Calligrammes d'Apollinaire par Lola B.
Poète du tout début du XXème siècle, Guillaume Apollinaire est né en 1880 d'une mère polonaise et d'un père inconnu. Il est connu pour être un poète novateur comme le révèle son recueil Calligrammes qui contient des textes dont la disposition graphique forme un dessin. C'est dans le contexte de la guerre qu'Apollinaire confectionne son nouveau recueil qui paraîtra de 1913 à 1916. En effet, il s'engage dans l'armée dès le début de la Première Guerre mondiale afin d'entamer une procédure de naturalisation pour obtenir la nationalité française tout en continuant d'écrire de nouveaux idéogrammes lyriques. De ce fait, Calligrammes est un recueil qui traite de la guerre et de la paix comme l'indique son sous-titre et il réunit vingt-quatre poèmes. Ainsi, Apollinaire évoque ses jours heureux d'avant-guerre, ses amours perdus ou encore ses amis disparus pendant la guerre dans un rapport mélancolique au temps qui passe. C'est pourquoi, nous pouvons nous demander comment la poésie permet à Guillaume Apollinaire de préserver son humanité. Nous verrons dans une première partie les expressions personnelles des sentiments du poète puis dans une seconde partie la triste réalité de la guerre parfois embellît par le pouvoir poétique.
Le poète, dans les Calligrammes a recours au lyrisme, c'est-à-dire à l'expression des sentiments personnels. Ici, Apollinaire réalise d'une part un hymne dans ses poèmes et d'une autre part un discours aux morts, pour ses compagnons perdus.
Dans son recueil, le poète exprime un sentiment d'espoir, d'enthousiasme par le bais d'hymnes d'amour et d'hymnes de paix. En effet, le poète tente de préserver son humanité malgré les horreurs de la guerre en se rattachant à ses amours vécus. Il réalise donc des déclarations d'amour sensuelles pour parvenir à oublier la vie sur le champ de bataille. Il tente du mieux qu'il peut de ne pas se laisser atteindre par l’atrocité des combats qu'il observe sur le front. Le poème « Cheveu de frise » correspond bien aux aveux du poète qui évoque son amour pour Madeleine Pagès, la femme qu'il a rencontrée dans le train. Dans « Fusée », le poète décrit la femme avec un vocabulaire sensuel : « La boucle de tes cheveux noirs de ta nuque est mon trésor » ou encore « Tes seins sont les seuls obus que j'aime ». De la même façon qu'il dédie son poème « La jolie rousse » à Jacqueline Kolb qu'il épousera le 2 mai 1918 avant de mourir le 9 novembre.
De surcroît, le recueil renferme une part émotive et mélancolique pour ses compagnons perdus au front. Le poète dialogue avec ses camarades tombés au front comme dans le poème « Ombre » où il évoque clairement cette tristesse : « Vous voilà de nouveau près de moi / Souvenirs de mes compagnons morts à la guerre ». C'est par l'évocation, le souvenir de ses camarades de guerre, que le poète parvient à s'accrocher à son humanité. Dans le poème « Exercice », Apollinaire dédie ses vers à ses compagnons qui sont décédés par un obus : « Tous quatre de la classe seize/ Parlaient d'antan non d'avenir/ Ainsi se replongeait l’ascèse/ Qui les exerçait à mourir ». Ici, Guillaume Apollinaire n'évoque pas seulement ses compagnons, mais il est aussi nostalgique par rapport au passé, à la vie d'avant-guerre. C'est par la mélancolie du passé, qu'il ne songe pas à la folie meurtrière de la guerre.
Néanmoins, Guillaume Apollinaire, dans ses poèmes, n'énonce pas seulement son passé d'avant-guerre avec ses amours perdus ou encore ses compagnons de combat : il dédie aussi des poèmes qui sont spécialement sur le sujet de la guerre, sa réalité dans toute son horreur. De la même façon qu'il imagine un monde nouveau après la guerre.
En effet, Apollinaire ne se cache tout de même pas de décrire ce qu'il voit à la guerre. Grâce à une forte description, il parvient à retranscrire la souffrance vécue sur le champ de bataille comme dans « Du coton dans les oreilles » où Apollinaire fait référence au bruit assourdissant que les soldats subissaient sur le champ de bataille plus particulièrement lui-même puisqu'il faisait partie de l'artillerie française. Cependant, il ne se contente pas uniquement de décrire cette guerre mais restant tout de même un artiste, Apollinaire décrit aussi la guerre sous un aspect plus jovial grâce à des métaphores. Dans le poème « Fête », il décrit les tirs d'artilleries qui embrassent le ciel : « Feu d'artifice en acier ». De ce fait, Calligrammes naît de l'union de l'esthétique et de la mort en décrivant l'expérience monstrueuse qu'est la guerre tout en lui donnant des images nouvelles.
Enfin, Guillaume Apollinaire tente de prédire le futur après la guerre, la vie qui va se reconstruire notamment dans la section « La tête étoilée ». Il tente de créer un futur à la vie et c'est par cette écriture poétique et cet espoir que le poète s'accroche. Dans le poème « L'avenir », il expose une sorte d'histoire nous projetant dans un nouveau monde qu'est l'avenir, le futur. De la même façon, dans le poème « Merveille de la guerre », le poète compare la guerre à un spectacle de feux d'artifices, à un grand festin, à un banquet. Ces images sont assez surprenantes car la guerre est synonyme de violence, d'horreur mais c'est par cela que le poète installe une lueur d'espoir, l'hypothèse que cette guerre va se terminer et que les choses vont rentrer dans l'ordre.
En somme, Apollinaire parvient à préserver son humanité par la poésie. Il s'accroche à celle-ci pour survire aux horreurs de la guerre, il tente d'échapper à la folie. Malgré le contexte violent, grâce à l'amour pour ses femmes ou même l'amour qu'il porte pour ses compagnons, il parvient à rester humain : le fait qu'il ressente des émotions est signe d'humanité. De la même façon que juste le principe d'écrire, même si c'est pour décrire ce qu'il se passe à la guerre lui permet de tenir le coup. Le travail poétique joue un rôle important non seulement pour lui, mais aussi pour tous ceux qui le lisent puisque sa poésie a un impact sur le monde entier.