Louise Ackermann , « Bel astre voyageur »
Année scolaire 2018-2019 – Lycée Cassini (Clermont-de-l'Oise)
Niveau première - Première S4
Objet d'étude : Ecriture poétique et quête du sens, du Moyen-Age à nos jours
Séquence 2 : Alien (1979) de Ridley Scott
LECTURE ANALYTIQUE 6
Texte 1 : Louise Ackermann (1813-1890), Poésies philosophiques (1871), « Bel astre voyageur »
Commentaire établi à partir de la copie d'Alex et Lucas
Introduction
Je présente l'auteur :
- Louise Ackermann est une poétesse française
- d'origine picarde, elle naît et vit à Paris
- son père l'initie à Voltaire
- vit une enfance solitaire
- découvre dès son jeune âge les poètes romantiques
- Victor Hugo lui donne des conseils pour composer ses vers
- sa mère s'oppose à ses ambitions littéraires
- obtient l'autorisation d'étudier un an à Berlin
- vit un mariage heureux mais bref : son époux décède après 3 ans de mariage
- ses écrits révèlent l'amour de la solitude, des études et de l'humanité
Je présente l’œuvre :
- ce recueil date de 1874
- œuvre marquée par un certain pessimisme romantique
- exprime dans cette œuvre sa révolte contre la souffrance humaine
- affirme dans cette œuvre que la vérité et le sens de l'existence demeurent à jamais inconnus
Je présente le poème
- poème qui questionne le sens de l'existence humaine à travers un dialogue sans réponse avec une comète
- le spectacle de la comète est un prétexte à une contemplation et à une méditation philosophique sur la condition humaine, ses limites, sa précarité et ses souffrances
- poème au lyrisme original puisque la poétesse se fait la porte-parole de l'humanité
Je présente la problématique : comment la poétesse montre-t-elle la vision de la comète pour rappeler l'existence éphémère de l'homme ?
J'annonce le plan :
- La description et le voyage de la comète
A. La description de la comète
B. Le voyage de la comète
- L'existence éphémère de l'existence humaine
A. L'existence éphémère de l'homme
B. La durée cosmique de la comète
- La description et le voyage de la comète
A. La description de la comète
Tout d'abord, l'auteur évoque la description de la comète Elle la décrit notamment en utilisant le champ lexical de l'astronomie, comme le prouvent les termes suivants : « bel astre » (vers 1), « astre errant et rapide » (vers 14), « profondeurs du ciel » (vers 2), « espace infini » (vers 13). Ensuite l'écrivain utilise le présent de l'indicatif (« arrives », « pousse », « vogues » pour rendre plus présente la comète et renforcer le lien entre la comète et l'auteur, comme en témoignent les pronoms personnels et déterminants possessifs suivants : « toi » (vers 4), « ton » (vers 5). Le tutoiement renforce l'impression d'une relation très fusionnelle entre elle et la comète. L'auteur met en lumière un sens, celui de la vue, comme le prouvent les mots suivants : « regard » (vers 5), « oeil » (vers 11). Ici, l'écrivain renforce la personnification de la comète. La poétesse éprouve de l'admiration envers cette comète car elle développe une description méliorative de cet astre : « bel », « rapide ». La poétesse qualifie également la comète à l'aide d'une périphrase laudative, comme le montre le vers suivant : « Bel astre voyageur » (vers 1). Ici, la poétesse exprime un sentiment d'admiration envers cette comète voyageuse.Ce sentiment d'admiration est renforcé à l'aide de l'utilisation du verbe « contempler ». Le rythme lent du poème accentue cette contemplation et cette fascination de la poétesse pour la comète.
De plus, Louise Ackermann évoque le thème du voyage dans ce poème. Pour nous le démontrer, elle utilise le champ lexical du voyage, comme le suggèrent les termes suivants : « voyageur » (vers 1), « vogues » (vers 4), « route » (vers 5), « chemin » (vers 13), « séjour » (vers 10). Cela nous montre le parcours de la comète à travers l'espace. L'auteur se sert d'une métaphore pour rapprocher le monde humain de la comète, comme nous le prouve le vers suivant : « Toi qui vogues au large en cette mer sans rives » (vers 4). Ici, elle compare l'espace à un océan infini, ce qui permet de renforcer l'idée de l'immensité de l'espace. L'écrivain utilise des questions pour accentuer la dimension infinie de son voyage, comme nous le montrent les vers suivants : « Où vas-tu ? » (vers 3), « Quel dessein pousse vers nous tes pas ? » (vers 3), « avons-nous des frères ? » (vers 7), « T'ont-ils chargé pour nous de leur salut lointain ? » (vers 8). Ici, l'auteur accentue la personnification de la comète en accumulant les phrases interrogatives, ce qui renforce aussi l'idée de voyage lointain, car les questions restent sans réponse.
