Les Contemplations de Victor Hugo : dossier de lecture de Chloé en seconde 16. Première partie
1 / Interview de Victor Hugo
CHLOE L, journaliste pour « l’Écho de Cassini » : Madame, monsieur bienvenue dans cette édition exclusive consacrée aux « Monstres Sacrés » de notre chère littérature française ! Pour nous accompagner, nous recevons aujourd'hui un invité spécial, irréfutable génie du romantisme : Monsieur Victor Hugo. Bonjour Monsieur Hugo, merci de nous accorder un moment de votre précieux temps.
VICTOR HUGO : Bonjour. Je vous en prie, c'est bien naturel.
C : Bien ! Pour commencer, pourriez-vous vous présenter un peu ? Quand et où êtes vous né ?
VH : Je suis né de Léopold et Sophie Hugo, le 26 février 1802, à Besançon.
C : Vous nous parlez-là de vos parents... en étiez-vous proches ?
VH : Je ne crois pas avoir été véritablement désiré. Mes parents avaient déjà deux fils, mes frères Abel et Eugène. Ils souhaitaient à présent une fille, voyez-vous. « Proche », ne me semble donc pas être un adjectif réellement adéquat. Cela dit, j'estimai beaucoup ma mère, malgré sa farouche opposition à mes noces avec Adèle. (il sourit) Cela ne m'a pas empêché de l'épouser.
C : Vous épousez donc Adèle Foucher, en octobre 1822, et ce contre l'avis de vos parents. Parlez nous d'elle. Quelles étaient vos relations ?
VH : Elle était d'abord une amie. Puis je l'ai aimée. C'est un schéma classique, j'en conviens. Notre mariage battait de l'aile, parfois, et nous avons chacun eu des liaisons. Mais Adèle restera toujours chère à mon cœur, et une éternité ne serait probablement pas suffisante pour la remercier de m'avoir offert cinq beaux enfants.
C : C'est très touchant ! Pouvez-vous à présent nous en apprendre un peu plus sur votre enfance, votre jeunesse ?
VH : Sans prétentions, on ne peut dire que j'eus un début d'existence facile !
Enfant, ma santé était fragile. Ma mère passait donc beaucoup de temps à mon chevet. Je me souviens que nous dormions souvent ensemble.
En 1813, je déménageai en Espagne. Mon père ayant été affecté en tant que militaire, là-bas. Eugène, Abel et moi fréquentions un pensionnat religieux. Un peu plus tard je changeai à nouveau d'adresse, uniquement avec mes frères et ma mère, qui s'était séparée de mon père pour rejoindre son amant -mon parrain- à Paris. Nous y habitions une maison, rue des Feuillantines.
En 1815, j'entrai à la pension Cordier. J'y avais un maître d'études, qui relisait et corrigeait mes premiers écrits. On peut, dès lors, parler je pense, des balbutiements d'une vocation. (il sourit)
C : Avez-vous suivi un cursus particulier ? Avez-vous été formé ?
Jusqu'en 1818, j'étudiai au Lycée Louis-le-Grand. J'y suivais une formation afin de devenir polytechnicien, mais j'ai finalement choisi de renoncer. Comprenez bien que j'écrivais en parallèle depuis de nombreuses années, et il me paraissait inconcevable de cesser. Voyez-vous, j'avais idée de devenir « Chateaubriand ou rien » ! (il rit)
C : On peut donc dire que vous avez été influencé par Chateaubriand. Quelles sont vos autres sources d'inspiration ?
VH : Effectivement, on peut citer Chateaubriand. Mais j'admire aussi beaucoup Lamartine, Voltaire ou encore Shakespeare.
C : Il nous faut donc remercier ces grands auteurs d'avoir fait de vous ce que vous êtes. Savez-vous à quel point vous avez marqué la littérature française à jamais ? On parle de vous comme le « chef du romantisme ». Comment définiriez-vous votre place dans ce courant ?
VH : Et bien, aussi surprenant que cela puisse paraître je n'ai pas toujours considéré mon œuvre comme complètement romantique. A mes débuts, je me plaçai plutôt à mi-chemin entre cela et le classicisme. En 1822 , je publiai un recueil de poésies, Les Odes, puis deux romans de ce genre : Han d'Islande et Bug-Jargal, respectivement publié en 1823 et 1826. Cependant, j'ai par la suite évolué dans le romantisme.
C : Vous ne nous citez ici qu'une infime partie de votre œuvre. Selon vous, quelles sont celles qui ont le plus marqué le paysage français, voir mondial ? Celles dont vous êtes le plus fier ?
