pour deux raisons. La première, dans le récit de La Fortune des Rougon, des insurgés partent combattre pour la République et certains d’entre eux meurent. La deuxième, c’est que dans ce roman, les personnages sont plus fous les uns que les autres, certains sont même prêt a tuer ou faire du mal pour avoir ce qu’ils veulent avoir. Ce tableau, notamment grâce à son ambiance macabre me rappelle cet aspect du récit.
II / L’interview de l’écrivain Émile Zola
Émile Zola ainsi que le journaliste Alain Terrieur prennent place, face à face. Alain sort ses notes.
« Bonjour M. Zola, comment allez-vous ?
- Très bien ,et vous ?
- Bien, merci. Je vais vous posez une multitude de questions afin que nos auditeurs puissent en découvrir un peu plus sur vous, vos occupations, votre façon d’être. Bref, tout ce qui a un rapport avec votre vie.
- D’accord, j’y répondrai en toute honnêteté.
- Merci à vous. Commençons. Quelle est votre profession actuelle ?
- Je suis écrivain et journaliste.
- Pouvez vous nous faire part de votre date de naissance ?
- Tout à fait, je suis né le 2 avril 1840 au 10 rue Saint-Joseph à Paris.
- Très bien, nous allons procéder par ordre chronologique donc pouvez vous nous raconter comment s’est passé votre enfance, si vous étiez voué à devenir ce que vous êtes aujourd’hui ?
- Lorsque j’étais petit, je vivais avec mon père, François Zola qui était italien, et ma mère, Émilie Aubert qui elle était française, à Paris jusque 1843 où mon père avait décroché un contrat pour la construction d’un système d’amenée d’eau potable à Aix-en-Provence depuis la montagne Sainte-Victoire. En effet, il était ingénieur de travaux publics. Nous avons donc déménagé, nous trois, dans cette magnifique ville d’Aix-en-Provence.
- Nous savons que votre père n’est malheureusement plus parmi nous, comment est-il décédé ?
- Et bien, mon père était bon travailleur, droit et sympathique mais il fut atteint d’une pneumonie en 1847 et il succomba de celle-ci le 27 mars 1847 peu de temps après le début de la construction du projet duquel il était responsable de construction.
- Qu’en est-il de ce projet après cette triste nouvelle ?
- Le barrage, sans responsable de construction, fut abandonné à l’ouvrage et les créanciers (personne à qui quelqu’un doit une somme d’argent) poursuivirent la société du canal en justice. Je me rend donc ensuite, avec ma mère, à Paris en 1851 pour suivre les actions en justice contre Jules Migeon et les créanciers qui se disputent la société du canal Zola. La société sera bradée aux enchères le 10 mai 1853 et rachetée par ses créanciers.
- Triste nouvelle donc. Ce fut dur après, sans revenu ?
- Oui, tout à fait, ma mère s’occupait de moi à l’aide de ma grand-mère, Henriette Aubert, comme elle pouvait. D’ailleurs, Henriette m’a beaucoup influencé mon œuvre et ma vie quotidienne.
- Dure période pour votre mère, j’imagine. Faites-vous des rencontres à l’école ? Des gens qui vous auraient aider à surmonter cette période ?
- Bien sûr, au collège à Aix-en-Provence, je rencontre Jean-Baptistin Baille et Paul Cézanne. Paul m’a appris les arts graphiques et la peinture à cette époque.
- Vous nous parlez d’arts tels que la peinture mais quelle place prend la littérature dans votre vie de jeune garçon ?
- Et bien, il s’avère que j’étais passionné par la littérature et j’aimais énormément lire. Je dévorais tous les livres que je trouvais. De plus, j’envisageais déjà d’écrire à titre professionnel. En sixième j’avais déjà rédigé mon roman sur les croisades que mes amis avait beaucoup apprécié. D’ailleurs, ils m’avaient dit un jour que j’allais devenir un écrivain reconnu ce qui est le cas aujourd’hui.
- Il est vrai. Vous évoluez après cela et cherchez de l’inspiration je présume.
- Tout à fait, je vais tout d’abord rejoindre ma mère à Paris en espérant y trouver le succès et je me cultive et m’inspire en lisant Molière, Shakespeare et Montaigne ou bien même Jules Michelet qui va beaucoup m’inspirer pour le coté scientifique et médical.
