Si je mourais là-bas par Lola V. et Mickael

Publié le par Professeur L

Si je mourais là-bas par Lola V. et Mickael

Année scolaire 2021-2022 – Lycée Cassini (Clermont-de-l’Oise)

Niveau terminale Humanités Littérature et Philosophie

L’humain en question : art, rupture et continuités/la violence de l’Histoire

 

Correction de la question d’interprétation traitée en binômes

 

Texte 1 : Guillaume Apollinaire, « Si je mourais là-bas » (Poèmes pour Lou, 1915)

 

Copie de Lola et Mickael

 

Question d’interprétation : comment Apollinaire parvient-il à célébrer la force de la parole poétique à partir d’une vision lyrique de la guerre et de la mort ?

 

 

                Le poème étudié s’intitule « Si je mourais là-bas ». Il est extrait du recueil Poèmes à Lou écrit pendant la guerre par Guillaume Apollinaire. Ainsi, nous pouvons nous demander comment le poète parvient à célébrer la force de la parole poétique à partir d’une vision lyrique de la guerre et de la mort. Le poème se déploie en deux mouvements : dans un premier temps, nous nous pencherons sur la vision lyrique de la guerre et de la mort ; et dans un second temps, la force de la parole poétique.

 

            Le poète est cerné par la guerre et la mort. Il anticipe déjà la fin tragique et les pertes que celle-ci engendre. En effet, nous retrouvons beaucoup de références à cette tragédie, notamment grâce au champ lexical de la guerre : « front de l’armée » au premier vers, « meurt » au vers 3, « obus » au vers 5 et « sang » au vers 7. La répétition de l’expression « front de l’armée » aux vers 1 et 4 insiste sur la guerre, la peur et le traumatisme causé par celle-ci. Apollinaire imagine sa mort et en fait part à sa compagne Louise de Coligny-Châtillon. En effet, nous retrouvons à plusieurs reprises le verbe « mourir » conjugué à différents temps tels que le présent de l’indicatif au vers 3 avec « meurt ». Le poète a conscience des risques de la guerre et une partie du vers 21 accentue cette conscience : « Lou si je meurs là-bas ». Apollinaire semble s’éteindre à petit feu, l’humanité est en train de le quitter mais l’obus qui vient d’éclater provoque une prise de conscience. C’est à ce moment-là que ses souvenirs lui permettent de rester humain et de rester en vie.

            La guerre a de nombreuses conséquences sur la vision d’Apollinaire. Il fantasme sur sa mort. Le poète emploie du conditionnel sur une majeure partie des verbes comme le prouvent les exemples suivants : « pleurerais » au vers 2, « s’éteindrait » au vers 3 et « couvrirait » au vers 7. Ce procédé insiste sur le fantasme de sa propre mort, il en vient même à imaginer la réaction de sa bien-aimée. Le poète met en lumière le destin tragique et sa mort violente grâce à l’hyperbole au vers 7 ainsi que la répétition du groupe de mots « un long » au vers 29. Apollinaire nous dévoile sa nostalgie et ses souvenirs avec sa bien-aimée, ils sont accentués avec le « ô » lyrique employé à deux reprises aux vers 2 et 26.

 

            Nonobstant cette mort tragique, le poète évoque l’amour charnel pour sa bien-aimée. Le poète se sert d’un langage à la fois implicite et explicite afin de révéler les détails les plus indiscrets de ses souvenirs. Comme le prouvent les exemples suivants : « Je rougirais le bout de tes jolis seins roses » au vers 12 et « souviens-t-en quelquefois aux instants de folie/De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardeur » aux vers 22 et 23. La dualité entre l’amour et la guerre est mise en lumière au vers 13 avec l’antithèse : « Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants ». Pour Apollinaire, la guerre semble être une parenthèse dans le temps. Lou n’aura pas changé lorsqu’il rentrera comme le souligne le poète dans les vers 14 et 15 : « Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses /Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants ». Apollinaire dévoile sa perte avec la réalité. Il est perdu entre la violence de la guerre et la tendresse de ses souvenirs. Le vers 26 accentue cet état d’esprit.

            Apollinaire perd tout sens de la réalité. L’amour qu’il éprouve pour Lou est si puissant qu’il ne fait qu’un avec les forces de la nature. En effet, le poète se sert de plusieurs hyperboles pour mettre en valeur son amour pour sa bien-aimée comme le suggèrent les exemples suivants : « Ô mon unique amour et ma grande folie » (vers 26) et « les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace » (vers 9). Le mélange du thème de la guerre et de l’amour se retrouve au travers des différents paysages décrits. Certains sont paradisiaques, calmes et apaisants, et d’autres sont tragiques et meurtris : « La mer les monts les vals et l’étoile qui passe/Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace » (vers 8 et 9). Apollinaire embellit sa mort tragique afin d’accentuer la beauté des paysages, la beauté de ses souvenirs, il célèbre sa renaissance. L’idée de la fusion entre l’amour et la nature se retrouve par exemple dans Julie ou la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau. A la fin du poème, la parenthèse dans le temps, qui s’est transformée en rêve, s’achève. Apollinaire revient à la réalité, comme le prouve l’exemple suivant : « La nuit descendrait/On y pressent/Un long un long destin de sang » (vers 27, 28 et 29). La violence de la guerre refait surface.

 

            Au terme de ce parcours, nous pouvons conclure qu’Apollinaire parvient à célébrer la force de la parole poétique grâce à la vision lyrique de la guerre et de la mort. Malgré ce contexte rempli de violence, de sang, l’amour arrive à trouver sa place au milieu du chaos permettant ainsi au poète de garder son humanité et de trouver la paix. Plongé dans la folie, Apollinaire s’échappe de l’atrocité de la guerre et atténue sa peur de la mort. Un amour figé dans le temps, infini, surpuissant face à la tristesse de la mort. La recherche de l’amour pendant la guerre est un thème récurrent dans la poésie du XXe siècle. Nous pouvons le retrouver dans « l’ Autoportrait » d’Henri Aimé Gauthé ou dans « La Colombe poignardée et le jet d’eau » de Guillaume Apollinaire.

Si je mourais là-bas par Lola V. et Mickael
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