L'Ecriture ou la vie : le martyre de Maurice Halbwachs par Lise

Publié le par Professeur L

L'Ecriture ou la vie : le martyre de Maurice Halbwachs par Lise

Année scolaire 2021-2022 – Lycée Cassini (Clermont de l’Oise)

Niveau terminale – Humanités Littérature et Philosophie

L’humain en question : la violence de l’Histoire

 

Support : Jorge Semprun, L’Ecriture ou la vie (1994), chapitre 1 : « Le regard »

 

Question d’interprétation littéraire : comment l’auteur parvient-il à rendre sa dignité au mourant ?

 

            Copie de Lise

 

            L’auteur, Jorge Semprun, est un écrivain français d’origine espagnole résistant durant la Seconde Guerre mondiale. Il fut déporté au camp de Buchenwald. Dans son récit autobiographique intitulé L’Ecriture ou la vie, il relate son expérience durant et après le camp avec des jeux d’analepses et de nombreuses remises en question. Dans cet extrait, le narrateur tente d’accompagner son ami vers la mort du mieux qu’il peut, en faisant de lui un homme, de même que de nombreux poètes, comme Apollinaire, Verhaeren ou Aragon, ont rendu hommage à leurs frères d’armes morts à la guerre. Comment parvient-il à rendre sa dignité au mourant ? D’abord par l’expression de la vie encore présente, puis par le passage vers la mort qui s’installe.

 

 

            L’expression de la vie apparaît d’abord dans un premier temps par un moment de fraternité entre les deux hommes, marqué par l’intimité, dans un lieu où c’est normalement impossible, comme le témoignent les verbes d’action par exemple dans ce passage : « J’avais pris la main d’Halbwachs ». « Une voix amie » met en lumière la complicité des deux hommes et la compassion que ressent le narrateur à l’égard de son ami, un sentiment d’égal à égal. La fraternité est également perceptible par les sens, notamment le toucher ou les jeux de regard : « son regard sur moi » accentué par les virgules, permettant de prendre le temps d’entendre chaque mot. L’expression de la fraternité est également visible lorsque le narrateur commence à réciter le poème de Baudelaire. Cela crée une réaction chez son ami : « moins flou, semble s’étonner ». Ils sont tous les deux liés par l’art. L’art, comme nous allons le voir, est l’expression de la dignité.

            L’ami de l’auteur, Maurice Halbwachs, en raison de la déshumanisation subie dans le camp de concentration, perd de sa vitalité mais aussi de son humanité, comme le dévoilent les termes « la détresse immonde », « la honte », « lisibles », mais grâce à l’art, le poème de Baudelaire que récite le narrateur, retrouve une forme de joie, comme l’illustre le verbe « sourit ». La poésie ici est « le meilleur témoignage que nous puissions donner de notre dignité ». Cette citation provient du poème « Les Phares » de Baudelaire. Malgré la déshumanisation, il reste une part de dignité que l’on ne peut pas nous enlever. Les termes « flamme de dignité » dans le texte de Semprun témoigne d’une lumière, d’une étincelle encore présente. La suite, « humanité vaincue mais inentamée » est une antithèse qui dévoile que certes l’humanité a été attaquée, abîmée, mais pas détruite.

 

 

            Le voyage vers la mort est visible à travers une sorte de passage d’âme, une transition dont le narrateur est l’auteur. En effet, il reprend le motif de la Pietà, cette statue biblique de Michel-Ange représentant une scène célèbre du Nouveau Testament : la Vierge Marie tient sur ses genoux le corps du Christ descendu de la croix, prêt pour sa mise au tombeau puis sa résurrection et son ascension. Le narrateur représente la Vierge Marie. Il tient, aide, accompagne son ami avant la mort. Il est toujours présent, auprès de lui, lui apportant du réconfort et lors de l’approche de la mort, il l’aide à passer de l’autre côté, il qualifie cela comme une sorte de « prière ». La récitation du poème de Baudelaire est vue comme une prière pour permettre au futur défunt d’être guidé car en effet, l’art comme le poème de Baudelaire est un guide pour l’humanité. Même à la fin, lorsque la « cérémonie » et la prière sont terminées, il reste auprès de lui. Le narrateur est pour son ami ce qu’est la Pietà, la Vierge Marie, pour le Christ.

            La mort est également visible à travers le motif de la catabase tel Orphée dans le livre X des Métamorphoses d’Ovide qui a traversé les Enfers et est revenu sur Terre. Mais ici, le narrateur a également traversé la mort par le décès de son ami, par les conditions de cette perte. Mais cette fois il s’agit de l’Enfer de la réalité concentrationnaire. De plus, à travers l’auteur, se trouve l’allégorie de la mort car il suit, fait partie de l’acheminement vers la mort de son ami. La mort est en lui parce qu’il la vit, la voit et permet l’accès de son ami à cette mort.

 

 

            L’auteur parvient à rendre sa dignité au mourant par un instant de fraternité et par l’accompagnement vers la mort. Il lui sert de guide et le mène vers la mort, un monde spirituel. A travers cela le mourant récupère sa dignité, vainement arrachée par la déshumanisation du camp de concentration. L’auteur lui permet de rester un homme, de garder sa valeur, et ainsi de résister à la déshumanisation. Cette tentative pour résister à la déshumanisation est comparable au recueil de poèmes Calligrammes de Guillaume Apollinaire, dans lequel le poète cherche inlassablement des moyens pour survivre à la déshumanisation provoquée par la Première Guerre mondiale. Parmi ces moyens, il y a la fraternité, l’espoir, l’amour et la poésie.

L'Ecriture ou la vie : le martyre de Maurice Halbwachs par Lise
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