- Quelles études suiviez-vous à cette époque ?
- Je tentais d’obtenir mon baccalauréat universitaire en sciences car j’ai échoué à deux reprise en 1859… J’avais honte d’avoir déçu ma mère et je pensais surtout à mon avenir, qui sans diplôme allait être compliqué.
- D’accord. J’imagine que lorsqu’on a 19-20 ans, on cherche son âme-sœur, aviez-vous trouvé votre bonheur à cette époque ?
- Oui, bien sûr. Je me suis attaché à une certaine Berthe qui était une femme de joie plus communément appelée prostituée. J’ai tenté en vain de la sortir de ses méthodes de travail peu orthodoxe en lui redonnant goût au travail. Cette petite histoire m’a permis d’écrire mon premier « vrai » roman « La Confession de Claude ».
- Intéressant. Aviez-vous d’autres occupations, d’autres choses auxquelles vous vous intéressiez ?
- La peinture, j’aimais beaucoup le monde de la peinture car j’étais proche du mouvement impressionniste. J’ai pu, grâce à l’intérêt que je portais à cet discipline artistique, me rapprocher d’Édouard Manet qui va me représenter plusieurs fois dans ses œuvres. Grâce à lui, je vais connaître Stéphane Mallarmé et je vais être proche de Camille Pisarro, Auguste Renoir, Alfred Sisley et Johan Barthold. Je côtoyais aussi Paul Cézanne, mon ami d’enfance avec qui je vais échanger une correspondance riche et nous allons même nous entraider financièrement. Malheureusement, en 1886, notre amitié se rompt suite au fait que Paul croît se reconnaître dans un personnage de mon roman « L’Oeuvre », Claude Lantier qui est un peintre raté, mauvais. Il n’avait pas trop apprécié et nous ne nous sommes plus revus depuis cela.
- Comment faites-vous pour vous introduire dans le monde du travail après cela, sans diplôme ?
- Et bien je vais me débrouiller et trouver un poste en tant qu’employé aux docks de la douane en avril 1860. Malheureusement, ce travail ne m’avait pas plu et j’ai donc décidé de démissionner au bout de 2 mois.
- Que faites-vous ensuite ?
- J’ai été près de 2 ans sans emploi, cette période m’était dure moralement et financièrement jusqu’à ce que je parvienne à entrer en contact avec Louis Hachette qui va m’embaucher comme commis dans la librairie le 1er mars 1862.
- Vous restez longtemps employé chez Hachette ?
- Oui, je suis d’abord naturalisé français le 31 octobre 1862 et ensuite je vais rester 4 ans au service de publicité chez Hachette car je multipliais les contacts avec le monde littéraire.
- C’est donc une opportunité pour vous de vous faire plus connaître, non ?
- Si, bien sûr, j’y ai appris toutes les techniques du livre et de sa commercialisation, j’y ai découvert l’idéologie positiviste (s'en tient aux relations entre les phénomènes et ne cherche pas à connaître leur nature : met l'accent sur les lois scientifiques et refuse la notion de cause) et anticléricale (opposé à l’influence et à l’intervention du clergé dans la vie publique). Et puis, en travaillant dur
pendant mon temps libres, je parviens à faire publier mes premiers articles et mon premier livre « Contes à Ninon » en 1864.
- Vous commencez donc à avoir un nom reconnu. Cela doit attirer les femmes à l’époque, non ?
- Oui, tout à fait, je rencontre Éléonore Alexandrine Meley fin 1864. Elle est née le 23 mars 1839 à Paris et était la fille d’une marchande et d’un ouvrier typographe. Je lui ai même fait un portrait, intitulé « L’amour sous les toits » dans « Le Petit Journal ».
- Le fait de travailler avec des journaux vous apporte-t-il quelque chose ?
- Bien sûr, je travaillais avec les journaux sur des critiques littéraires et artistiques et ceci m’a permis de publier rapidement mes textes et les lecteurs ont pu rapidement voir mon talent. Comme je l’ai souvent dit, c’est un levier qui permet de se faire connaître et d’augmenter ses rentes. C’est d’ailleurs pour ça que je conseille à toute les personnes voulant se lancer dans la littérature de faire de même.
