10 raisons de (re)voir Buffy The Vampire Slayer

Publié le par Professeur L

Les acteurs de Buffy The Vampire Slayer (1997-2003), 20 ans après la première saison.

Les acteurs de Buffy The Vampire Slayer (1997-2003), 20 ans après la première saison.

Pendant le confinement, 6ter rediffuse chaque après-midi des épisodes de la série Buffy The Vampire Slayer (1997-2003) de Josh Whedon. Voici 10 raisons de (re)voir cette série qui a bouleversé le monde du petit écran.

 

1. Une encyclopédie de la science-fiction et du fantastique

La série réinvestit toutes les créatures imaginaires propres au fantastique et à la science-fiction : les vampires, loups-garous, zombies, spectres, esprits frappeurs, démons, mondes parallèles... On retrouve le réinvestissement de plusieurs archétypes du merveilleux, comme la Belle et la Bête ou Barbe-bleue, et de plusieurs mythes littéraires, comme Dracula, docteur Jekyll et Mister Hyde, ou Frankenstein.

La cour du lycée Torrence en Californie, qui sert de décor au lycée fictif de Sunnydale où se déroule la série.

La cour du lycée Torrence en Californie, qui sert de décor au lycée fictif de Sunnydale où se déroule la série.

 

2. Un mélange des genres qui montre que l'adolescence est un monde fantastique !

La série se caractérise d'abord par une juxtaposition entre une série collège et une série fantastique. L'héroïne est une adolescente plutôt frêle, une blonde adolescente qui essaie de poursuivre ses études le jour tout en étant condamnée la nuit à pourchasser les vampires parce qu'elle est « l'élue », c'est-à-dire la seule à pouvoir empêcher le mal de s'établir sur terre.

            On a une combinaison entre la comédie des mœurs adolescentes et l'épopée menée par Buffy contre les forces du mal. Ce personnage paradoxal, à la fois faible et fort, quelconque et exceptionnel, permet à la série de multiplier les renversements. Ces renversements ou inversions créent à la fois des effets comiques et une dimension subversive. Tout se passe comme si la série collège était la face inversée de la série fantastique. Le fantastique est l'envers du lycée (et de l'université).

L'entrée principale du Torrence High School qui sert de décor à la série.

L'entrée principale du Torrence High School qui sert de décor à la série.

 

3. Pour la première fois, le monde souterrain (underground), envers du monde à la surface, est sur scène, et cela s'entend !

La musique participe de l'inversion comme principe esthétique dans la série. Alors qu'on pouvait s'attendre à des musiques d'horreur, à bases de nappes sonores et synthétiques, de sons d'orgue et de violoncelles par exemple, on a, dès les premières secondes du générique, un morceau de punk rock interprété par le groupe californien Nerf Herder. De même, alors que dans une série destinée aux adolescents, on pouvait s'attendre à une musique facile, d'accompagnement, lisse et non provocatrice, la série va au contraire privilégier la scène rock indépendante de Californie. C'est l'undergroud qui est mis au devant de la scène, au mépris des courants mainstream.

Le classique est subverti par le rock et les artistes locaux, indépendants, sont sous les feux des projecteurs, dans une série pourtant produite par Warner Bros. Le souterrain est sur scène, et les courants dominants sont marginalisés.

            Ainsi de nombreux artistes peu connus vont faire des performances filmées au Bronze, qui est le lieu de rendez-vous de la jeunesse de Sunnydale, et qui sera le lieu de nombreux phénomènes surnaturels et affrontements avec les vampires. Bien que rarement mis en avant, des artistes célèbres, tels que Sarah McLachlan, Blink, Third Eye Blindet, The Dandy Warhols, ont pu être entendus dans la série, et certains, comme Aimee Mann, Angie Hart, Cibo Matto, Michelle Branch et K's Choice, sont même apparus à l'écran jouant sur la scène du Bronze.

 

Aimee Mann joue dans l'épisode "Sleeper" de la saison 7.

Aimee Mann joue dans l'épisode "Sleeper" de la saison 7.

 

4. La série dévoile l'envers du décor : sous la bibliothèque, la Bouche de l'Enfer !

Chaque lieu a son envers. Dans les trois premières saisons, le lycée de Sunnydale correspond en réalité au Torrance High School, qui avait déjà servi de décor à la série Beverly Hills. Il s'agit d'un lieu lumineux, attaché à l'image d'une jeunesse dorée et insouciante, mais qui va en réalité être le lieu de nombreux événements surnaturels. Le lycée va être le réceptacle de la plupart des phénomènes monstrueux. C'est principalement au lycée que les héros vont devoir affronter les forces du mal.

