Texte de la commémoration de l'Armistice mis en scène par la seconde 13
Mémorial de la Bataille du Bois Belleau, 93e commémoration. Très célèbre aux Etats-Unis, ce bois chargé d'histoire est aujourd'hui le lieu emblématique de la commémoration du Mémorial Day, jour du souvenir consacré à la mémoire des forces américaines engagées en France pendant la Grande Guerre.
Texte mis en voix et théâtralisé pour la commémoration
- Le Départ des poilus (Dalton Trumbo, Johnny s’en va-t-en guerre, chapitre 3)
Soldat 1 : Oh Kareen je te regarde et tu n’as que dix-neuf ans et tu es aussi avancée en âge qu’une vieille femme.
Soldat 2 : Kareen je te regarde et je pleure en mon cœur et mon cœur saigne.
Soldat 3 : Tout juste une prière d’enfant à la tombée de la nuit quand la lumière baisse.
Homme politique : Comme l’a proclamé ce grand patriote qu’était Woodrow Wilson, il reste toujours une lueur d’espoir au fond du désespoir.
Chef de gare : Tout le monde en voiture. Tout le monde en voiture.
TOUS : Là-bas là-bas là-bas là-bas
Le père : Au revoir fiston. Ecris-nous. Nous tiendrons le coup.
Soldat 4 : Au revoir maman au revoir Catherine au revoir Elizabeth ne pleurez pas.
Homme politique : Car vous êtes les fils de Los Angeles. Que Dieu vous bénisse. Que Dieu nous accorde la victoire.
Chef de gare : Tout le monde en voiture. Tout le monde en voiture.
Un journaliste : Les Yankees arrivent les Yankees arrivent.
Le pasteur : Prions. Notre Père qui êtes aux cieux.
Soldat 5 : Je ne peux pas prier. Kareen ne peut pas prier. Kareen Kareen ce n’est pas le moment de prier.
Le pasteur : Que votre volonté soit faite sur terre comme au ciel.
Soldat 6 : Kareen Kareen je ne veux pas partir.
Soldat 7 : Je veux rester et être avec toi
Soldat 8 : et travailler
Soldat 9 : et gagner de l’argent
Soldat 10 : et avoir des enfants et t’aimer.
Soldat 11 : Mais je suis forcé de m’en aller.
Le pasteur : Car le royaume des cieux vous appartient et la puissance et la gloire sont vôtres à tout jamais Amen.
Soldat 12 : Au revoir Mike au revoir Kareen je t’aime Kareen.
Soldat 13 : Au revoir maman au revoir Catherine au revoir Elizabeth.
L’homme politique : Ce que nous saluons si fièrement.
Soldat 14 : Viens dans mes bras Kareen à tout jamais.
L’homme politique : Regardez cette glorieuse bannière étoilée.
Soldat 15 : Au revoir tout le monde au revoir.
TOUS : Au revoir
Un père : mes fils
Un fils : père
Un frère : frère
Une femme : fiancé
Une deuxième femme : mari
TOUS : au revoir.
Soldat 16 : Au revoir ma mère
Soldat 17 : mon père
Soldat 18 : mon frère
Soldat 19 : ma sœur
Soldat 20 : ma fiancée
Soldat 21 : ma femme
TOUS : Au revoir
Albert Herter est connu en France pour être l'auteur d'une peinture monumentale de 60 m2 soit 12 m sur 5 m, Le Départ des poilus, août 1914, exposée depuis 1926 dans le hall des départs de la gare de Paris-Est à Paris. Cette toile illustre le départ pour le front des soldats français, les poilus, mobilisés en 1914. Elle fut peinte en souvenir de son fils, Everit Albert, tué près de Château-Thierry et enterré près du lieu de sa mort, dans les derniers mois de la guerre et inaugurée en présence du Maréchal Joffre.
- Une lettre (texte de la seconde 13)
Soldat 1 : Ma chérie,
Soldat 2 : Que dire ?
Soldat 3 : Comment te décrire ?
Soldat 4 : Quels mots puis-je utiliser ?
Soldat 5 : Tu ne recevras sans doute pas ma lettre, car l’armée la censurera.
Soldat 6 : C’est une guerre affreuse, horrible et violente, qui entraîne la perte physique et morale des soldats.
Soldat 7 : Les Allemands ne reculent pas.
Soldat 8 : Ils déciment nos troupes.
Soldat 9 : Le champ de bataille ressemble à un cimetière à ciel ouvert.
Soldat 10 : Tous ces corps, étalés sur le sol, nous soulèvent le cœur.