- Vous pouvez nous donnez des exemples de journaux avec qui vous avez travaillé ?
- J’ai travaillé avec « l’Événement » où j’ai tenu deux chroniques, avec « l’Illustration » avec qui j’ai réalisé deux contes qui vont rencontrer un certain succès et après cela j’ai contribué à beaucoup plus de journaux tels que « La Cloche », « Le Figaro », « Le Voltaire », « Le Sémaphore » et le « Bien public ».
- Quels types de littérature publiiez vous à cette époque dans ces différents journaux ?
- J’ai publié une centaine de contes et tout mes romans en feuilletons, je pratiquais aussi un journalisme polémique où je pouvais m’exprimer et faire part de mes goûts, mes haines, mes positions esthétiques et mes politiques.
- A partir de quand quittez-vous le cocon familial ou plutôt maternel ?
- Je quitte ma mère en 1865 et j’emménage avec ma compagne dans le quartier des Batignolles , secteur où se situent les principaux organes de presse. Françoise, ma mère ne voulait pas que je m’unisse à mon âge avec Alexandrine ce qui a retardé de 5 ans notre mariage. Ce fut une période assez dur financièrement car ma femme a été obligée d’effectuer plusieurs travaux afin que l’on puisse manger à notre faim.
- Quelle a été votre réaction face à ce manque d’argent ?
- Et bien j’ai profité de la libéralisation de la presse en 1868 pour intervenir de plus en plus dans la presse politique car c’était dans ce style de littérature que j’étais le mieux côté. J’arrive ensuite à entrer dans l’hebdomadaire républicain « La Tribune » où je vais critiquer ouvertement l’Empire. C’est d’ailleurs dans le journal « La Cloche » que je vais être le plus critique et le directeur de ce journal va admirer cette insolence que je mettais à disposition dans mes textes.
- Vous n’aimiez pas trop l’Empire donc. Qu’en est-il de votre mariage du coup ?
- Non, pas vraiment. Mon mariage fut célébré le 31 mai 1870 à la mairie du XVIIIe arrondissement de Paris. Alexandrine me plaisait beaucoup me soutenait dans mes moments de doute, c’était une femme en or et c’est pour cela en partit que je l’ai épousée.
- Cette date était la veille du conflit franco-prussien, vous êtes mobilisés pour défendre votre pays ?
- Non, je ne suis pas mobilisé et je n’ai pas pu intégré la Garde nationale non plus car j’étais myope et je possédais le statut de soutien de famille pour ma mère. J’ai donc pu voir le Second Empire s’écrouler ce qui n’était pas une mauvaise chose.
Comment avez-vous fait pour échapper au siège de Paris ?
- Ma femme ma convaincu de fuir Paris pour aller à Marseille en septembre. J’ai ensuite pris la route pour Bordeaux en décembre afin de me faire nommer sous-préfet d’Aix-en-Provence ou de Castelsarrasin étant donné que la délégation gouvernementale siégeait là bas. Je n’ai finalement pas pu et me suis donc engagé comme secrétaire du ministre Alexandre Glais-Bizoin.
- Vous restez à Bordeaux après le siège ?
- Non, nous retournons à Paris en mars 1871 et j’ai pu reprendre mon travail à « La Cloche » qui était contre la Commune qui contrôle Paris.
- Vous n’aviez pas peur de vous faire arrêter pour avoir travailler avec ce journal ?
- Non mais ce qui devait arriver arriva. Je me fais arrêter le 20 mars 1871 et me fait relâcher le 21 mars 1871. Après cela, la Commune interdit certains journaux de publier ce qui me scandalise. On m’avait même menacé d’être pris comme otage ! J’ai donc logiquement pris la fuite avec ma famille avant de revenir à Paris fin mai, après l’écrasement de la Commune et la terrible Semaine sanglante. Ceci m’avait complètement dépassé et j’ai décidé d’écrire le 3 juin 1871, dans « La Sémaphore de Marseille » un texte à propos du peuple de Paris.
- C’est à ce moment que votre période littéraire politique est encrée donc ?
- Oui tout à fait, je continue mon acharnement en m’attaquant aux ténors de l’Assemblée. Je les trouvais trop peureux et manipulés par Thiers.
