Germinal de Zola, chapitre 3, première partie, commentaire de Chloé M, Lynda et Jean-Daniel
Séance 2 : Extrait du chapitre 3 de la première partie de Germinal - Emile Zola : comment l'auteur parvient-il à montrer que la mine est un monde infernal qui déshumanise les ouvriers ?
Commentaire rédigé par Chloé M., Lynda et Jean-Daniel
Tout d’abord, la description du monde infernal repose particulièrement sur le point de vue interne. Ce dernier nous plonge avec les mineurs dans la mine. Ainsi nous prenons conscience de l’état des lieux et des conditions de travail auxquelles sont confrontés les ouvriers. Premièrement, nous apprenons que l’endroit est sale et poussiéreux, très peu entretenu : « poussières volantes », ce qui est loin d’être agréable pour travailler. De plus, chacun des travailleurs occupe une partie de la mine très mince, comme le prouve l’exemple suivant : « cette veine était si mince, épaisse à peine en cet endroit de cinquante centimètres ». Cet aménagement de la mine pousse les ouvriers à adopter des postures épouvantables, qui peuvent s’avérer dangereuses pour le corps. En effet, en travaillant, ils ont « le cou tordu ». Cela peut devenir dangereux pour le corps humain. Quelquefois, des « éboulements » ont lieu, lorsque le boisage ne tient pas. Cela montre le danger du travail à la mine. Une description précise du corps est utilisée : « taille inclinée », « près de sa tête », « son crâne », « son visage », « le cou tordu », « meurtrit les épaules », « la nuque », « son œil ». Cette dernière prouve que les conditions de travail sont déplorables car le corps humain, la partie vitale, est sans cesse au supplice.
De plus, la mine décrite fait référence aux Enfers. Elle est tellement épouvantable qu’elle est qualifiée de « ténèbres ». C’est une métaphore. Le nom « ténèbres » nous rappelle les Enfers, tout comme la température dans cette mine, qui montait « jusqu’à trente-cinq degrés ». Cet excès de chaleur renforce le lien unissant les Enfers à la mine. Effectivement, la chaleur insupportable qui règne en ce lieu nous renvoie au bagne ou à des endroits surnaturels où les hommes sont condamnés à subir les flammes. Au travail, la température « achevait de lui brûler le sang ». Cette métaphore de la température trop élevée avec le feu renforce la souffrance des ouvriers qui sont comme cuits à petit feu. Une autre expression métaphorique est employée : « Et il semblait que les ténèbres fussent d’un noir inconnu ». Les termes « semblait » et « noir inconnu » provoquent chez le lecteur de l’angoisse, de la peur et de l’inquiétude, car aucun repérage n’est possible, comme dans les Enfers où il est difficile de se repérer car il fait sombre.
Cependant, tous les travailleurs mènent une lutte acharnée afin de s’en sortir face à l’environnement qui les entoure. Ils sont comme insouciants du danger. De ce fait, des verbes d’action péjoratifs comme « entêter », « s’acharner », mais encore « claquer » sont employés dans le but de renforcer l’acharnement et l’emprise de cet univers infernal sur les ouvriers, qui se retrouvent comme impuissants. Par ailleurs, ils doivent résister aux « poussières volantes » et aux « gaz qui pesaient sur les yeux ». Aucune mesure n’a été prise afin d’éviter tout risque d’infection. Cela se révèle alors déplorable car « l’étouffement à la longue devenait mortel ». Cet exemple renforce l’idée du duel qui a lieu entre les mineurs et leur environnement. C’est physiquement qu’ils sont torturés, et c’est durant toute leur journée de travail. Pour finir, dans la majeure partie des phrases, le sujet n’est pas les travailleurs mais les éléments qui les entourent. Ils subissent donc l’action. C’est ce que suggère l’auteur quand il explique que « la roche, au-dessus de lui […] ruisselait d’eau », que « [les gouttes] battaient sa face », ou bien « [qu’une] goutte, s’acharnant dans son œil le faisait jurer ». En employant le verbe « avait beau », Zola insiste sur l’impuissance malgré l’effort de l’ouvrier face à la situation : « Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque : [elles] claquaient sans relâche ». En effet, « au bout d’un quart d’heure » seulement, « il était trempé, couvert de sueur ». On en déduit que l’effort est intense, trop intense pour que le corps humain n’ait aucune séquelle. Cet exemple démontre donc la lutte menée par les ouvriers face à leur environnement quotidien qui les détruit. L’auteur met en valeur cette lutte infernale grâce au point de vue interne et au registre fantastique.
