Comment décrire ? Par Sandra
10 janvier 1917
Chère Mathilde,
Comment décrire ? Comment t'expliquer ? Comment te dire que cette lettre sera sûrement la dernière ? La vie dans les tranchées est si horrible, si terrifiante, si désastreuse et si traumatisante, que j'en suis arrivé à me mutiler la main en espérant que je te reverrai un jour.
Un matin, notre supérieur nous donna l'ordre d'aller au combat. Tandis que je courais en essayant d'échapper aux tirs d'obus et aux balles, je me faufilais entre les morts et les barbelés comme une taupe dans un terrier. Tout d'un coup, je vis un de mes camarades coincé sous des barbelés. J'ai essayé de le secourir, mais en vain. Quand soudain, j'entendis le sifflement d'un obus, cette chose énorme ressemblant à un cigare, arriver sur nous. J'étais terrifié, avec des cadavres partout autour de moi. Je m'éloignai de mon camarade qui me suppliait de ne pas l'abandonner. L'obus tomba sur lui. Moi qui étais à côté, je reçus plein de boyaux et de tripes dans la bouche et partout sur mon corps. J'eus peur, je fus dégoûté, je devins fou, je ressentis de la terreur et de la haine envers la guerre et envers ceux qui l'avaient déclenchée. La mort ! La destruction ! Les manipulations ! Tout ceci en fut trop pour moi ! Moi ! Un jeune homme d'à peine dix-neuf ans à qui il manquait cinq mois pour en avoir vingt.
A partir de ce moment, je ne pus continuer ainsi. Le soir, en rentrant au camp, je pris une cigarette, l'allumai et la mis entre mes doigts, la fis dépasser et là, je me reçus une balle. La douleur était tellement horrible que je criai, ce qui fit venir mon supérieur. Malgré les contestations de mes camarades, il décida de me faire juger pour mutilation volontaire, et donc pour trahison envers mon propre pays ! Le jugement fut la condamnation à mort.
Voici donc la dernière lettre que tu recevras de moi. Je me rappellerai toujours les moments partagés avec toi. La nuit passée à tes côtés était de loin la plus belle. M'endormir dans tes bra, ma main sur ton sein, la chaleur de ton corps contre le mien, ton visage, ton odeur et ta peau de pêche, tout ceci me donne du courage pour affronter mon destin.
A jamais ma très chère et tendre Mathilde,
Manech.