Si je mourais là-bas par Ambre et Candyce
Guillaume Apollinaire naît en 1880 à Rome d’une mère polonaise et d’un père inconnu, sûrement italien. C’est un poète du XXe siècle, prônant l’Esprit Nouveau. Il publie son recueil Calligrammes en 1918, où il évoque l’amour, la guerre et l’après-guerre en regroupant la peinture et la poésie, ce qui forme l’Esprit Nouveau. Dans Poèmes à Lou, datant de 1915, le poète s’inspire d’une de ses six muses, Louise de Coligny-Châtillon, une belle aristocrate divorcée, rencontrée à Nice en 1914. Cette relation brève et ardente ne fut que dans un sens puisque Louise ne voulait rien de plus, tandis qu’Apollinaire était pris d’une passion amoureuse. Dans ce poème, le poète imagine sa mort sur le front et en fait part à sa bien-aimée. C’est une lettre qui exprime le lyrisme des sentiments amoureux ainsi que l’idée tragique de la guerre. Comment Apollinaire parvient-il à célébrer la force de la parole poétique à partir d’une vision lyrique de la guerre et de la mort ? Dans un premier temps, nous aborderons l’amour au cœur de la guerre. Pour finir, nous étudierons la vision future du poète sur sa poésie.
L’auteur met en avant l’imagination de sa mort dans sa poésie. Dans son premier vers, Apollinaire fait l’hypothèse, la supposition par le « si » suivi de « je mourais ». Le champ lexical dans la première strophe rappelle le cœur du sujet : la guerre. Cela dévoile son vécu vis-à-vis de la guerre à cette époque : « obus éclatant », « fatal giclement ». Les nombreuses hyperboles insistent sur son traumatisme durant la guerre. Nous pouvons relever une peur vis-à-vis de la mort. Les mots « obus » et « le sang » reviennent plusieurs fois dans le poème. Il y a comme une préscience ou une intuition de ce qui va lui arriver, puisqu’Apollinaire est blessé à la tempe le 17 mars 1916 à cause d’un éclat d’obus.
L’imagination de sa mort le ramène à sa bien-aimée. L’interjection « ô » présente devant le prénom « Lou » au vers 2 ou bien au vers 26 exprime une émotion forte de son amour et de son désespoir, qui insiste sur la peur de ne pas la revoir. Apollinaire rajoute également de l’érotisme à son poème, en décrivant le physique de Lou dans les vers 12 et 13. Il valorise Lou, avec du vocabulaire mélioratif, et par amour lui souhaite d’être heureuse malgré le destin tragique qui l’attend. Lou est souvent associée aux mots « jolie », « heureuse », « aimé », « beau », ce qui accentue son amour.
L’addition de son amour et de son imagination lui permet d’apporter une vision future sur sa poésie.
Afin de se rattacher à la vie, dans son poème, Apollinaire se remémore des souvenirs passés avec sa bien-aimée Lou dans le vers 10, de vacances passées ensemble à Baratier. Il associe des éléments du réel, tels que des souvenirs érotiques dans les vers 12 et 13, toujours en rapport avec Lou. Sa poésie se rattache à la vie vis-à-vis de sa mort fictive.
Grâce à son rattachement à la vie, Apollinaire va mettre en valeur l’esthétique de sa poésie afin de laisser une trace de lui dans le monde. Toujours en cohérence avec ses souvenirs où ceux-ci s’éteindraient avec lui, tandis que ses idées poétiques resteraient présentes dans l’humanité. Il n’hésite pas à utiliser des hyperboles et des gradations pour accentuer ses propos, notamment dans le vers 16 : « le fatal giclement de mon sang sur monde », ou bien dans les vers 7 et 8. Il fait le lien avec le jardin des Hespérides de la mythologie grecque, qui vise à représenter sa poésie comme « les fruits d’or » qui poussent à travers le monde.
Pour conclure, Apollinaire présente un poème mélangeant les thèmes de la mort, de la guerre et de l’amour, permettant ainsi une vision sanglante de la guerre, grâce à son imagination, mais également une vision attendrissante grâce à son amour pour Lou. Nous pouvons en déduire que la vision lyrique de la guerre et de la mort permet à Apollinaire de rester en lien avec le réel, en tous les cas de conserver son identité et de sauvegarder son humanité. La force de sa parole poétique réside dans la capacité à dévoiler la beauté du monde, par-delà la laideur de la guerre. En ce sens, son œuvre est véritablement visionnaire.