Blaise Pascal, "Les deux infinis" Texte complémentaire
Année scolaire 2018-2019 – Lycée Cassini (Clermont-de-l'Oise)
Niveau première – Première S4
Objet d'étude : écriture poétique et quête du sens, du Moyen-Age à nos jours
Séquence 2 : Alien (1979) de Ridley Scott
Textes complémentaires : Blaise Pascal, Les Pensées, « Les deux infinis »
SYNTHESE
- Une apologie du christianisme destinée au libertin
Les Pensées s'inscrivent dans un projet global d'apologie du christianisme. Une apologie est un éloge, un discours visant à défendre, à justifier et à glorifier quelqu’un ou quelque chose. Pascal n’a jamais eu le temps d’achever son œuvre. Les Pensées sont une collection de fragments.
Pascal s’adresse au libertin, c’est-à-dire à un homme qui ne croit pas en Dieu.
- Humilier l’être humain pour le préparer à l’humilité chrétienne
Pascal veut ruiner la confiance de l’homme en ses propres capacités. Il veut faire connaître à l’homme son impuissance, pour le contraindre à capituler, et pour l’inciter à se convertir. Il faut humilier l’être humain pour le préparer à l’humilité qui est une vertu de la foi chrétienne. Tout le projet de Pascal consiste à préparer le lecteur à recevoir la grâce. Pascal a conscience qu'il ne peut pas convertir son lecteur ; mais il peut le persuader qu'il n'est pas absurde de croire et il peut le préparer à une éventuelle descente de la grâce.
- Convaincre et persuader pour bouleverser le lecteur grâce à une rhétorique incandescente
Pascal adopte pour cela une double stratégie : il cherche d’abord à convaincre son lecteur par un raisonnement rigoureux, à l’aide de démonstrations ; mais il cherche aussi à séduire le lecteur, à l’émouvoir, voire à le bouleverser en lui donnant le vertige. Il veut étourdir son lecteur. Pascal étourdit le libertin en soulignant le paradoxe : l'homme est à la fois grand et misérable : il est grand face au « néant », au microcosme, et misérable face à l’univers, le macrocosme. Mais ces deux univers sont deux infinis entre lesquels l’être humain se trouve.
Pascal utilise à la fois les outils pour convaincre et les techniques pour persuader. Comme l’imagination chez l’être humain est infinie, à la différence de la raison, il faut non seulement utiliser des arguments rationnels, mais encore utiliser les sentiments et les émotions du lecteur. Vers la fin du texte, Pascal ne cherche plus à convaincre son lecteur : il cherche avant tout à embraser son cœur. D’où une rhétorique incandescente qui permet d’imaginer un être humain perdu entre deux infinis, enfermé dans l’infini, comme les héros du film Alien :
- L’injonction au subjonctif présent : « Que l’homme contemple…qu’il éloigne…qu’il regarde…que la terre lui paraisse…qu’il s’étonne »
- L’accumulation
- Le parallélisme anaphorique à travers la répétition de «que » : cela permet d’interpeler le lecteur qui se sent secoué en quelque sorte par l’auteur qui démontre et montre l’infinité de l’univers et la disproportion entre l’univers et l’être humain. Cela permet aussi de donner au texte la force d’une prière. Cela fait penser à une formule sacrée pour renforcer la méditation du lecteur.
- Les antithèses : « point » / « vaste tour », « pointe très délicate »/ « les astres qui roulent dans le firmament », « trait imperceptible » / « ample sein de la nature », «Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout. »
- Les hyperboles : « nous n'enfantons que des atomes, au prix de la réalité des choses.», « c'est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu, que notre imagination se perde dans cette pensée. »
- La métaphore : « C'est une sphère dont le centre est partout, la circonférence nulle part »
- Les phrases interrogatives : « Qu'est-ce qu'un homme dans l'infini ? »
« Car enfin qu'est-ce que l'homme dans la nature ? »
- Pascal : un poète ?
Face à ce travail sur le style, certaines phrases font penser à des versets bibliques et on pourrait assimiler ce texte, pourtant démonstratif, reposant sur une argumentation directe, à de la prose poétique.
Cette prose poétique permet d'égarer le lecteur dans l'immensité où il est englouti. Il s'agit de faire perdre pied dans un réel où l'on se croyait en sécurité. On peut parler de poétique de l'effraction : le but est de s'emparer de l'âme du lecteur en provoquant le vertige et l’angoisse, comme dans Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, et comme dans Alien de Ridley Scott.