De surcroît, l'auteur évoque dans son poème l'existence éphémère de l'homme. Elle utilise le futur antérieur au vers 10 : « L'homme aura disparu » et le terme générique « l'homme », pour désigner l'être humain, ce qui signifie qu'elle se place sur une scène philosophique. Dans ce vers, l'auteur formule l'hypothèse très probable de la disparition de l'homme avant celle de la comète. Louise Ackermann utilise un euphémisme, une allitération en [s] et une assonance en [é] dans le vers 12 : « Si ce globe épuisé s'est éteint solitaire ». L'auteur se sert de cet euphémisme pour nous montrer que la Terre va disparaître avant la comète. Cela renforce dès lors l'éphémérité de l'homme, puisqu'on envisage que le lieu de son séjour n'est pas éternel. L'assonance en [é] et l'allitération en [s] permettent d'insister sur les mots « épuisé », « éteint » et « solitaire ». Cela permet d'accentuer la fragilité et la faible durée de vie de l'espèce humaine. L'écrivain évoque la destruction terrestre, comme le prouve le vers suivant : « un regard de pitié sur le théâtre vide » (vers 15). Ici, l'auteur nous décrit un univers sans la planète Terre et donc sans homme. Cela accentue la précarité de l'homme. Les termes de « vide » et de « pitié » permettent en outre de souligner la vacuité de l'existence humaine, qui n'est rien face à l'infini, et de mettre en avant la misère de la condition humaine, d'où de la compassion. La tonalité pathétique prédomine dans cette méditation mélancolique axée sur les limites temporelles de l'existence humaine.
En outre, l'auteur évoque la durée de vie importante de la comète dans son poème. La temporalité de la comète n'est pas du tout à la même échelle que celle de la vie humaine et terrestre. C'est ce qu'indique l'auteur avec l'utilisation du futur de l'indicatif dans le vers 9 : « Ah ! Quand tu reviendras, peut-être de la Terre ». Dans ce vers, l'écrivain formule l'hypothèse du retour de la comète à l'aide du verbe « revenir » et de l'adverbe modalisateur « peut-être ». Ce vers précède le vers 10 : « L'homme aura disparu ». Cela met en lumière la durée de vie importante, à l'échelle cosmique, de la comète, par rapport à celle de l'espèce humaine. Ensuite Louise Ackermann utilise le terme de « retour » dans le vers 11 : « Si son œil ne doit pas contempler ton retour ». Ici, l'auteur se sert du retour comme pour nous montrer le cycle saisonnier qui est éternel, pour nous montrer que la comète n'échappe pas à la destruction du temps, par opposition à la vie humaine et terrestre. Cela renforce l'idée de vie infinie de la comète qui est accentuée au vers 11 par une antithèse entre l'homme et la comète. Elle utilise aussi la négation « ne doit pas » pour insister sur l'éphémérité de l'homme. Ainsi, tout le poème repose sur une opposition ou une disproportion entre l'existence humaine et la vie terrestre, qui sont mortelles et éphémères, et la comète, éternellement en mouvement dans l'espace infini.
Au terme de ce parcours, Louise Ackermann montre la vision de la comète pour rappeler l'existence précaire et limitée de l'homme en utilisant les registres lyrique et pathétique, et une antithèse entre l'homme et la comète. Nous pouvons rapprocher ce texte d'un poème d'Alphonse de Lamartine qui s'intitule « L'infini dans les cieux », composé en 1830, extrait du recueil Harmonies poétiques et religieuses. On retrouve en effet dans ces deux poèmes la contemplation de l'univers, la fascination et l'admiration pour la beauté du cosmos, la métaphore de la mer pour désigner l'espace infini, et l'idée de disproportion entre l'univers illimité et l'être humain limité dans l'espace et dans le temps. Mais, alors que le poème de Louise Ackermann est à la fois pessimiste et mélancolique, le poème de Lamartine est une célébration, non seulement de l'univers infini, mais encore de l'être humain qui, malgré sa petitesse et sa fragilité, est un écho et un miroir de cet univers, à travers l'expérience romantique du sublime : face à l'infini, l'homme prend conscience qu'il n'est rien, mais la prise de conscience de ce néant le rend supérieur à l'univers.