Soldat 11 : Ce que j’ai vu est indescriptible.
Soldat 12 : J’ai vu mes camarades se faire tirer dessus comme des lapins.
Soldat 13 : J’ai vu des morts par centaines.
Soldat 14 : J’ai vu des scènes effroyables :
Soldat 15 : dans le no man’s land, des cadavres, des mares de sang, le sang qui empeste, et que survolent des insectes répugnants.
Soldat 16 : J’ai vu un incendie aveuglant, provoqué par les grenades.
Soldat 17 : Les bombes font un bruit de tambours qui résonnent dans ma tête jour et nuit.
Soldat 18 : Le bruit des obus me fait siffler les oreilles.
Soldat 19 : La moindre détonation me perce les tympans.
Soldat 20 : Je suis abasourdi par les bruits des canons rugissant dans cette vaste vallée, recouverte par le sang de nos camarades.
Soldat 21 : Les coups de fusils, les tirs d’obus nous rendent dingues.
Soldat 22 : On les voit exploser au loin comme des feux d’artifice meurtriers.
Soldat 23 : Les explosions sont semblables à l’éruption d’un volcan.
Soldat 24 : La terre explosant, la roche brûlante, le sang coulant tel de la lave.
Soldat 25 : Au front, on sent la mort venir vers nous.
Soldat 26 : On sent la pluie de balles tomber sur nous.
Soldat 27 : Où courir ?
Soldat 28 : Où aller ?
Soldat 29 : Sur qui tirer ?
Soldat 30 : Nous sommes tous des pions sur un échiquier, tombant les uns après les autres. Soldat 31 : Les balles se perdent.
Soldat 32 : Nos compagnons d’armes, tombés au champ d’honneur, disparaissent, petit à petit, dans boue.
Soldat 33 : Les éclats d’obus leur servent de drap funéraire.
Soldat 34 : Oh Marie, sors-moi de là !
Soldat 1 : Je vois des hommes rampant lentement au milieu de ce chaos, les entrailles répandues sur le sol, implorant de mettre fin à leurs souffrances, tels des âmes en peine.
Soldat 2 : La nuit, les explosions, les tirs, les cris de ceux qui meurent ne cessent de me hanter.
Soldat 3 : Nos défunts compagnons nous rendent visite dans nos rêves.
Soldat 4 : Ils nous empêchent de dormir.
Soldat 5 : Ici, l’alcool nous tient chaud.
Soldat 6 : Pour oublier la terreur, certains soldats boivent du vin jusqu’à en devenir ivres.
Soldat 7 : Les odeurs de la terre en fusion, des cadavres, de la poudre à canon, sont effroyables.
Soldat 8 : L’odeur infâme des cadavres, qu’ils soient humains ou animaux, se répand partout. Soldat 9 : L’odeur effroyable de la mort est omniprésente, comme si aucune autre odeur n’avait existé auparavant.
Soldat 10 : On quitte nos tranchées au coup de sifflet comme pour un match de foot.
Soldat 11 : Mais mon match à moi, c’est de tuer mes semblables, comme une machine, tout en essayant de ne pas me faire tirer dessus.
TOUS : La mort
Soldat 12 : nous suit.
TOUS : La mort
Soldat 13 : nous traque.
TOUS : La mort
Soldat 14 : nous enlève nos compagnons,
Soldat 15 : nos amis,
TOUS : nos frères.
Soldat 16 : Elle nous prend tout.
Soldat 17 : Nous sommes juste des hommes cherchant à défendre ce qui nous reste : la vie. Soldat 18 : Mais nos conditions de vie deviennent intenables : les poux et les rats sont de plus en plus présents.
Soldat 19 : Les poux, les rats et les puces sont devenus nos compagnons du quotidien.
Soldat 20 : Nous tentons de survivre comme des animaux dans les tranchées.
Soldat 21 : Nos pieds sont constamment dans l’humidité.
Soldat 22 : Le moral de chacun diminue sans cesse.
Soldat 23 : La peur,
Soldat 24 : l’impuissance
Soldat 25 : et la mélancolie
Soldat 26 : font partie de chacun d’entre nous.
Soldat 27 : Aujourd’hui, il y eut un combat effroyable,
Soldat 28 : meurtrier,
Soldat 29 : traumatisant.
Soldat 30 : Au moment où je t’écris cette lettre, j’en tremble encore.
Soldat 31 : Vers onze heures moins le quart, un sifflement sournois se fit entendre depuis le ciel,
Soldat 32 : comme si un chef de gare sifflait dans mes oreilles :
Soldat 33 : nous fûmes pilonnés par les batteries allemandes.