            Le lieu névralgique est la bibliothèque, gérée par le mentor de Buffy, Giles. La bibliothèque, lieu qui rassemble le savoir de l'humanité, est construite juste au-dessus de l'envers de l'humanité, le monde des monstres et des forces de l'ombre, la Bouche de l'Enfer. La bibliothèque et le lycée symbolisent le savoir, la connaissance, la culture. La Bouche de l'Enfer est juste en dessous. La Bouche de l'Enfer symbolise tous les désirs refoulés et toutes les pulsions inconscientes que vont devoir affronter au fur et à mesure de chaque épisode les héros.

"Le développement de la civilisation nous apparaît comme un processus d'un genre particulier qui se déroule « au-dessus » de l'humanité, et dont pourtant maintes particularités nous donnent le sentiment de quelque chose qui nous serait familier. Ce processus, il nous est possible de le caractériser au moyen des modifications qu'il fait subir aux éléments fondamentaux bien connus que sont les instincts des hommes, instincts dont la satisfaction constitue cependant la grande tâche économique de notre vie." Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, 1929.

"Le développement de la civilisation nous apparaît comme un processus d'un genre particulier qui se déroule « au-dessus » de l'humanité, et dont pourtant maintes particularités nous donnent le sentiment de quelque chose qui nous serait familier. Ce processus, il nous est possible de le caractériser au moyen des modifications qu'il fait subir aux éléments fondamentaux bien connus que sont les instincts des hommes, instincts dont la satisfaction constitue cependant la grande tâche économique de notre vie." Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, 1929.

 

5. La victime traditionnelle devient le chasseur de monstres

Dans les récits d'horreur ou fantastiques traditionnels, ou même dans les contes, comme dans le mélodrame, la victime est souvent une jeune fille pure. La pureté de la jeune fille est souvent signifiée par sa blondeur. Dans Le Petit Chaperon rouge, comme dans de nombreux récits fantastiques, la jeune fille, passive, subit l'agression d'un monstre. Elle est pourchassée par une créature de la nuit. Ici, c'est l'inverse : ce n'est plus le monstre qui pourchasse la jeune fille blonde, c'est la jeune fille blonde qui pourchasse le monstre. La princesse mince, fluette et pure est devenue une combattante redoutable.

            Le personnage de Buffy, incarné par Sarah Michelle Gellar, est un personnage paradoxal. Ses capacités physiques de combattante remettent en cause tous les stéréotypes de la jeune adolescente blonde qui veut être pom-pom girl et reine du bal au lycée.

            C'est la première fois qu'une jeune adolescente assume ce genre de rôle.

Buffy Summers, héroïne de la série, incarnée par Sarah Michelle Gellar.

Buffy Summers, héroïne de la série, incarnée par Sarah Michelle Gellar.

 

6. La femme n'est plus un corps-objet.

Dans les récits traditionnels, le corps de la femme est objectivé. C'est un corps-objet, réceptacle et proie des désirs masculins. C'est encore le cas dans de nombreux épisodes de la série où Buffy doit sauver des jeunes filles de la prédation masculine. L'adolescente élimine épisode après épisode tous les monstres atroces et redoutables qui surgissent de la Bouche de l'Enfer.

Mais le corps de Buffy est tout sauf érotisé dans la série. Ce qui est érotisé au contraire, c'est le corps des amants de Buffy : parmi ceux-ci, deux vampires.

            Une histoire d'amour impossible lie en effet d'abord Buffy, représentante des humains dans le combat contre les vampires, et Angel (David Boreanaz), qui est un vampire repenti. Dans cette histoire d'amour qui réactive le mythe de Tristan et d'Iseut et de Roméo et Juliette, c'est Buffy qui est la figure masculine. Il n'y a pas de femme fatale. Son corps est filmé de façon pudique. Mais Angel est la créature fatale. Il est une sorte d'homme fatal dont le corps est érotisé par la mise en scène et la caméra. Les rôles sont inversés.