- Vous vous arrêtez là ensuite ?
- Oh que non. De février 1871 à août 1872 je produis des chroniques parlementaires sous le titre de « La République en marche » qui étaient publiées, à l’époque dans « La Cloche » et le « Sémaphore de Marseille ».
- Est ce que ces nombreux actes journalistiques politiques vous on apporté quelque chose ?
- Bien sûr, ils m’ont permis de me faire connaître du monde politique et d’y fonder des grandes amitiés. Cela m’a aussi enrichit politiquement et j’ai ensuite utilisé ces connaissances dans mes romans.
- Vous risquiez quelque chose à cette époque par rapport aux lois ?
- Oui, j’ai d’ailleurs été arrêté deux fois mais ensuite relâché dans la même journée.
- N’aviez-vous pas été tenté de rejoindre ce monde politique en devenant maire ou autre ?
- Non, pas du tout, cela ne m’intéressait en aucun cas. Je voulais garder une certaine liberté surtout à ce moment ou je m’opposais radicalement à l’Ordre moral. D’ailleurs, une des œuvres qui me servait à le critiquer fut interdit de vente dans les gares, c’était le quatrième roman de ma série « Les Rougon-Macquart ».
- Vous défendiez d’autres points politiques en plus de ceci ?
- Oui, je défendais les communards amnistiés par les lois de 1879 et 1880 notamment en évoquant les exclus de la Révolution de 1848 dans Le Ventre de Paris . Je soutenais aussi Jules Vallès pour qu’il puisse publier ses textes pour défendre ceci.
- Et que se passe-t-il ensuite ?
- Ils furent mes derniers articles politiques car je m’attaquais à l’histoire des Rougon-Macquart durant les 22 prochaines années.
- Comment faites-vous pour vous lancer dans ce projet ?
- Et bien je vais créer plusieurs amitiés dans beaucoup de milieux notamment dans le domaine artistiques et littéraires et je vais fuir le milieu politique. Je mettais déjà lié d’amitié avec les frères Goncourt puis en 1871 j’avais rencontré Gustave Flaubert qui me fera connaître, lors de réunions dominicales, Alphonse Daudet et Ivan Tourgueniev. Je me sentais très bien dans ce groupe d’amis et le fait d’en parler me rend nostalgique… J’ai aussi créé quelques liens avec Guy de Maupassant, Paul Alexis, Joris Karl-Huysmans, Léon Hennique et Henry Créard. C’était le « groupe des six » avec qui j’ai pu rédiger les « Soirées de Médan » en 1880.
- Qu’est ce que tout ceci vous a permis de faire ?
- Ce travail si l’on peut l’appeler comme cela, m’a permis de publier, durant cette période, un roman par an, de multiples collaborations journalistiques et des pièces de théâtre.
- Vous sortez donc de votre difficulté financière, non ?
- Oui, bien sûr, je n’ai plus eu de problèmes à ce niveau grâce à l’énorme succès de L’Assommoir en 1877.
- Vous avez une idée de vos revenus à cette époque ?
- Je gagnais entre quatre-vingts et cent mille francs par an.
- On peut dire que vous êtes donc riche ?
- Non, à cause de mes deux foyers et ma mère, que j’avais à charge, les baisses de ventes de mes romans m’amenaient une fois ou l’autre à la difficulté financière bien qu’elles ne soient le plus souvent que momentanées. Après ces quelques problèmes, j’ai pu vivre tranquillement jusqu’aujourd’hui. Si vous voulez des chiffres, j’atteignais, en 1995, la somme de cent cinquante mille francs par an.
- Quels étaient vos principaux engagements ?
- J’étais beaucoup engagé dans des causes sociales, littéraires et artistiques qui me semblaient justes. J’étais à l’époque contre l’Empire et c’est de là qu’est né la série des Rougon-Macquart qui vise l’Empire satiriquement et politiquement. Malgré quelques censures que j’ai subit venant de la République, ce gouvernement est le seul juste et possible.
- Après cela c’est une période dure qui fait surface. Pouvez-vous nous en dire plus ?
