La Mort des amants de Charles Baudelaire par Quentin, Annaëlle et Ornella
Paul Gauguin, L'Esprit des morts veille, huile sur toile, 1892, Galerie d'art Albright-Knox, Buffalo, Etat de New-York, USA.
Ce texte est un poème de Charles Baudelaire, intitulé "La Mort des amants", extrait du recueil intitulé Les Fleurs du Mal, publié en 1867. C'est un sonnet, composé de deux quatrains et de deux tercets. Les vers sont décasyllabiques. Ce poème est d'abord tragique, mais l'auteur réussit à atténuer cette dimension fatale. Comment Baudelaire parvient-il à atténuer la réalité tragique de la mort pour la rendre plus douce ? L'analyse se déploie en trois mouvements : tout d'abord la dimension tragique, puis l'atténuation de ce registre, et enfin l'émergence du registre fantastique qui donne l'impression que les amants continuent de vivre même après leur mort.
La Cellule d'or d'Odillon Redon, 1892. Odilon Redon, pseudonyme de Bertrand Redon, né le 20 avril 1840 à Bordeaux et mort le 6 juillet 1916 à Paris, est un peintre et graveur symboliste français. Son art explore les aspects de la pensée, la part sombre et ésotérique de l'âme humaine, empreinte des mécanismes du rêve.
Tout d'abord, l'auteur emploie principalement le registre tragique grâce au champ lexical de la mort : "tombeaux", "flammes mortes", "chaleurs dernières". Il accentue aussi ce registre grâce à la comparaison : "Des divans profonds comme des tombeaux", qui accroît encore l'idée de la mort. Au derniers vers, "les miroirs ternis" reviennent sur "les miroirs jumeaux", pour montrer la mort qui a submergé les âmes. De plus, l'oxymore "les flammes mortes" donne l'impression que la vie recommence après la mort, comme une renaissance. Le passage "viendra ranimer" affirme l'idée de renaissance. Cet oxymore appuie l'idée d'inversion entre la vie et la mort. La mort devient finalement la vie. Cet oxymore fait aussi référence à la métaphore du vers 6 : "Nos eux cœurs seront deux vastes flambeaux", car cette mort qui a submergé les âmes a éteint la flamme de la vie et peut-être celle de l'amour. Au dernier vers, la personnification "flammes mortes" donne au lecteur l'impression que l'amour des deux amants est cependant tellement fort qu'il reste vivant. Le registre tragique est complété par le registre élégiaque au vers 11 : "Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux", qui amplifie encore l'idée de mort tragique associé à une tonalité pathétique et élégiaque, comme le suggère le terme de "sanglot" dont la force est soulignée par l'adjectif qualificatif "long". Tout semble pathétique et tragique dans ce poème qui décrit la mort d'un couple.
Cependant, l'auteur atténue le tragique de son poème grâce au registre lyrique, avec notamment le champ lexical de l'amour : "nos deux cœurs", "rose", "miroirs jumeaux". Les métaphores du vers 8 : "Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux" comparent deux âmes identiques et montrent la fusion de leur amour. Baudelaire joue également avec les rimes de son poème pour rendre la mort moins cruelle et dramatique, en juxtaposant des antithèses : "tombeaux" avec "plus beau", "dernières" avec "lumières", "flambeaux" avec "jumeaux", et "adieux" avec "joyeux". Grâce à ces antithèses, l'auteur donne l'impression au lecteur que la mort est plus douce. La rime suivie "bleu mystique" et "un éclair unique" montre l'intensité, la pureté et l'unicité de leur amour. De surcroît, la mort est atténuée par sa description méliorative "fidèle et joyeux", comme si la mort rendait les amants heureux.
En outre, le fantastique surgit à la dernière strophe avec "un Ange entr'ouvrant les portes, viendra ranimer, fidèle et joyeux, les miroirs ternis et les flammes mortes". Dans ces vers, les portes peuvent être celles du paradis, les miroirs les âmes deux deux amants et les flammes l'image de leur amour. Cela donne l'impression que le couple s'aime et s'aimera toujours malgré la mort. L'Ange représente donc le pont entre les barrières de la vie et de la mort, celui qui peut aider le couple à continuer de s'aimer dans l'au-delà.
Dans son poème, Baudelaire atténue le point de vue tragique grâce au registre lyrique. Il permet de rendre la mort plus belle et plus douce pour le lecteur. C'est aussi grâce à l'amour fusionnel et infini des amants que leur mort devient moins tragique et plus belle. Tout l'amour qu'ils se transmettent affaiblit l'idée tragique de la mort. Ce poème se rapproche du roman Tristan et Iseut d'après Thomas et Béroul, puisque ce sont deux amants qui se réunissent dans la mort pour vivre un amour fusionnel et éternel.