L'Ecriture ou la vie par Jeanne

Publié le par Professeur L

Ce texte est un extrait de L'Ecriture ou la vie de Jorge Semprun. Le contexte de cet exxtrait est la Seconde Guerre mondiale, plus précisément lorsque les Américains libèrent le camp de Buchenwald le 11 avril 1945. Dans ce texte, l'auteur nous décrit la déportation et les conditions dans les camps de concentration. Les Juifs, les homosexuels, les Roms, les Résistants et tout opposant au régime politique d'Hitler étaient déportés dans ces camps de concentration. Ces endroits étaient de véritables entreprises de déshumanisation, car, quand les déportés arrivaient au camp, on leur enlevait leurs noms, et on les remplaçait par des numéros, des matricules. Avant de sortir des wagons à bestiaux, où, pour  4 à 6 personnes, l'espace était réduit à une feuille de format A4, les déportés étaient encore des hommes. C'est en arrivant dans ces camps qu'ils devenaient, ou qu'ils était traités comme des outils. Ils étaient torturés. On leur enlevait leur dignité. Ils étaient aussi traumatisés. Traumatisés par la mort qui touchait leurs amis, les enfants, les femmes, par la propagation des maladies, et par les mauvais traitements quotidiens.

On peut dire que cet extrait est un autoportrait fragmenté car Jorge Semprun se décrit juste en touchant les parties de son cors, car les miroires étaient interdits, de peur que les déportés ne s'en servent comme d'une arme, mais aussi pour ne pas qu'ils conservent leur dignité en conservant l'image de leur visage. Pour cet autoportrait, l'auteur utilise différents temps, comme le présent et l'imparfait de l'indicatif, pour créer l'effet de va-et-bient entre le passé et le présent, c'est-à-dire un flash-back (ou analepse). Il se sert aussi de structures emphatiques : "C'est l'horreur de mon regard que révèle le leur, horrifié." Dans cette phrase, Jorge Semprun emploie un détachement et un présentatif, pour créer un effet miroir avec les termes "horrifiés" et "horreur" qui se réfléchissent ou qui sont symétriques dans la phrase. La forme de la phrase reproduit le sens, car l'auteur dit qu'il voit son regard dans ceux des Américains. Autrement dit, le regard des Américains est un miroir pour celui de l'auteur. La structure emphatique de la phrase déjà citée représente ou reproduit l'effet miroir du texte dans la mesure où le début du texte se reflète dans la fin du texte.

Pour souligner des contrastes, et décrire les conditions de vie dans le camp, ainsi que ses conséquences néfastes, Jorge Semprun utilise des oxymores et des antithèses : "amaigri mais vivant", "corps amenuisé mais disponible", "cadavres vivants".

Ce texte nous apprend que l'expérience du camp qu'il a vécue et subie a été traumatisante, dans le sens où il a vu des cadavres pratiquement tous les jours, mais aussi en référence à la déshumanisation, au fait d'être réduit à l'état d'outil indifférencié par rapport aux autres. On pourrait d'ailleur le comparer à Enée, Orphée, Achille, Hercule ou Ulysse, car chacun de ces héros mythologiques a fait un bref passage vers la mort, dans les enfers. Sauf que ce texte n'est pas un récit épique ou merveilleux, purement imaginaire. Il est témoignage de ce qui s'est réellement passé. L'auteur a réellement traversé la mort. La mort l'a touché. C'est pour cela que l'on peut faire ce rapprochement.

Ce texte est intéressant car l'effet miroir produit une originalité qui a du sens et permet de mieux dénoncer l'horreur, à travers le jeu des regards.

Pour conclure, je dirais que ce texte est une catharsis pour l'auteur, car cette expérience a été traumatisante pour lui. Le titre du livre, L'Ecriture ou la vie, est révélateur. Il nous montre que l'auteur était dans une impasse : écrire pour se libérer ou rester seul, avec ce poids, sachant que l'écriture le ramène à cette solitude et à cette expérience traumatisante.

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