Comment t'expliquer ? Par Tiphaine et Manon
Mardi 23 janvier 1917,
Ma chère Mathilde,
Comment t'expliquer ? Que te dire ?
Hier, sur le champ de bataille, j'ai assisté à la mort de plusieurs de mes camarades. Ce combat a été le plus meurtrier. En sortant des tranchées, la moitié d'entre nous n'a pas survécu. J'ai rampé jusqu'au front en faisant attention à chaque balle, chaque obus, chaque barbelé. J'ai survécu à cet atroce combat, avec quand même quelques blessures. L'un d'eux est mort près de moi. Quant à moi, je me trouvais allongé à quelques mètres de lui, avec ses organes sur moi et dans ma bouche. J'ai été tellement traumatisé par la mort, le sang, l'horreur de la guerre, les obus, les coups de fusil, la violence, que dès la fin du combat j'ai pris cette horrible décision de me mutiler, afin de rentrer, et d'avoir l'espoir de te revoir.
Je pense à toi tous les jours, et à chaque combat j'espère survivre pour espérer te revoir un jour, et repasser cette même nuit que nous avions passée ensemble avant la guerre : c'était une nuit inoubliable, toi à côté de moi, sous cette couverture...Je ne l'oublierai jamais et j'espère que toi non plus. Je me souviens même avoir dormi à gauche, et toi à droite.
Cette lettre sera la dernière car en me mutilant, je croyais te revoir plus vite, mais mon sergent m'a surpris et m'a condamné à mort. Maintenant, tu connais mon destin. Ne pleure pas. Ne sois pas triste et ne pense plus à moi.
Je t'aime et je te remercie pour les bons moments que tu m'as fait passer.