            L'érotisation du corps masculin apparaît dans de nombreux épisodes à travers les scènes de torture. A chaque fois, ce sont les hommes qui sont torturés : Angel est torturé par Drusilla, une séduisante vampire ; Xander est torturé à plusieurs reprises par différentes créatures diaboliques qui veulent le sacrifier comme victime expiatoire (c'est Xander-Andromède qui est sauvée par Persée-Buffy) ; et, à la fin de la série, dans la dernière saison, c'est Spike, un vampire repenti, double inversé d'Angel, qui est torturé par les forces du Mal, cette fois dans une posture christique qui met cependant en valeur la nudité fragile du personnage récupéré par Buffy-Marie.

Angel et Buffy, ou l'inversion du corps-objet et du corps-sujet.

Angel et Buffy, ou l'inversion du corps-objet et du corps-sujet.

 

7. L'épopée contre le mal est un prétexte au récit d'apprentissage

 

         Buffy The Vampire Slayer est une série sur le désir. Le mal et les monstres qui s'en dégagent sont le plus souvent la manifestation des désirs plus ou moins refoulés des personnages. Chaque monstre que doit affronter Buffy est une figuration imagée d'une masculinité obsessionnelle. Cette masculinité apparaît même dans les créatures féminines que Buffy doit affronter. On peut voir cette série comme une encyclopédie du fantastique et de la science-fiction, mais également comme un catalogue de machistes.

            Ce qui prévaut dans la série n'est pas tant le combat épique contre le mal que le rapport de chaque personnage à ses propres désirs. Il ne s'agit pas tant dans cette série de combattre le mal que d'apprendre à contrôler et à gouverner ses désirs. Chaque épisode matérialise cette intimité. Les monstres qui apparaissent ne sont que la métaphore des tiraillements du moi. L'intimité est le sujet essentiel du récit. L'intimité mise en spectacle n'est pas seulement celle de Buffy. Les épisodes suivent le cheminement intime de tous les proches de Buffy, comme autant de parcours initiatique où le héros porté à l'écran doit apprendre à gouverner ses désirs.

L'université de Californie à Los Angeles (UCLA) sert de décor à la série à partir de la saison 4.

L'université de Californie à Los Angeles (UCLA) sert de décor à la série à partir de la saison 4.

 

8. Qu'il est bon d'être vivant !

Bien souvent dans la série, les vivants apparaissent plus morts que vivants, et les morts sont plus vivants que les vivants. Par exemple, les collègues de Buffy dans le fast-food où elle travaille dans la saison 6 (épisode 12) sont comme lobotomisés, aliénés, déshumanisés par leurs tâches ingrates, répétitives et dépersonnalisantes. Des figures de vampires apparaissent plus intenses, plus profondes, que bien des vivants dans la série : Angel, Drusilla et Spike ont plus d'épaisseur que les vivants dans leur rapport à la vie, au temps et au désir. Ce sont des morts qui sont plus attachés à la vie que les vivants eux-mêmes. Être vivant, c'est accepter ses désirs.

UCLA. "Ce qui, en revanche, ne se justifie en aucune manière, c'est que la société civilisée soit allée jusqu'à nier ces phénomènes si frappants et si faciles à démontrer. Le choix d'un objet par un individu venu à maturité sexuelle sera limité au sexe opposé, la plupart des satisfactions extragénitales seront prohibées en tant que perversions. Toutes ces interdictions traduisent l'exigence d'une vie sexuelle identique pour tous ; cette exigence, en se mettant au-dessus des inégalités que présente la constitution sexuelle innée ou acquise des êtres humains, retranche à un nombre appréciable d'entre eux le plaisir érotique et devient ainsi la source d'une grave injustice." Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, 1929.

UCLA. "Ce qui, en revanche, ne se justifie en aucune manière, c'est que la société civilisée soit allée jusqu'à nier ces phénomènes si frappants et si faciles à démontrer. Le choix d'un objet par un individu venu à maturité sexuelle sera limité au sexe opposé, la plupart des satisfactions extragénitales seront prohibées en tant que perversions. Toutes ces interdictions traduisent l'exigence d'une vie sexuelle identique pour tous ; cette exigence, en se mettant au-dessus des inégalités que présente la constitution sexuelle innée ou acquise des êtres humains, retranche à un nombre appréciable d'entre eux le plaisir érotique et devient ainsi la source d'une grave injustice." Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, 1929.