- Oui, même si cela risquerait de me faire laisser une petite larme… En effet, l’année 1880 est une année très difficile pour moi. Pendant cette année, Edmond Duranty et Gustave Flaubert nous ont quittés. Et à la fin de cette même année, ma mère rend l’âme elle aussi. J’ai rapidement plongé dans une dépression.
- Se fut une dure période donc… Mais pendant ce temps, la série des Rougon-Macquart vous fait gagner beaucoup d’argent.
- Effectivement, j’atteins l’autonomie financière grâce à elle ce qui me permet de cesser mon travail de journaliste. Pour montrer à tout le monde que cette période journalistique est finie pour moi, je publie des « adieux » dans lesquels je fais le bilan de mes quinze années de combat dans la presse.
- J’ai une question que tout le monde se pose ici : Comment étiez vous si productif ?
- Pour être productif, il faut être organisé et avoir une force de travail de grande envergure. J’ai donc créé mon propre emploi du temps afin d’être un minimum encadré et pouvoir entreprendre mes nombreux projets.
- Pouvez vous nous décrire une de vos journée a cette époque ?
- Bien sûr. En général, à Médan, après un lever à sept heures, une rapide collation et une promenade d'une demi-heure en bord de Seine avec mon chien Pinpin, j’enchaînais ma première séance de travail, qui s'étendait sur environ quatre heures, et produisais cinq pages. Mes après-midi était consacré à la lecture et à la correspondance.
- Vous gardez cet emploi du temps jusqu’à maintenant ?
- Non, pas du tout avec mes enfants j’ai du changer tout cela. Mais j’ai aussi, en 1888, à la veille de mes 50 ans, eut une remise en cause de mon existence… J’avais envie de nouveau et j’ai donc commencé à tromper ma femme pour une certaine Jeanne Rozerot que j’aimais plus que tout. C’est d’ailleurs avec elle que j’ai eu mes deux enfants, Denise en 1889 et Jacques en 1891.
- Vous cachiez donc cette relation à votre épouse ?
- Oui, tout à fait, malheureusement, en novembre 1891, Alexandrine découvre ma relation avec Jeanne.
- Comment réagit votre épouse, Alexandrine ?
- Elle le prend très mal ce qui est logique, nous frôlons quasiment le divorce mais malgré sa déception envers moi, elle sera indulgente et s’occupera même des enfants qui n’étaient pas les siens. Quant à Jeanne, elle va accepter son statut de « femme cachée » et nous allons continuer de vivre ensemble. Ce qui a été dur ensuite, c’est d’organiser ma double vie en partageant mon temps entre Alexandrine et Jeanne. J’avais même écris un petit quelque chose sur cet aspect de ma vie il me semble...
- (Alain cherche dans sa paperasse) Oui, je l’ai ici dans mes notes, vous aviez dit, je cite : « Je ne suis pas heureux. Ce partage, cette vie double que je suis forcé de vivre finissent par me désespérer. J'avais fait le rêve de rendre tout le monde heureux autour de moi, mais je vois bien que cela est impossible. ».
- Effectivement, je me sentais très mal à ce moment. En plus de ça, mes réussites et scandales m’avaient fait perdre certains amis comme Dauget ou les Goncourt. Ils s’étaient mis à cinq pour m’attaquer et me critiquer sur mon nouveau roman qui se nommait La Terre . Ces romanciers me reprochaient la niaiserie sur les leçons d’hérédité, le superficiel de mes observations, le discours décadent et ils m’avaient même dit que « le maître est descendu au fond de l’immondice ».
- Quelle a été votre réaction ?
- J’ai décidé de ne pas répondre mais la presse s’était occupée de me défendre sur cela. J’ai ensuite décroché la croix de la Légion d’honneur pour mon talent et mes œuvres . Je me fais décoré le 13 juillet 1888.
- Cela a plu à tout le monde ?
- Non, les Goncourt, Daudet et surtout Octave Mirbeau qui à écrit un article à mon sujet l’intitulant « La fin d’un homme ». Mais cela ne m’a pas empêché de devenir officier de la Légion d’honneur le 16 juillet 1893 grâce à Raymond Poincaré. Malheureusement je suis suspendu cinq ans, le 26 juillet 1898 plus tard à cause de l’affaire Dreyfus que nous allons bientôt aborder. Après j’ai été élu président de l’association « Société des gens de lettres » de 1891 à 1900.