Soldat 34 : Les explosions faisaient trembler le sol tout entier.
Soldat 1 : Les souffles de terre provoqués par les obus nous poussaient,
Soldat 2 : nous emportaient,
Soldat 3 : nous recouvraient comme une mer agitée.
Soldat 4 : Il pleuvait de la terre, de la roche et des morceaux d’obus, qui transperçaient et arrachaient la peau, le visage et les membres des soldats qui ne s’étaient pas abrités !
Soldat 5 : Des morceaux de chair volaient partout,
Soldat 6 : comme les confettis d’une danse macabre.
Soldat 7 : Le cri des soldats étaient perçants.
Soldat 8 : Quelques secondes plus tard, les batteries françaises tirèrent, canonnèrent et pilonnèrent les Allemands.
Soldat 9 : Nous étions donc à égalité.
Soldat 10 : Profitant d’un instant de répit, le lieutenant siffla l’assaut, et tout le monde se rua sur les échelles.
Soldat 11 : Tout le monde courut sous le feu des ennemis, et la plupart d’entre nous finit blessé ou tué.
Soldat 12 : Mon meilleur ami était touché au visage.
Soldat 13 : Pris par la rage et la tristesse, je tentais désespérément d’appeler le brancardier, mais en vain…
Soldat 14 : Tout d’un coup, pendant que chacun essayait de retourner dans la tranchée, nous entendîmes un vrombissement.
Soldat 15 : Non comme une moto, ni comme une voiture.
Soldat 16 : Cela venait du ciel.
Soldat 17 : C’était un avion français, qui se dirigeait vers les positions allemandes.
Soldat 18 : Il rencontra un avion allemand, et ce fut le début d’un combat épique sans précédent. Soldat 19 : Je pensais au mérite d’être aviateur.
Soldat 20 : Comme cela doit être gratifiant et exaltant, de chevaucher son fidèle destrier cracheur de feu, et de voler au-dessus des tranchées !
Soldat 21 : Nos aviateurs sont les nouveaux chevaliers, luttant contre les barbares.
Soldat 22 : Les deux avions se mitraillaient, se suivaient, jusqu’au moment où l’avion français toucha l’avion allemand, qui commençait à piquer du nez sur la tranchée allemande !
Soldat 23 : Quelle ironie…
Soldat 24 : Souffrance,
Soldat 25 : peur,
Soldat 26 : cadavres :
Soldat 27 : je ne sais plus quoi penser, je suis exténué.
Soldat 28 : Si seulement tu savais tout le mal que je subis.
Soldat 29 : Je ne pense plus tenir longtemps.
Soldat 30 : On souffre, on en a marre.
Soldat 31 : Je ne pourrai jamais oublier ce saccage abominable.
Soldat 32 : Je n’en peux plus de ce réel carnage.
Soldat 33 : Je veux que ça s’arrête, que la guerre s’arrête.
Soldat 34 : D’ailleurs, l’envie d’arrêter ce désastre est présente dans l’esprit de tous les soldats, y compris ceux de l’ennemi.
Soldat 1 : La guerre est idéalisée par la propagande.
Soldat 2 : La réalité est invivable.
Soldat 3 : Chaque jour, des centaines de soldats meurent comme des rats pris au piège.
Soldat 4 : Pourquoi sommes-nous destinés à être sacrifiés ?
Soldat 5 : D’où vient la haine qui pousse les peuples européens à s’entretuer ?
Soldat 6 : Que restera-t-il de notre monde ?
Soldat 7 : J’ai souvent entendu ces questions dans les moments les plus difficiles.
Soldat 8 : Cette guerre n’engendre que malheur et désastre, des deux côtés.
Soldat 9 : Cette apocalypse affecte physiquement et mentalement les soldats.
Soldat 10 : Elle nous déshumanise, nous affaiblit et nous rend fous.
Soldat 11 : On ne peut pas imaginer les horreurs de la guerre si on ne l’a pas vécue soi-même. Soldat 12 : Cette guerre, c’est l’enfer.
Soldat 13 : J’espère que cette boucherie va bientôt se terminer.
Soldat 14 : Il faut que je sois fort pour revenir vers toi.
Soldat 15 : Mais si je ne rentre pas à la maison, n’oublie pas que j’ai vécu les meilleurs moments de ma vie avec toi.
Soldat 16 : Tu auras été le rayon de soleil de ma vie, et je ne regrette aucun moment passé à tes côtés.
Soldat 17 : Embrasse les enfants pour moi.