 

9. Le mal est en chacun de nous : des monstres humains, et des humains monstrueux.

Dans cette série, il ne suffit pas de venir de la Bouche de l'Enfer pour être mauvais. Pas de manichéisme ici. Les monstres ne sont pas tous du même côté. Certains monstres sont humains, et certains humains sont monstrueux. Quand Angel et Spike récupèrent à tour de rôle leur âme, ils restent vampires mais font preuve d'humanité. Dans l'épisode 9 de la saison 1, une marionnette, soupçonnée d'être diabolique et d'assassiner les gens, est en réalité une créature angélique chargée de combattre les monstres. A l'origine il s'agissait d'un démon qui a subi un sort et qui, prisonnier du corps d'une marionnette en bois, lutte désormais contre les monstres.

            Le maire de Sunnydale, censé être un modèle et un garant de l'ordre moral, est en réalité assoiffé de pouvoir et pactise avec les forces du mal dans la saison 3. De même, dans de très nombreux épisodes, le mal, volontaire ou involontaire, vient des humains eux-mêmes : des étudiants qui veulent sacrifier des lycéennes (saison 2 épisode 5), un lycéen qui veut créer la fille parfaite à partir de morceaux de cadavres de filles qu'il tue au préalable (saison 2 épisode 2), un ami de jeunesse de Giles, Ethan, qui pactise avec les forces du mal et jette des sorts sur les vivants (saison 2 épisodes 6 et 8, saison 3 épisode 6, saison 4 épisode 12 ), Xander qui lance un sort d'amour (saison 2 épisode 16), Cordelia qui formule malgré elle un sort démoniaque (saison 9 épisode 3), Willow qui devient une sorcière diabolique (saison 6 dernier épisode). Dans l'épisode 20 de la saison 2, un entraîneur de natation drogue les garçons de son équipe pour doper leurs capacités, mais chacun meurt dans d'atroces souffrances avant de se métamorphoser en monstres marins. Dans la saison 6, Amy est une ancienne lycéenne qui pousse Willow à se droguer à la magie. Elle bascule définitivement du côté du mal dans la saison 7. Les principaux responsables du mal dans la saison 6 sont trois jeunes hommes qui se font appeler le Trio.

 

Jérôme Bosch (1450-1516), détail de L'Enfer, triptyque du Jardin des délices, Musée du Prado, Madrid, Espagne.

Jérôme Bosch (1450-1516), détail de L'Enfer, triptyque du Jardin des délices, Musée du Prado, Madrid, Espagne.

 

10. Inversion et double jeu : des personnages complexes, humains, trop humains et rien qu'humains

L'inversion entre épopée et intimité, entre féminité et masculinité, entre adulte et enfant, entre la vie et la mort, entre la raison et les désirs, entre la réalité et les cauchemars, aboutit à la création de doubles inversés. Angel est par bien des aspects le double inversé (parmi d'autres dans la série) de Buffy. Vampire et humain à la fois, Angel est tiraillé entre les forces du bien et les forces du mal. Il est au seuil, à la frontières des deux mondes et son parcours consiste à chercher une voie pour se libérer de ce tiraillement sans régresser dans les forces du mal. Il est l'incarnation de la conscience malheureuse.

Buffy est amenée à mourir et à ressusciter plusieurs fois dans la série. A chaque fois, ses amis, notamment masculins, la pleurent. Dans cette série, la figure christique par excellence est féminine.La Pietà (prononcé : [pjeˈta]) est une statue en marbre de Michel-Ange de la basilique Saint-Pierre du Vatican à Rome, représentant le thème biblique de la « Vierge Marie douloureuse » (Mater dolorosa en latin ou Pietà), tenant sur ses genoux le corps du Christ descendu de la Croix avant sa Mise au tombeau, sa Résurrection et son Ascension. Elle est sculptée entre 1498 et 1499.

Buffy est amenée à mourir et à ressusciter plusieurs fois dans la série. A chaque fois, ses amis, notamment masculins, la pleurent. Dans cette série, la figure christique par excellence est féminine.La Pietà (prononcé : [pjeˈta]) est une statue en marbre de Michel-Ange de la basilique Saint-Pierre du Vatican à Rome, représentant le thème biblique de la « Vierge Marie douloureuse » (Mater dolorosa en latin ou Pietà), tenant sur ses genoux le corps du Christ descendu de la Croix avant sa Mise au tombeau, sa Résurrection et son Ascension. Elle est sculptée entre 1498 et 1499.

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