- Vous étiez investi dans celle-ci ?
- Oui, je prenais mes fonctions très à cœur, j’intervenais régulièrement dans la presse pour présenter mon organisation et ses valeurs. J’arrive à faire protéger certaines œuvres etc.
- C’est ensuite un grand moment de votre vie qui survient, l’affaire Dreyfus. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
- Oui, bien sûr. Déjà, il faut contextualiser la chose, l’affaire Dreyfus est un conflit social et politique de la Troisième République autour d’une accusation de trahison fait au capitaine Alfred Dreyfus. Comme ce conflit était majeur, il y avait deux camps en France, les « dreyfusards » qui était pour l’innocence du capitaine et les « antidreyfusards » qui étaient partisans de sa culpabilité. J’interviens donc dans cette affaire à la fin de l’année 1897, l’antisémitisme dans celle-ci m’a incité à m’engager en faveur des juifs. J’écris notamment plusieurs articles comme « Le syndicat » et « Procès-verbal ».
- Que décidez-vous de faire ensuite ? Vous vous arrêtez la ou bien vous continuez ?
- Un nouvel évènement me force à continuer, Walsin Esterhazy qui était le véritable traître a été dénoncé puis jugé par un conseil de guerre à Paris, le 10 janvier 1898. Il est ensuite acquitté le lendemain alors qu’Alfred Dreyfus lui a été condamné même s’il est totalement innocent et victime d’un complot. J’ai donc énergiquement réagit.
- Qu’avez-vous fait ?
- J’avais préparé depuis plusieurs semaines un résumé de cette affaire, initialement intitulé « Lettre à M. Félix Faure, Président de la République » qui sera publié le 13 janvier 1898 dans « L’Aurore » en changeant de titre pour « J’accuse... », titre plus percutant.
- Quel en a été le succès ?
- Un très gros succès, trois cent mille exemplaires vendus en quelques heures. C’était la première synthèse de l’affaire Dreyfus donc, logiquement, le public s’est directement jeté sur ceci.
- L’État a-t-il réagit lui aussi ?
- Oui, le gouvernement m’a assigné pour diffamation.
- Vous êtes donc jugé.
- Bien sûr, ce procès était une véritable bataille juridique que j’ai perdu même si j’avais un bon avocat, Fernand Labori.
- Quelles sont vos condamnations et amendes ?
- Je suis condamné à un an de prison et à 3000 francs d’amende, la peine maximale. C’est Octave Mirbeau qui paiera tout cela de sa poche le 8 août 1898.
- Que se passe-t-il après cela ?
- Je me refais jugé suite à une demande de pourvoi en cassation. Le procès est repoussé au 18 juillet et Labori me conseille de quitter la France pour l’Angleterre avant la fin du procès, ce que je fais. Je m’exile donc au soir du verdict, avant que je sois officiellement signifié.
- Combien de temps restez-vous exilé ?
- Je reste à Londres pendant onze mois, la justice était très lentes. La décision qui était positivé est rendue le 3 juin 1899 et le lendemain, je ne perdis pas de temps, je rentrais déjà à Paris.
- Comment avez-vous continué à soutenir M. Dreyfus ?
- Et bien je lui ai écrit une lettre le 30 juin 1899 pour lui apporter tout mon soutien car il allait être jugé le 7 août 1899 dans un second conseil de guerre.
- Que faites-vous pour lui au cours de son jugement ?
- Je ne vais pas intervenir publiquement mais je vais écrire quelques articles notamment sur la tentative d’assassinat de l’avocat Fernand Labori qui était l’un des avocats de Dreyfus.
- Qu’en est-il de Dreyfus ?
- Alfred sera finalement gracier du fait de son état de santé. J’aurais contesté la loi d’amnistie prévue par la Chambre des députés pour lui.
- Tout ces évènements vous ont affecté, quelles en étaient les conséquences ?
