Lettre d'un Poilu par Ariges et Marine
17 janvier 1917
Chère Mathilde,
Comment fuir cette atrocité ? Comment t'expliquer mon acte ?
Ma chérie, cela fait longtemps que je ne t'ai pas vue. Je t'écris pour te dire que je me suis mutilé. Je sais que tu ne devais pas t'attendre à une telle nouvelle. Tu espérais peut-être mon retour. Mais ce n'est pas le cas.
Et pourtant, je me suis mutilé pour te revoir, sentir ton parfum, sentir ta respiration près de moi, te toucher.
Je me rappelle la dernière nuit qu'on a passée ensemble. T'en souviens-tu ? Pour moi, elle était merveilleuse et magique. J'aimerais tellement être dans tes bras à l'instant où je t'écris, mais c'est impossible.
Ici, nous vivons dans la misère, avec des cadavres de chaque côté, oui, des cadavres ! C'est vraiment atroce. C'est écoeurant de voir chaque jour quelqu'un de mort, de blessé ou d'amputé d'une jambe ou d'un bras. C'est un champ de bataille abominable, pitoyable, c'est un chemin de carnage. Mais je n'oublierai jamais d'avoir eu mon ami exploser sur moi alors que je tentais vainement de l'aider. Cela m'a tellement traumatisé que je redoute chaque assaut. A force d'y penser, ça me donne encore plus envie de te revoir. Et je ne te parle pas de cette odeur. Elle ressemble à l'odeur des champs d'épuration, à du fumier, pire encore. C'est immonde et répugnant.
Je suis sur le point de mourir. Je te laisse ces derniers mots, à toi ma chérie. Je ne t'oublierai jamais.
Je t'aime,
Manech.