VH : Comment ne pas parler du Dernier Jour d'un condamné ou de Notre Dame de Paris ? Mais en étant tout à fait sincère avec moi-même, je sais pertinemment que les Misérables est le roman le plus célèbre de ma bibliographie. Je ne m'attendais pas à un tel impact en l'écrivant. Rendez-vous compte, des élèves comme vous l'étudient encore de vos jours ! (il sourit) C'est aussi celui qui a connu le plus de traductions et un nombre assez impressionnant d’adaptations en tout genre. J'avoue en être assez fier.
C : Ah oui, en effet, les élèves comme moi étudient – ou devrais-je dire s’arrachent encore les cheveux sur vos œuvres... Blague à part, ce sont tous là des romans aux sous-textes très social. Vous nous faites part de votre vision assez péjorative de la société de votre époque. Aviez-vous en tête de changer les choses ? Parlez-nous de votre engagement politique.
VH : Et bien... la disparition de ma fille Léopoldine, en 1843, m'a tenu éloigné de la littérature durant un moment (il marque un temps). Je me suis alors rapproché de la politique. Oh ne pensez pas que j'y étais complètement indifférent auparavant, j'ai simplement mis en application ce que je pensais depuis fort longtemps. Cependant je ne prétends pas détenir la science infuse. Je ne suis qu'un homme, et comme tout homme, mes opinions ont changé au fil du temps et de l'expérience.
Au début de ma carrière politique, je soutenais les Bourbons. En 1845, le roi m'a donc nommé à La Chambre des Pairs. Je dois avouer que je m'y suis très légèrement fait remarquer. Voyez, je trouvais que la peine de mort et les injustices sociales étaient à abolir d'urgence dans une société moderne. Or, ces idées n'étaient pas aux goûts de tout le monde. Que voulez-vous Mademoiselle, l'Homme a une fâcheuse tendance à toujours vouloir rallier ses pairs à sa cause...
Par la suite le pouvoir a été renversé en 1848, et jusqu'en 1851, je fut élu député de Paris. Je siégeais à la droite de l’Assemblée et était partisan de Louis-Napoléon Bonaparte. Voilà donc un exemple type que n'importe qui commet des erreurs ! J'ai fini par rejoindre la gauche, ne supportant plus les idées réactionnaires de Bonaparte. J'ai fondé un journal, l’Événement, avec mes fils Charles et François-Victor et plusieurs amis, dans lequel nous condamnions fermement la politique de cet homme. Je crois que nous pouvons nous vanter d'être les rédacteurs ayant reçu le plus de condamnations pour un journal ! (il rit). Tout fut chamboulé après le coup d'État de Bonaparte, en décembre 1851. Je ne peux toujours pas croire qu'un homme si tyrannique ai pu ainsi dominer la France...
J'ai alors tenté d’organiser une résistance, mais cela a malheureusement échoué. J'ai dû fuir et m'exiler, d'abord à Bruxelles, puis à Jersey et Guernesey dans les Îles Anglo-normandes. C'est d'ailleurs en exil que j'ai écrit Les Contemplations, ou Les Misérables !
C : Et bien quel périple ! Vous rentrez ensuite en France, où vous y terminez vos jours à Paris, le 22 mai 1885, victime d'une congestion pulmonaire. Avez-vous souffert ? Était-ce un soulagement pour vous d'enfin trouver le repos ? Qu'avez-vous pensé de votre inhumation au Panthéon ?
VH : … Je ne me souviens pas avoir souffert outre mesure, mais ma mémoire me joue sans doute des tours. La cérémonie d'inhumation était très belle, je ne pensais pas y voir autant de personnes et j'avoue être honoré de reposer au Panthéon. Quant à ma supposée quiétude, la mort est en effet plutôt reposante, hormis bien sûr quand une jeune élève décide de venir m'assaillir de questions. (il sourit). D'ailleurs, n'est-ce pas un peu étrange de vouloir interviewer un mort ?
C : Ce n'est pas comme si j'avais le choix vous savez... pour les idées saugrenues, adressez vous à mon professeur ! Et puis vous trouvez réellement bizarre de parler à un mort ? Vous, Victor Hugo ? Je vous trouve culotté ! Spiritisme, tables tournantes... ça vous parle, non ?
VH : Ne prenez pas la mouche, jeune fille ! (il rit) En effet, j'avoue avoir eu un attrait pour ce domaine. Mais c'est très intéressant, vous savez ? Tenez, par exemple, je me souviens avoir de nombreuses fois invité le Christ à ma table... Et après tout, la spiritualité n'est elle pas l'un des maître mot du romantisme ?
C : Oui, je vous l'accorde ! Bien, c'est sur cette note ma foi singulière que nous nous quittons. Merci beaucoup Victor Hugo pour votre temps et vos réponses.
VH : Tout le plaisir fut pour moi.