- Les conséquences étaient à la fois positives et négatives pour moi. On m’a considéré comme étant un justicier pour mes services apportés concernant la justice et la vérité au vu d’un grande partie de la population. Mais, sur le plan financier, j’avais beaucoup perdu. La justice avait fait saisir mes biens et les a vendus aux enchères et j’avais écopé de quelques amendes. De plus, les journaux antidreyfusards se sont mis à me critiquer grâce à plusieurs articles satiriques, à des caricatures, à des chansons et à des livrets me rabaissant, m’insultant, me diffamant.
- Avez-vous regretté les choix que vous aviez fait ?
- Non, je n’ai absolument rien regretté, tous mes choix étaient les bons et visait à défendre une bonne cause.
- C’est ensuite la fin de votre vie littéraire, non ?
- Oui, tout à fait, cela sera mon dernier cycle littéraire, je vais écrire Les Quatre Évangiles publié en 1899, suivit de Travail , publié en 1901 au moment ou disparaissait mon ami de toujours, Paul Alexis. Ensuite, viendra Vérité qui sera ma dernière œuvre publiée. Il me restait Justice que je n’ai jamais publié car je n’avais pas le temps de le faire.
- Vous ne vous prêtiez plus qu’à la littérature à ce moment ?
- Non, j’aimais beaucoup la photographie suite à ma visite à l’exposition universelle de 1900.
- Vous n’aviez pas le rêve d’intégrer l’Académie française ?
- Oui, j’ai été refusé de nombreuses fois et je n’ai jamais réussi à l’intégrer malheureusement.
- Comment imaginez vous votre future mort ?
- Je pense mourir un 29 septembre 1902, à Paris au 21 bis, rue de Bruxelles, dans mon appartement à cause d’une combustion lente résiduelle d’un feu couvert produite dans la cheminée de ma chambre qui aurait provoqué chez moi une intoxication. Je pense décéder à 10 heure du matin et mon épouse survivrait.
- A votre avis, qu’est ce que cela pourrait laisser croire aux citoyens vous connaissant ?
- Et bien je pense que beaucoup d’entre eux penseront que c’est un assassinat. Quant à la presse, ses nombreux articles sur moi auront des répercussions émotionnelles sur tout le pays voire plus et on organiserait des cérémonies en mon hommage. De nombreux écrivains écriraient pour montrer l’homme que j’étais.
- Vous souhaitez être enterré ?
- Non, j’aimerais être brûlé et qu’on transfère mes cendres au Panthéon.
- Qu’en est-il de vos biens ?
- J’aimerais que mes demeures deviennent des musées ou des expositions et qu’on puisse se remémorer à travers mes biens et mes œuvres l’homme que j’étais.
- Très bien, je vais maintenant vous poser une multitudes de questions plus précises. Pouvez-vous nous parler de vos principaux romans ?
- Oui, tout à fait, mes œuvres les plus connues sont quasiment toutes tirées de ma série Les Rougon-Macquart cette série est destinée à décrire une famille sous le Second Empire à l’aide de 20 romans comme La Fortune des Rougon qui nous montre une famille dont les membres sont obsédés par leurs désirs qui sont pour certains l’argent, l’alcool ou le sexe et pour d’autres le pouvoir ou la reconnaissance. Nous retrouvons aussi Germinal qui nous montre l’histoire des mineurs travaillant dur pour gagner un maigre salaire pendant que la haute société vit dans le luxe. Et enfin, je qualifierais Au Bonheur des Dames comme étant connu. Ce roman accentue les différences sociales à travers une histoire sentimentale notamment grâce aux « grands magasins », innovation du Second Empire.
- D’accord. Qu’est ce que le naturalisme pour vous ?
- Pour moi, c’est lorsque nous racontons une histoire sans avoir de réel héros, en mettant tout le monde dans le même sac si je puis dire. C’est aussi un mouvement littéraire qui introduit la méthode des sciences humaines comme l’aspect social, l’aspect sentimental etc dans les œuvres. C’est lorsqu’on écrit les phénomènes naturels, ce que l’on constate dans la vie et qui est naturel justement.
- Quelles sont vos principales sources d’inspiration ?
- J’ai beaucoup été inspiré par des membres de ma famille comme ma grand-mère, Henriette Zola ou alors par des amis proches comme Paul Cézanne.
- Très bien. Merci à vous pour votre temps et vos réponses à nos questions et à bientôt
- Aucun souci, merci de m’avoir invité. Au revoir. »