Que dire, que penser de cette atroce vie par Cédric et Robyn
Ma chère Clara, le 09/07/1917
Que dire, que penser de cette atroce vie ?
Depuis que nous nous sommes déployés avec notre infanterie, je me sens sale, dépourvu d'humanité.
Nous nous lavons avec de l'eau de pluie. Nous faisons nos besoins à l'air libre. Nous dormons dans la boue. L'odeur des cadavres nous prend à la gorge, les rats font partie de notre quotidien. Dans nos tranchées, nous marchons sur des cadavres blancs, et sur nos frères noirs américains morts durant les batailles contres les Allemands.
Ces envahisseurs sans foi ni loi veulent envahir nos lignes, supprimer les forces alliées pour avancer jusqu'à Paris.
Je me remémore au milieu de cet effroi notre ancienne vie, quand nous nous réveillions tranquillement, je te réveillais avec le doux son de mon saxo.
Le soir nous allions danser, chanter et jouer de la musique jusqu'au bout de la nuit.
Maintenant les seules choses qui me réveillent sont les rats, les tirs, les cris, les commandants fous qui réveillent les morts et les sons des obus qui éclatent. D'ailleurs te souviens-tu de Mickaël, notre ami ? Un jour, il avançait avec moi lorsque un obus éclata sur sa jambe.
Cette dernière fut broyée et je vis la peur l'envahir, son visage en larmes.
Après cela j'ai vite compris qu'il fallait le ramener dans les tranchées.
Je le pris sur mon épaule et je courus vers nos tranchées, je sentais les balles des Boches me frôler le corps et celui de Mickaël. Je m'arrêtais souvent dans les trous d'obus pour reprendre mon souffle et repartir. Une fois arrivé j'ai appelé les infirmiers et ils le prirent tout de suite en charge.
Heureusement que nous « les Harlem Hellfighters » sommes intervenus, et que nous avons descendu les troupes allemandes. Nos tranchées sont infestées de cadavres français et allemands. Je me vois, je suis en train de devenir un robot, une machine à tuer, une machine de guerre, cela me navre.
Quand je m'endors je rêve de revoir ton sourire et ton corps.
Si par malheur je ne reviens pas, dis à nos enfants que leur père s'est battu pour défendre un pays qui ne nous juge pas sur la couleur de notre peau. Il faut toujours se battre pour ce que l'on croit, défendre ce que l'on aime et prouver qu' une couleur de peau n'est pas plus respectable qu'une autre ni au-dessus d'une autre : nous sommes tous égaux.
J'espère vous revoir bientôt. N'oubliez pas que je vous aime et prenez soin de vous. Je reviendrai en un seul morceau, enfin je l'espère. Vous me manquez je vous aime.
Votre père et mari.