Par ailleurs, à l’aide d’une atmosphère sonore étrange, l’auteur dévoile un aspect essentiel du monde de la mine : le processus de déshumanisation. Pour commencer, nous apprenons que « les rivelaines tapaient à grands coups sourds ». Cette expression met en lumière l’idée de bruit qui insiste sur le manque de communication entre les ouvriers qui travaillent dur et ne s’entendent pas. Ils se retrouvent seuls, face au travail, et « [ils] donn[aient] de grands coups ». Les ouvriers ne sont plus considérés comme des humains, mais comme des machines. Ils se retrouvent là, à effectuer leur tâche, et tapent sur le bloc qui « se brisait » et « roulait en morceaux ». Leur travail est rythmé sur une « sonorité rauque », c’est-à-dire une sonorité rude et âpre, très désagréable à l’écoute. Cela démontre donc le processus de déshumanisation car pour un être humain, la pollution sonore, difficile à supporter, empêche de communiquer et de penser. Les hommes et les femmes sont traités comme inférieurs, leurs supérieurs sont comme indifférents, ils ne se soucient pas de ce qui peut arriver aux mineurs sans leur protection. Cela leur est égal. Cette nuisance sonore est quant à elle marquée de « coups irréguliers, voilés et comme lointains », donc seuls les bruits pénibles du travail résonnent, « sans un écho dans l’air mort ». La métaphore de « l’air mort » permet de souligner l’absence de vie dans la mine. De surcroît, « il n’y avait plus que le halètement des poitrines, le grognement de gêne et de fatigue ». Les termes « halètement » et « grognement » prouvent que les ouvriers sont réduits à deux souffles. D’ailleurs, derrière le nom « grognement », se cache une image animale, car c’est le cas de certains animaux. Enfin, « pas une [seule] parole n’était échangée » est une expression formée d’une négation qui insiste sur l’absence de vie, l’absence de parole à la mine.
En outre, l’auteur fait appel au registre fantastique. Par conséquent, l’irrationnel s’insère dans la réalité. Il provoque la peur et fait hésiter le lecteur entre une explication surnaturelle et une explication rationnelle et logique des phénomènes. Dans un premier temps, Zola affirme que « des formes spectrales s’y agitaient ». Les hommes apparaissent sous la forme de spectres, de fantômes et non plus sous la forme humaine. Les fantômes sont présents dans le fantastique parce que l’on doute de leur existence. Cela accroît donc notre inquiétude. Le verbe « s’y agitaient » vient renforcer la présence d’esprits à la mine. De plus, il suggère que les travailleurs ne sont pas dans leur état habituel, qu’ils ne se comportent pas normalement, cela devient donc effrayant. D’autre part, des « lueurs perdues laissaient entrevoir une rondeur de hanche, un bras noueux, une tête violente, barbouillée comme pour un crime ». Les « lueurs perdues » expriment le manque de lumière naturelle, ce qui est angoissant, car les ouvriers se retrouvent exclus, enfermés dans le Voreux, tout comme ils sont exclus de leur société. Aussi, dans l’énumération de la « hanche », du « bras », et de la « tête », nous constatons que les membres sont désarticulés. De ce fait, les mineurs ne sont plus considérés comme de véritables humains. A cela s’ajoute le mot « tout » qui permet de désigner les ouvriers et qui accentue le manque d’intérêt apporté aux ouvriers, qui se retrouvent comme anonymes. Cela met l’accent sur le concept de déshumanisation. L’adjectif qualificatif « violente » et le nom « crime » appartiennent au champ lexical de la violence et donc insistent sur le manque d’humanité ou bien d’empathie envers autrui.
Pour finir, les hommes sont assimilés à des insectes. Ils ne sont pas traités comme ils devraient l’être. C’est ce que cherche à démontrer l’auteur quand il explique : « ainsi qu’un puceron pris entre deux feuillets d’un livre, sous la menace d’un aplatissement complet ». Cette métaphore des personnes travaillant à la mine avec le puceron révèle leur fragilité, mais surtout elle révèle que la classe ouvrière est considérée comme des animaux.