Apollinaire abécédaire Beau
Merlin dictant ses prophéties à son scribe Blaise. Enluminure du 13e siècle extrait de Merlin en prose de Robert de Boron.
Beau : tout au long de la lecture on isole un thème général : la guerre. Mais Apollinaire n'en parle pas de manière classique. En effet au cours de la lecture il évoque de très nombreuses fois son expérience de la guerre. Durant ces passages on remarque qu'il ne la qualifie pas de manière négative, mais positive, en utilisant du vocabulaire mélioratif. Par exemple « A Nîmes » évoque « la gaîeté de ce détachement », « notre beau régiment » (vers 13 et 14). Dans « 2e canonnière conducteur », au vers 22, il compare un officier à un ange : « Comme un ange bleu dans la pluie grise ». Dans « Merveilles de la guerre » (vers 37), le poète souligne la « douceur de cette guerre ». NOTE DU PROFESSEUR : cela ne veut pas dire bien évidemment que le poète aime la guerre, qu'il la glorifie selon une tonalité ou un registre épique. Apollinaire n'est ni un nationaliste belliqueux, ni un militariste fasciné par la violence. Mais il n'oublie tout simplement pas sa fonction et sa mission de poète : le poète est un créateur de beauté, il est celui qui voit la beauté là où personne d'autre n'est capable de la voir. C'est aussi pour lui un moyen de lutter contre la déshumanisation ou la dépersonnalisation engendrée par la guerre. En effet, en introduisant du désir et de la beauté au cœur de l'enfer, le poète combat toute menace de folie ou de désespoir. L'introduction et la création de la beauté au cœur de l'horreur sont donc surtout la manifestation d'une fidélité à soi, et un moyen de résister à la dissolution de soi. La beauté est le rappel de la vie qui triomphe toujours de la mort, et l'arme du poète contre la laideur de la guerre. La beauté est ce que produit le poète qui est un enchanteur (au sens où il enchante la réalité, il la transfigure, dévoile sa beauté cachée, crée la beauté, et au sens où il chante le monde, sa beauté et sa vitalité féconde).