Au moment où je te parle par Aude
Ma chère Mathilde,
Au moment où je te parle, des centaines de milliers de soldats se font tuer par les balles des Allemands. Pourquoi toute cette violence ? Qu'avons-nous fait ? Pourquoi tous ces sacrifices ?
Ici, la mort, la souffrance, l'horreur et la cruauté sont partout. Des millions de corps verdâtres recouvrent le sol, y compris celui de Guillaume, éparpillé un peu partout. Un obus l'a percuté pendant que j'essayais de le sortir des barbelés.
Nous sommes affamés, épuisés, contrairement aux rats qui dévorent la chair et les organes des morts. Et l'odeur ! Cette odeur de pourriture et de sang qui plane dans les tranchées, elle me prend à la gorge et me donne envie de vomir.
Ah ! Ma douce Mathilde, j'aimerais te parler d'amour, mais les cadavres, les regards vides des soldats épuisés, les visages cadavériques me hantent. Tu es la seule chose qui me maintienne en vie, j'aimerais tant te revoir.
Mais les officiers ne nous laissent aucun répit. Hier, je me suis débrouillé pour me blesser la main afin de rentrer, mais mon geste est considéré comme une trahison punie de mort. Dans trois jours, je devrai passer en cour martiale avant d'être fusillé par mes propres compatriotes...
Je t'embrasse mon amour, je pense à toi chaque jour, tous mes sourires te sont adressés. Prends bien soin de toi.
Adieu, je t'aime.
Manech